L'illusion coopérativiste

Les courants, les théoriciens, les actes...

L'illusion coopérativiste

Messagepar lucien » Mercredi 16 Avr 2014 21:01

L’ILLUSION COOPERATIVISTE

Le coopérativisme a, récemment, été proposé dans le milieu libertaire, sinon comme LA solution, du moins, comme une bonne solution aux problèmes économiques actuels. Je voudrais discuter ce point de vue en posant, au préalable, la question économique (c’est-à-dire celle de savoir quel système économique nous voulons : quoi, pour qui, comment).

Dans cette réflexion, le statut juridique de la propriété (familiale, actionnariale, collective, coopérative, sociale, municipale, étatique) a une grande importance. De multiples formes de propriété économique existent (Gaec, coopératives de production, de distribution ou d’achat, mutuelles, SARL, SA, etc.). Que la propriété soit représentée par des parts sociales, des actions ou simplement par l’adhésion à une association 1901 ; le cadre est très clair : il s’agit d’une propriété capitaliste, collective et privée. Ces divers cadres juridiques de la propriété sont, principalement, la conséquence de raisons comptables et fiscales ; et, accessoirement, d’autres raisons. Il serait trop long de détailler l’ensemble des dispositifs fiscaux, qui sont d’ailleurs régulièrement modifiés en fonction des objectifs gouvernementaux (ainsi, la part des prélèvements obligatoires sur les salaires varie en fonction du statut et de la taille de l’entité économique ; l’imposition fiscale suit cette logique,...). Le cadre juridique de la propriété capitaliste pose un premier problème. Nous avons, d’un coté, le ou les propriétaires du capital (les capitalistes), de l’autre, le non-propriétaire qui loue au capitaliste sa force de travail contre un salaire (le prolétaire)*1. Un premier champ de forces s’établit. Les propriétaires, considérant que rien ne doit entraver la jouissance du droit de propriété, suivant la logique du libéralisme économique, fixent, à ce titre, la condition salariale (embauche et licenciement de qui leur plaît, niveau des salaires, délocalisation, vente ou achat du capital, etc.). De l’autre côté, le prolétaire qui, au constat de la nuisance de ce droit de propriété, agit pour contraindre cet usage par des lois — quant il ne vise pas, en tant que révolutionnaire, à abolir tout, ou partie, de la propriété privée du capital économique. Donc, le premier problème qui se pose est celui du droit d’usage de la propriété économique capitaliste. C’est aussi la question de la démocratie.

Deuxième problème. Nous savons que le capitaliste tire son bénéfice du travail, car la force de travail crée de la valeur. Que fait le propriétaire ? Il s’approprie une partie de cette valeur pour son usage privé. Le salarié ne reçoit, donc, pas la totalité de la valeur qu’il est le seul à produire. La « plus value » est la part que le propriétaire prélève. Le niveau de ce prélèvement (ou «  taux de plus-value ») détermine la part qui revient aux propriétaires et aux salariés et, par là même, la condition de vie des parties. Il y a là, aussi, un conflit : Le propriétaire veut un maximum de cette plus-value, tandis que le salarié tente de la réduire à un minimum, voire, comme révolutionnaire, de l’abolir complètement. En résumé, la propriété privée capitaliste permet l’exploitation par une extraction de la plus-value.

Troisième problème  : Le cadre de l’échange. Nous savons que le travail fabrique un produit qui, de nos jours, est presque exclusivement échangé : c’est cela que l’on appelle « la marchandise ». Cet échange se fait selon l’offre et la demande, ainsi que selon le prix ; c’est cela que fixe l’échange dans le système d’une économie de marché concurrentiel. Une des composantes principales du prix d’une marchandise est le coût salarial. Plus ce coût est élevé, plus, en général, le « produit-marchandise » est cher. Par le jeu de l’économie concurrentielle du marché, le prix du produit tourne à l’avantage de la marchandise la moins coûteuse. Le capitaliste le plus compétitif vend davantage et augmente sa part de marché. Le concurrent, pour rétablir une part suffisante du marché et, par là, son chiffre d’affaire et la validité de son activité, restructure son entité économique, puis, à son tour, le premier fait de même, et ainsi de suite. Comme la valeur de la force de travail est, souvent, le facteur principal de la valeur d’échange (ou si on préfère, le coût du travail est l’essentiel du prix de la marchandise), les coûts salariaux sont les variables des ajustements concurrentiels. Dans la situation du marché très concurrentiel des économies capitalistes développées ; la variable « coût du travail » est l’éternelle rengaine de tous les capitalistes. Par exemple, le fait que les socialistes allemands, par l’action gouvernementale, aient réduit le coût du travail expliquerait, selon les libéraux et les sociaux-démocrates, la bonne santé de l’économie Allemande. Donc, cela signifie que l’économie de marché concurrentiel induit une logique de dégradation permanente de la condition des salariés. Quatrième problème  : L’offre et la demande. L’entrepreneur, en théorie, fait une étude de marché pour déterminer la demande et produire son offre sur le marché de la marchandise, ce qui permet en principe de satisfaire les besoins. Mais, en réalité, si le marché est peu porteur, ou ne dégage qu’un faible excédent d’exploitation, ou un excédent d’exploitation nul, le capitaliste n’investit pas dans cette production. De ce fait, l’offre de produits à faible valeur ajoutée revient en général aux services dit publics (ou aux délégations de service public). Le déficit d’exploitation est, alors, comblé par des subventions et des avantages fiscaux ; des associations loi 1901 sont dans cette logique.

