Guerre d’influence en afrique

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Guerre d’influence en afrique

Messagepar douddu » Mardi 10 Mai 2011 8:18

Guerre d’influence en afrique
lundi 9 mai 2011 par cnt ait



Le 11 janvier 2011 Michelle Alliot-Marie, alors ministre des affaires étrangères, au cours d’une séance de l’Assemblée nationale, proposait, en des termes à peine voilés, une intervention militaro-policière française en faveur de celui qui exerçait encore sa dictature en Tunisie, Ben Ali : « Nous proposons que le savoir-faire qui est reconnu dans le monde entier de nos forces de sécurité permette de régler des situations sécuritaires de ce type. »

Le 19 mars 2011, ce fameux « savoir-faire » que le monde entier nous envie était enfin déployé : les premières frappes françaises s’abattaient autour de la ville de Bengazi (Libye), cette fois-ci, pour soutenir des insurgés en armes contre une autre dictature, celle du colonel Kadhafi.

En à peine un peu plus de deux mois donc, nous avons assisté à un retournement de position diplomatique tel que l’histoire en a rarement connu. Le fait que de s chefs d’État, hier grands amis, soient maintenant, en l’espace de si peu de jours, dénoncés comme des tyrans à abattre nous démontre d’abord l’importance du signal lancé par la révolution tunisienne du 14 janvier 2011, mais souligne également qu’il faut comprendre les événements sur venus à sa suite dans un contexte géostratégique mondial, dominé par l’affrontement des intérêts occidentaux et chinois.

Bien que peu d’informations aient été diffusées à ce sujet dans le grand public, il faut savoir, entre autres choses, que la Chine se taille actuellement la par t du lion dans les grands projets africains. Elle « ... rafle depuis des années nombre de projets d’Est en Ouest et du nord au sud.En 2008, les investissements chinois représentaient 7,8 milliards de dollars, la plupart portant sur des projets d’infrastructures. En Afrique de l’Ouest, c’est le Niger qui en 2010 a attiré les Chinois avec un flux d’investissements de 184 millions de dollars, suivi du Bénin (54 millions), de la Côte d’Ivoire (37 millions), de la Guinée-Bissau (27 millions) et du Sénégal (26 millions). » [1] Marxiste ou pas, la Chine ne fait pas du bénévolat mais s’assure ainsi des marchés. Déjà « ... la région subsaharienne est dépendante d ’une demande en produits chinois.. ». Surtout elle s’assure la fourniture à bon compte de matières premières et d’énergie : « Un quart des ressources énergétiques de la Chine provient de l’Afrique [2] » Cet expansionnisme économique de la Chine est soutenu par la compétitivité de son économie dans un climat de tension monétaire. De réunions inter nationales en conférences au sommet, les dirigeants des pays occidentaux n’ont plus qu’un objectif, fondamental : rééquilibrer les balances commerciales en leur faveur. Pour cela, il leur est nécessaire d’obtenir une réévaluation significative de la monnaie chinoise (le Yuan). A leurs yeux, actuellement, seule cette réévaluation serait en mesure d’affaiblir la compétitivité des produits chinois sur les marchés internationaux. Pas fous, les dirigeants chinois s’y refusent avec beaucoup d’obstination.

Nouvelle Donne

Ne pouvant obtenir satisfaction par de bonnes paroles, les dirigeants américains ont ajouté une corde à leur arc stratégique en cherchant à déstabiliser concrètement les intérêts économiques et politiques chinois sur le continent africain. Le « la » a été donné par le « Discours du Caire » prononcé par Barak Obama en juin 2009 dans une capitale qui joue le rôle de caisse de résonance pour le monde islamique et africain. Celui qui était alors le tout nouveau président des États-Unis y affirmait deux grandes choses. D’abord que l’Islam devait être reconnu comme une force politique. Ensuite et sur tout que les peuples du continent avaient enfin le droit de choisir librement leurs gouvernements, « pour et par le peuple » disait-il ! L’absence de tout propos positif envers celui qui était pourtant son hôte du moment, le président Moubarak, venait, en creux, renforcer ce dernier propos. Le message était finalement facile à décoder, tant par les dictateurs locaux que, par ricochet, par les concurrents chinois.

