ARGENTINE : EXPERIENCE SYNDICALE DE BASE DANS LE METERO

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ARGENTINE : EXPERIENCE SYNDICALE DE BASE DANS LE METERO

Messagepar SOLIDARITE » Jeudi 27 Mai 2010 23:25

« L’année du bicentenaire, je veux ma liberté syndicale. »



L’Argentine fête en 2010 les deux cent ans d’une révolution libérale qui l’a débarrassée de la couronne espagnole. Pour autant, 200 ans plus tard, tous les secteurs de la société argentine ne sont pas libres, loin s’en faut. Avortement, homosexualité, réforme agraire, droit des indigènes… Parmi cette litanie de revendications dont la lettre reste morte, il faut relever aussi le carcan syndical dont souffrent les travailleuses et travailleurs argentin-e-s depuis plus de soixante ans : largement inspiré par la carta del lavoro mussolinienne et imposé par Juan Domingo Perón dans les années 40. Après avoir coopté la CGT argentine (créée, elle, en septembre 1930) l’administration Perón va la transformer en véritable arme de guerre idéologique en la rendant « consubstantielle de l’Etat » pendant le temps de sa première présidence (jusqu’en 1955) et en la dotant de la personería gremial -ou représentativité syndicale. Seul un syndicat par entreprise peut en bénéficier et une fois obtenue, cette représentativité donne droit au prélèvement automatique « à la source » des cotisations syndicales (système du check off) reversées, entre autres, aux œuvres sociales des fédérations.

Parfaite semence corruptrice, on l’aura vite compris.

Par contre, si seule cette représentativité permet de jouir de ces privilèges, plusieurs syndicats peuvent bénéficier d’une « inscription syndicale », leur laissant l’opportunité d’organiser des assemblées générales sur les lieux de travail sans craindre l’intervention des forces de l’ordre.
Combattre cette mécanique à deux temps reste donc un enjeu important pour le monde syndical argentin ne serait-ce que pour refuser de reverser ses cotisations à la bureaucratie de toujours. Il ne fut pas rare, dans les années 70, de voir des « corps de délégués » dits combatifs justement s’opposer à une bureaucratie honnie et tenter d’impulser des dynamiques locales, par section syndicale, sachant pertinemment l’inutilité de tenter de mobiliser leurs directions (cupulas). Cette figure du corps de délégué -qui découle directement de la longue culture libertaire du pays- reste toujours aussi pertinente et d’actualité.

Il n’y a donc rien d’anormal à voir les anarchistes de la FORA d’aujourd’hui (section argentine de l’AIT) ouvrir leurs colonnes aux travailleurs du métro de Buenos Aires dont la pratique, horizontale et assembléeiste présente tout de même des bases de travail plus qu’honnêtes pour les acrates.

Habitués des coups d’éclats, les subtes obtinrent en 2004, les six heures de travail quotidien. Certes, il s’agit d’une tardive victoire pour qui veut bien se rappeler que cette revendication remonte au début du 20ème siècle. Cependant, depuis cette lutte victorieuse, les subtes sont écoutés et bénéficient d’une aura très particulière au sein de la classe ouvrière argentine. Car, loin de se reposer sur leurs lauriers, cette expérience fit l’objet d’une tentative de mutualisation à travers la campagne (malheureuse) en faveur des six heures de travail de l’année 2004. Puis, les subtes se lancèrent dans l’également courte -mais forte- aventure du Mouvement intersyndical classiste (MIC), qui pâti d’un démarrage trop rapide. Enfin, l’année dernière, les subtes décidèrent de lancer une consultation interne afin de constituer un nouveau syndicat et se soustraire à l’influence de leur ancienne centrale d’appartenance : l'Unión Tranviarios Automotor de la CGT (UTA-CGT).

Cette dernière proposition fut acceptée par 98% des votants (soit 80% des inscrits). Score dont on pourrait s’offusquer du stalinisme apparent si la proposition ne visait justement à démonter une organisation intrinsèquement verticaliste et « verrouillante » .

Cette victoire va se concrétiser peu de temps après avec la création de l’Association Syndicale des Travailleurs du Subte et Premetro (AGTSyP) qui poursuit sa lutte pour l’amélioration du service du métro, parfois avec beaucoup de difficultés -dont des pressions physiques sur les délégués . Un des délégués des subtes, Andrés Fonte, représentant de l’atelier de la gare de Constitución (ligne C) revient sur les derniers évènements et les perspectives pour les travailleurs du Subte dans le numéro de mai du journal de la FORA : Organización Obrera, dont nous reproduisons ci-dessous de larges extraits :


"Paix Sociale ?

La lutte des travailleurs du Subte continue. L’accord qu’a signé l’AGTSyP avec le Ministère du Travail en novembre 2009 lui concède une forme de « tutelle syndicale » pendant un an. Mais, « signer cet accord ne revient pas à signer la paix sociale » affirme Andrés Fonte.