Quand le marché est couvert et saturé, c’est-à-dire quand il ne peut plus absorber ce qui est produit (ex : le téléphone portable), le producteur va modifier le produit pour maintenir l’offre. Par exemple, il peut le rendre moins durable (fragilité, usure,...) ou irréparable (telle pièce n’existe plus, ne se change pas,...) ou encore inadapté à l’usage (dépassé, pas compatible,...). C’est ce que certains appellent l’obsolescence programmée. La demande part du besoin du client. Mais, en fait, cette demande est impactée par le pouvoir d’achat. C’est bien le revenu, et non pas le besoin, qui détermine, principalement, la demande. De plus, quand une politique d’austérité (restrictions budgétaires, réductions du pouvoir d’achat) est à l’œuvre, la demande ne stimule pas l’offre. Retenons, de plus, que la demande est, largement, formatée, non par le besoin réel, mais par le consumérisme. La publicité normalise : au-delà du vêtement on achète, bien cher, une marque de distinction, ou une voiture pour le standing et autres dépenses de prestige. Présenter l’offre et la demande comme l’ordre naturel de l’échange ne tient pas compte du fait que ce sont les capitalistes qui organisent l’échange à leur profit. Cinquième problème : Le rapport producteur-consommateur. Le producteur (le salarié, comme le capitaliste) entend tirer le plus d’avantages possibles de la vente de la marchandise pour obtenir lui-même un meilleur pouvoir d’achat. Le consommateur, lui, entend acquérir la marchandise au moindre coût. Contradiction : L’avantage de l’un tourne au désavantage de l’autre. Paradoxe : L’augmentation du salaire dégrade la condition du consommateur. Exemples : L’augmentation du revenu des acteurs de santé entraîne la baisse de la couverture médicale et l’augmentation des prélèvements sur les salaires ; l’augmentation de salaire des acteurs du transport entraîne plus de frais pour aller travailler, etc. Cette situation est perverse et fait oublier que ces deux qualités sont liées. N’en voir qu’une, fait le plus grand bonheur des capitalistes qui savent, par pure démagogie, utiliser, alternativement, telle ou telle autre qualité pour les attaquer toutes. Sixième problème : La concurrence libre et non faussée. En fait, le prix des marchandises, par le jeu des incorporations des diverses marchandises dans le produit fini, tend vers un prix moyen. Certains secteurs, en situation d’oligopole, s’entendent (d’où, parfois, les retentissants procès sur les ententes de cartel). Les multinationales peuvent exploiter de la main d’œuvre, à vil prix. Tout cela prouve que, contrairement à ce qui est impudemment claironné par les capitalistes, la concurrence est faussée.

PREMIER CONSTAT

Un premier constat s’impose donc : L’économie de marché concurrentiel aboutit à renforcer l’exploitation, à mettre en concurrence féroce les salariés, à délocaliser, à intensifier les flux migratoires, à condamner et réduire l’individu à un rôle de travailleur-consommateur, à le précariser et à provoquer le chômage ; les désastres écologiques, la dégradation des conditions de vie d’une fraction grandissante de la population ; cela alors que ce système nous est présenté comme parfait et comme étant celui d’une société issue de l’ordre naturel du monde ! L’économie capitaliste n’est pas naturelle. C’est une idéologie, qui plus est, une subjectivité qui organise l’économie politique pour garantir les privilèges d’une infime fraction de la population.