A compter de ce moment, l’interventionnisme manichéen des années Busch et son « axe du mal » cédait, sans abandonner la lutte armée contre le terrorisme, la place à un discours plus nuancé sur l’Islam mais aussi plus idéaliste, qui n’est pas sans rappeler sur ce point celui qui a soutenu la décolonisation dans les années 50 ou celui qui a produit l’effondrement, mettant en jeu la pression des populations, des régimes de l’est de l’Europe à la fin des années 80. Face à ce qui s’annonçait comme un virage de la diplomatie américaine, fondamental et clairement affiché, la diplomatie française a eu un temps de retard. La Cour du locataire de l’Elysée, toute à son adulation du maître des lieux, n’a pas percuté. Elle a poursuivi ses petits commerces coupables avec tous les despotes locaux. Ces derniers, bien que l’avertissement ait été clair, n’ont pas non plus pratiqué les « ouvertures » nécessaires. S’étant rangés sous la bannière de la croisade Bushiste contre les « forces du mal », ils pensaient avoir donné suffisamment de gages de soumission et poursuivre leurs pillages en toute tranquillité.

Surpris par la révolution tunisienne, encore sonné par la révolution égyptienne, le gouvernement français a fini par comprendre le sens de ce processus visant in fine à ralentir l’expansionnisme chinois. Le prix à payer par le gouvernement français pour reprendre pied en Afrique (c’est-à-dire le « sacrifice » de quelques vieux dictateurs jusqu’ici « amis de la France ») est négligeable au regard de l’importance de la guerre économique et sociétale qui se déroule dans cette zone au carrefour de l’Orient et de l’Occident et dans laquelle les capitalistes français possèdent de forts investissements qui pourraient bien faire les frais de toute « erreur » de manœuvre politique. [3]

C’est cette prise de conscience tardive mais profonde qui explique la rapidité du retournement spectaculaire de la diplomatie française devant les révolutions des pays d’Afrique du Nord et du Moyen Orient. L’intervention militaire en Libye découle de cette volonté de compenser les erreurs d’appréciation commises au départ. Si les causes de l’intervention militaire en Libye sont donc, somme toute, banales, les circonstances dans lesquelles elle se déroule le sont beaucoup moins.

La Chine, pays considéré il y a de cela à peine quelques années comme « en voie de développement » n’est pas seulement devenue la deuxième puissance économique mondiale, elle est le créancier des USA qui traversent de graves difficultés économiques. Pour fixer les idées, en octobre 2010, la chine détenait 1 175 milliards d’avoirs de la dette publique des États- Unis.

Ainsi décryptés, les événements qui se succèdent depuis le soulèvement en Tunisie dans un nombre croissant de pays pourraient ne constituer que la énième lutte intestine de clans capitalistes (capitalistes d’état, capitalistes libéraux...) dans la conquête ou la conservation de leurs privilèges. Cependant, au-delà de cette première analyse, il faut être attentif aux moyens d’action choisis. Pour déstabiliser son adversaire et retrouver toute son influence, le pouvoir US, se sachant gravement menacé de déclin, a choisi une stratégie indirecte. Il a lui-même levé le drapeau de la liberté et de la justice sociale dans des pays écrasés par les dictatures et les injustices. Certes, il envisage de remettre ce drapeau dans sa poche dès que ses objectifs seront atteints. Il sait qu’il pourra compter pour cela sur les « élites » universitaires, médiatiques, politiques, économiques locales. Mais l’histoire nous apprend que, parfois, ces stratégies indirectes, pour machiavéliques et habilement construites qu’elles soient, peuvent se retourner contre leurs auteurs : les puissants qui lèvent hypocritement le drapeau de la liberté et de la justice peuvent y laisser quelques plumes si les peuples les prennent au mot.

Retournement de situation

Il fut ainsi un temps ou les grandes puissances du monde étaient la France et l’Angleterre. Lorsque la monarchie française, dans les années 1780, sentit que son hégémonie allait être définitivement confisquée par l’Angleterre, elle choisit elle aussi une habile stratégie indirecte. Bien décidée à mettre des bâtons dans les roues de la puissance anglaise, la diplomatie française décida de soutenir ceux des sujets de sa Gracieuse majesté britannique qui, aux Amériques, se révoltaient. Ces derniers constituaient un front hétéroclite allant des pires racailles racistes et esclavagistes à des penseurs aussi avancés que Thomas Paine, tous cependant abhorraient l’idée de monarchie. Faisant fi de ce point, qu’il considérait certainement comme un détail, et parce que son objectif réel était d’affaiblir l’Angleterre coûte que coûte, le pouvoir français n’hésita pas. Au moment où les « Insurgents » se trouvaient dans une situation particulièrement critique, la monarchie française leur apporta un soutien militaire qui se révéla décisif, contribuant ainsi à développer l’enthousiasme pour les idées nouvelles... et contribuant ainsi probablement, et fort involontairement, à sa propre chute quelques années seulement après...