« Nous bénéficions de la paix sociale pour tout ce qui touche au syndicat, mais pas sur le reste » ajoute t’il. Il se réfère ici aux mesures que le syndicat peut décider de prendre contre la direction patronale concernant les conditions de travail. Pourtant, cet accord représente une reconnaissance de facto du syndicat bien que, depuis novembre 2009 et les premières démarches pour obtenir « l’inscription syndicale », le ministère n’a rien fait dans ce sens qui soit favorable à l’AGTSyP.

De toutes façons, ainsi que l’affirme Alejandro Belkin des Ateliers d’Etudes du Travail , cet accord revient à considérer que l’AGTSyP n’est un syndicat que pour une année. « Tous les bénéfices obtenus grâce à cet accord ne peuvent en réalité s’appliquer qu’à une association syndicale bénéficiant de la représentativité. » Pour autant, l’un de ses aspects les plus remarquables concerne le décompte compulsif que subissent les travailleurs : ils n’auront désormais plus à reverser obligatoirement 1% de leur salaire à l’UTA.
(…)

Non à la judiciarisation des revendications syndicales.

C’est une des consignes des délégués du métro.

Fonte révèle que l’entreprise Metrovías exerce une forme de pression psychologique en jouant l’usure contre les compagnons les plus combatifs, via la multiplication des procès. C’est le cas de Néstor Segovia, -également délégué de l’atelier de Constitución- accusé, entre autres choses, de sabotage et de menaces. De telles manœuvres systématiques ne seraient pas possible sans la complicité de l’Exécutif :

« on, voit, de cette manière comment peu à peu ils cassent des compagnons qui pourtant ont joué des rôles historiques. On peut rappeler le cas d’El perro Santillán (syndicaliste de l’Association des Travailleurs de l’Etat surnommé « le chien ») qui fut un paradigme de la lutte des années 90. Ils l’ont lapidé à coups de procès. Ils attaquent si souvent en justice que, parfois, tu ne sais même pas si tu peux sortir dans la rue tranquillement sans risquer la prison. Mais nous savons pourquoi nous luttons. Ce que je dis toujours aux compagnons : chaque fois qu’ils t’envoient une convocation par télégramme, encadre-la pour la montrer à tes enfants. C’est une manière de prouver que tu es fort et que tu n’as pas peur d’eux. »

Les assemblées au pouvoir.

Fonte continue en expliquant que la lutte des subtes cherche à améliorer la vie, au-delà des questions d’argent. Durant la lutte pour les six heures, on expliquait aux compagnons que ces deux heures pouvaient servir pour étudier, pour le loisir, pour vivre, pour faire ce qu’ils voulaient. « Tout ça, ça a renforcé la conscience des compagnons. Surtout, au moment de voir les résultats des examens médicaux : problèmes d’ouïe, de vue, de reins, de poumons, de stress ainsi qu’une quantité de choses de nous sommes encore en train de répertorier. Nous bénéficions d’un privilège rare : dans notre profession, il n’y a aucun retraité dépassant les cinq ans car ils partent tous du fait de problèmes pulmonaires. Nous revendiquons le fait que les gens vivent mieux et il a beaucoup à faire. »

Mais, selon le délégué, l’un des points essentiel qui permit l’obtention d’un syndicat autonome de l’UTA et la résistance tout au long de ces années, furent les assemblées et l’information aux bases. « Nous avons aussi une certaine vision de la politique : ce que nous préconisons est l’unité. Le corps des délégués est aujourd’hui très hétérogène, nous sommes plus de 80 délégués. Avec les six heures, nous avons réussit à obtenir un délégué par service. C’est brillant, parce que nous représentons plus de trente personnes chacun. »
(…)

Une autre forme de syndicalisme est possible.

L’AGTSyP s’agrandit via les activités qu’elle développe, au-delà des conflits du travail, telles que des activités culturelles, l’édition de livres, l’animation d’un programme radio et des discussions.

« J’aimerai bien que mon syndicat se lance dans la construction de logements et d’une école ferroviaire. Avant, ce pays pouvait compter sur 70 000 kilomètres de voies, aujourd’hui, il y en a moins de 11 000. Les exportations devraient se faire via le rail. Pourquoi Moyano s’est-il agrandit ? Parce que tout le transport se fait par camion. L’idée est de créer un centre de formation à La Matanza [une banlieue de Buenos Aires], une école technique avec des professeurs engagés. Nous avons déjà la possibilité de faire passer un bac en un an afin que les compagnons qui ne sont pas passés par le secondaire puisse rattraper le niveau et derrière, obtenir de l’avancement. (…) ».

L’actualité.

