par Federica_M » Lundi 12 Mar 2007 12:15
Intéressant en terme de proposition et d'action
Déclaration de l’assemblée de Montreuil
Je viens d’avoir 50 ans et c’est la première fois que je m’engage dans un combat politique. Je fais partie de ces gens qui votaient à gauche depuis toujours, jusqu’à mon vote "républicain" pour "Chirac" au 2e tour des présidentielles de 2002. Depuis je m’abstiens.
Lorsque mes amis m’ont proposé de rejoindre l’assemblée de Montreuil pour la préparation de la journée d’amitié avec les étrangers, je n’ai pas hésité. Exprimer mon amitié, mon amitié politique avec les étrangers est une proposition à laquelle j’ai immédiatement adhéré.
Pour de multiples raisons. Négatives, repoussantes, comme la falsification du nom d’étranger en pseudo-synonyme de délinquant, d’indésirable, comme la criminalisation de l’hospitalité, de l’accueil, la diabolisation de l’autre, de tous les autres, ou encore le zèle inquiétant avec lequel élus et fonctionnaires de l’Etat organisent la répression, la traque, le fichage et l’expulsion des étrangers vivant en France.
Et des raisons positives comme l’idée d’opposer au principe de la guerre à l’oeuvre dans la loi Ceseda et l’appareil de l’Etat, celui de l’amitié, celle de s’organiser et d’agir là où on est, et aussi d’inventer avec mes amis de Montreuil une pratique politique à partir de ce que nous sommes, et de ce que nous voulons.
À mes côtés, à l’assemblée, il y a des gens comme moi : pas de sans-papiers, pas de gens directement menacés par la loi. Ça ne veut pas dire que l’assemblée ne désire pas accueillir des camarades des foyers ou des camarades sans-papiers, c’est simplement qu’aujourd’hui il n’y en a pas.
L’assemblée réunit des gens, des gens qui ont des papiers, qui n’ont pas de problèmes avec la police ni avec la loi, mais qui ne peuvent pas accepter que le pays, dans lequel ils vivent, sépare les gens, distingue certaines personnes et les exclue, dresse une partie des gens contre une autre.
Qu’est-ce qui caractérise notre engagement ?
On n’est pas là dans une démarche solidaire avec les sans-papiers. On n’a pas « nos sans-papiers » comme jadis les catholiques avaient « leurs pauvres ». On n’a personne, on ne possède personne. On est avec. On en est.
Comment on s’organise ? On se réunit une fois par semaine, chez l’un d’entre nous. On parle, on se donne des actions, des tâches, et à travers ces actions et ces tâches, on réfléchit, on échange sur les points politiques.
Nous nous sommes fixés, chaque semaine, de définir un mot d’ordre, de mettre au point une affiche, et plus occasionnellement d’élaborer une réunion publique.
Affichage dans toute la ville. Des mots, que des mots, pas des images. Des mots dans la ville. Des bouts de phrase à travers la ville. Et qui avancent, et qui se construisent semaine après semaine. La lutte s’écrit à même la ville, à mesure qu’elle s’organise et progresse.
Comment ça se passe ? A l’aide d’un ordinateur, on compose un mot d’ordre sur 6 feuilles, on imprime des mots sur des feuilles A4, on les agrandit à la photocopieuse et on les colle sur les panneaux d’affichage ou des palissades de la ville de Montreuil. On dispose de moyens simples.
De la même façon, on organise des réunions publiques assez facilement : par une distribution de tracts, on invite les passants, les gens de la rue à se réunir dans un lieu, un endroit de la ville, un bar. À une occasion, on a pu alors montrer des films, des films qui à la fois annoncent le travail pour le 22 mars et présentent le travail déjà réalisé, montrent les affiches. Les réunions se présentent ainsi, pour les gens de la rue, comme une occasion de formaliser un travail amorcé spontanément par la lecture des affiches. Pour ces gens, ces réunions sont une possibilité de prolonger leur lecture hasardeuse, curieuse, intéressée de quelques mots affichés dans la ville sous une forme plus constituée, une réunion, un début d’organisation. Là, ensemble avec les gens, on travaille sur la capacité politique de chacun de nous à demander l’abrogation de la loi Ceseda.
Le travail avance comme ça : affiche après affiche, rencontre après rencontre, engagement après engagement, avec des ponctuations qui sont les réunions publiques. Chacune de ces réunions est pensée et vécue comme un 22 mars au matin. Une réunion publique locale à Montreuil, avant de rejoindre le grand rassemblement de l’après-midi. Voilà notre travail, on avance comme ça : de 22 mars en 22 mars.