L.

[1] voir sur cette page web->http://coreeaffaires.com/2011/0 /25/afrique-terre-d%E2%80%99investissements/

[2] Martin Davies, directeur du Centre d’affaires asiatiques au Gordon Institute of Business Science, avril 2011

[3] L’action militaire du gouvernement français en Côte d’Ivoire s’inscrit dans cette perspective, Gbagbo ayant en particulier commis le crime de privilégier les relations commerciales avec la Chine depuis quelques années.
douddu
 

Re: Guerre d’influence en afrique

Messagepar douddu » Mercredi 24 Aoû 2011 9:04

le monde.fr 23/08/2011:

La Chine a de son côté souhaité la poursuite de liens économiques et commerciaux "mutuellement bénéfiques" avec la Libye. La Chine a investi des milliards de dollars dans les chemins de fer, le pétrole et les télécoms en Libye, et le ministère du commerce chinois a rappelé que l'insurrection libyenne avait porté atteinte à ses investissements


LEXPRESS.fr avec AFP, publié le 23/08/2011 à 16:36

afp.com/Eric Feferberg
Pendant des semaines, Nicolas Sarkozy s'est voulu en pointe dans l'intervention en Libye. Alors aujourd'hui, pas question de perdre la main. Il multiplie donc les initiatives.

Avec la victoire attendue des rebelles libyens à Tripoli, le président Nicolas Sarkozy marque un point important dans la perspective de la présidentielle. Toujours à la peine dans les sondages et face à des perspectives de croissance en berne, le chef de l'Etat trouve avec cette résolution du conflit en Libye, une occasion de rebondir dans les sondages.

Depuis le début de l'intervention, Nicolas Sarkozy a souhaité être aux avants-postes, et ce même si cela lui valut le surnom de "Rambo". Il fut ainsi le premier chef d'Etat à avoir reconnu officiellement le CNT comme "seul représentant du peuple libyen", le 10 mars dernier. Neuf jours plus tard, re-belote. Il grille la priorité à ses homologues en annonçant le début des opérations de la coalition alors que certains craignaient un enlisement militaire, comme en Afghanistan.

Sarkozy cherche à conserver son leadership

Après tous ces efforts, pas question pour le futur candidat de perdre la main sur le dossier libyen.

Dès lundi, aux premiers signes de la chute de Kadhafi, Nicolas Sarkozy n'a ainsi pas manqué de s'entretenir avec David Cameron et Ban Ki-Moon. Il a également avancé au début du mois de septembre la réunion avec le groupe de contact anti-Kadhafi, qui devait se tenir initialement le 19 septembre selon Le Figaro.

Toujours avec le Premier ministre britannique David Cameron, le Président de la République a décidé d'une poursuite de leurs efforts communs "en soutien des autorités libyennes légitimes aussi longtemps que le colonel Kadhafi refusera de rendre les armes".

La gauche cherche à relativiser son succès

Plus ou moins contrainte de reconnaître le mérite de son intervention, la gauche à l'image de Martine Aubry a salué la réussite de l'intervention française en Libye. "Il s'est engagé au bon moment", a ainsi concédé Martine Aubry au 20h de TF1. "Je me réjouis que la France ait été à l'initiative (...) l'armée française a donné une belle image de la France qui avait été un peu abîmée par la visite de Kadhafi à Paris" en 2007, a-t-elle ajouté.

Un avis partagé par François Hollande qui a cherché à relativiser les mérites de Nicolas Sarkozy en estimant qu'il avait "beaucoup à se faire pardonner".

"Rappelez-vous comment Nicolas Sarkozy avait accueilli Kadhafi à la fin de l'année 2007. Avec quel protocole, avec quel déploiement de moyens! Avec quel aveuglement aussi par rapport aux crimes qui avaient déjà été commis par Kadhafi", a-t-il déclaré. "Donc il y a eu un rattrapage dont je ne me plains pas de la part de Nicolas Sarkozy, et qui était lié aussi à ses silences par rapport à Ben Ali et par rapport à Moubarak".

Avec les chutes de Kadhafi, et de Laurent Gbagbo quelques semaines auparavant, Nicolas Sarkozy tient sa ligne de conduite jusqu'à la présidentielle: incarner la stature d'un chef d'Etat responsable et protecteur. Mais les évènements extérieurs vont-ils faire oublier les difficiles résultats économiques?
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douddu
 


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