« C’est un moment politique passionnant et je crois que des figures ouvrières vont surgir sur le plan politique -que le régime va sans doute tenter de retourner à sa faveur. J’espère que ce pourquoi nous luttons restera toujours une référence. Beaucoup de compagnons sont attentifs à ce que nous faisons et nous devons nous montrer responsables. Nous avons bénéficié d’une bonne structure politique qui nous a fait survivre aux assauts. Mais il faut être intelligent car, dans un conflit ce n’est pas « tuer ou mourir » il faut réfléchir à comment continuer la lutte. Et le seul moyen c’est la participation. En cette année du bicentenaire, que la bouche de tous se remplisse de paroles de libertés, moi, je veux ma liberté syndicale Nous voulons la liberté syndicale qui nous laisse la possibilité d’être et de choisir. Pourquoi pas ? De quoi ont-ils peur ?. »

propos rapportés par Luciana pour le numéro de mai-juin d’ Organización Obrera. (an 9, numéro 29). A télécharger sur le site : http://fora-ait.com.ar/includes/downloa ... d=noresume

sur les Subtes, consulter la rubrique Argentine/travailleurs du site http://amerikenlutte.free.fr/

traduction/présentation : GdG
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argentine émeute des usagers chemins de fer

Messagepar CLN » Vendredi 23 Juil 2010 17:26

http://berthoalain.wordpress.com/2010/0 ... llet-2010/
22-07-2010

Argentine: 9 heures de coupure de voies de chemin de fer, mini émeute des usagers

Durant plus de neuf heures, la circulation de trains de l'ex-ligne Roca a été interrompue par des travailleurs ferroviaires en sous-traitance qui ont réalisé une coupure des voies à la hauteur d'Avellaneda. Ils réclamaient la "réincorporation de cent travailleurs licenciés" et "l'intégration des 1500 autres dans l'entreprise ferroviaire". Le corollaire de la journée a été les troubles dans la station Constitucion où des passagers en instance ont caillassé la police et provoqué des destructions. Devant le "manque de réponses", les employés en conflit se réuniront à nouveau aujourd'hui pour évaluer comment ils continuent le plan de lutte.

À 11 heures a commencé la protestation de près de quatre cents travailleurs d'entreprises sous-traitantes. L'un des manifestants a expliqué qu'il existait "plus de 1500 travailleurs en sous-traitance touchant la moitié du salaire des compagnons effectifs, qu'il y a des licenciements et une persécution syndicale envers tous ceux qui s'organisent". Ainsi se sont écoulés les heures à peu de kilomètres de la station Constitucion tandis que les employés attendaient des nouvelles de la part de l'organisme titulaire de la concession ferroviaire Ugofe.

L'entreprise Ugofe a rréalisé une plainte au tribunal de Quilmes, qui a ordonné l'expulsion des voies. La police s'est présentée sur les lieux où des moments de tension ont été vécus, mais finalement les travailleurs ont débloqué le passage des trains lorsqu'ont commencé les négociations avec la Sous-secrétariat de Transport Ferroviaire. Devant la revendication de caractère syndicale, le secrétaire général de l'Union Ferroviaire (CGT), José Pedraza, a délimité les responsabilités au travers d'un communiqué dans lequel il a assuré que "les personnes impliquées dans ce conflit ne sont pas représentées syndicalement" par l'organisation, tout en soutenant qu'elle était "complètement étrangère aux faits qui perturbent le fonctionnement normal de la Ligne Roca".

Mais le passage de trains a peu duré peu et après une assemblée au côté des rails, les travailleurs ont recommencé à bloquer les voies. A ce moment il y avait des milliers de passagers qui se trouvaient dans la station Constitucion en attente d'un train pour rentrer chez elles. Vers 20h30, alors que les manifestants annonçaient la suspension de la mesure de force, des incidents se sont produits à l'intérieur de l'édifice et des groupes de passagers qui attendaient depuis des heures ont commencé à casser des vitres, des guichets et des bureaux, en plus de s'attaquer aux agents de la Police Fédérale. Des pierres, des bouteilles et des poubelles ont plu contre les bureaux de l'entreprise Ugofe sous protection policière. Le solde des troubles a été une femme policier avec des blessures et au moins quatre détenus.

"Nous avions déjà fait connaître notre revendication aux usagers, pour cela nous nous retirons", a expliqué Walter Quinteros, travailleur de l'entreprise de nettoyage de stations ferroviaires Ecocred. Après ne pas avoir obtenu de réponse officielle de l'entreprise, les travailleurs licenciés se réuniront à nouveau aujourd'hui, à 17 heures, en assemblée pour définir comment ils continuent le plan de lutte.

Pagina/12, 22 juillet 2010.

http://www.pagina12.com.ar/diario/socie ... 07-22.html
CLN
 


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