Pour répondre à ces désordres de l’économie, certains préconisent la propriété collective des travailleurs ou des consommateurs, sous forme, principalement, de coopératives (Scoop, Coop) d’associations loi 1901, ou de syndicats. Ces types de regroupements sont anciens (compagnonnage, socialisme utopique, proudhonisme). Si des structures, préalablement, collectivisées sont avantageuses pour une Révolution, elles sont, pour l’instant, confrontées à la réalité du marché concurrentiel, et ne peuvent, malgré quelques avantages, s’y soustraire. Prenons l’exemple récent de la coopérative Fagor qui dépend d’une autre coopérative bien connue : Mondragon. Fagor, cinquième groupe européen d’électroménager (5 600 salariés, 13 sites de production — Espagne, France, Pologne, Italie, Maroc) subit une baisse des ventes depuis 2007 avec une dette de 600 millions €. Mondragon, les banques, le gouvernement basque refusent de refinancer la dette. Pour tenir à court terme (dans l’attente de licenciements) une baisse des salaires de 7 % est votée par les salariés, qui sont, en tant que coopérateurs, actionnaires. Cet exemple, hélas, n’est pas unique. Le fait que certains penseurs de gauche, alter-mondialistes ou d’extrême-gauche avancent le coopérativisme comme solution aux fermetures ou restructurations d’entreprises, sans remise en cause de la concurrence, est de l’illusionnisme ; surtout, quand des salariés s’endettent, versent leurs indemnités de départ, ou leur épargne, pour alimenter le capital de la dite coopérative. La reprise, sous cette forme, d’une entreprise en faillite risque fort de voir l’argent des coopérateurs disparaître dans les dettes. De plus, des conflits d’intérêts surgiront entre les salariés (incluant les précaires), les sociétaires, les usagers, mais, aussi, entre les coopératives par le seul fait du jeu concurrentiel. En outre, souvent, dans les coopératives, les inégalités de traitement existent (salaires, commandement, hiérarchie, non-sociétaire prioritairement licenciable, plus-value) et, bien souvent aussi, le sociétaire ou le consommateur n’ont aucun pouvoir, leur statut étant une façade du pouvoir technocratique. Je rappelle, aussi, que ce type de propriété sert un favoritisme éhonté (embauche de militants de partis, de syndicats, d’associations, dans des postes lucratifs de direction).

EN CONCLUSION

En conclusion, je dirai que, dans certains cas, l’usage du coopérativisme peut éviter le pire ou stabiliser, un temps, la condition de certains. Mais, le fait que les capitalistes sauront, par la concurrence ou des lois, détruire toute entreprise qui les menace, nous oblige à un discours de vérité. Le coopérativisme, pour prospérer, doit penser la destruction du marché concurrentiel. La simple question du mode de propriété ne résout rien. Ne penser que celle de la propriété collective des moyens de productions par les salariés est dépassé. Cela ne tient pas compte du fait que le salarié n’est qu’une part : du travail (travail non salarié), du temps (1/3 de la vie, de la population, variable selon les pays), de la réalité économique (usagers, consommateurs, économie domestique). L’économie ne doit pas, seulement, s’intéresser à ceux qui travaillent ; mais, elle doit, aussi, viser à satisfaire l’ensemble des besoins sociaux. C’est l’ensemble de la population qui doit décider sur ces questions.

Lors de discussions dans l’union locale de Caen, tout ceci a été abordé et le débat continue. Il ressort que dans un processus révolutionnaire, une propriété individuelle de type artisanat résiduel peut exister ; une propriété collective des salariés sur des entités à caractère local, régional ou de moyenne importance, aussi. Les entités stratégiques, qui couvrent de vastes territoires et concernent la vie fondamentale de toute une population, devraient être placées sous le contrôle des populations concernées, c’est-à-dire qu’elles devraient être socialisées. Les discussions ont, également, porté sur l’échange des biens. Plusieurs approches — répartition par gratuité des services publics, prise au tas, solde quantifié, redistribution en équivalent monétaire, voire combinaisons de diverses formules — ont été envisagées. De même, pour satisfaire les besoins, il faudrait partir de ceux déterminés par la population et que, ensuite, les diverses entités économiques — par leurs travailleurs — fassent des propositions pour les satisfaire, c’est-à-dire que l’ont fonctionnerait par objectif ou plan. C’est, donc bien, une économie largement planifiée — et non par un État, une technostructure, ou des bureaucrates, mais par la population — qui nous semble souhaitable.

Jean Picard Caen
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar JKS » Vendredi 18 Avr 2014 7:48

D'accord avec l'analyse ci-dessus dans le cas d'une coopérative naviguant dans un océan capitaliste

Est-ce qu'on ne pourrait pas imaginer une association de coopératives qui subviendrait
aux besoins essentiels (logement, nourriture, fourniture d'énergie, habillement ...)
de ses adhérents/coopérateurs ?
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar l autre » Vendredi 18 Avr 2014 15:04

la question est de poser le cadre de l échange ou des choix de productions( besoins,satisfactions) dans un cadre communisme libertaire. Le texte dit clairement que dans l économie de marché qui est par nature concurrentielle c est l impasse . Comment ne pas rester dans ce cadre JKS a tu une idée la dessus?
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar JKS » Samedi 19 Avr 2014 12:53

Je n'ai pas de programme économique; je pense qu'il faut tester des systèmes d'échange qui ne permettent
pas l'accumulation. Créer des circuits courts dans lesquels la monnaie de l'Etat n'entre pas en jeu, les gens
travaillent peu, ce qui leur laisse le temps d'aller bosser ailleurs pour pouvoir se procurer les produits
qu'ils ne trouvent pas dans ces systèmes alternatifs.
je n'ai pas d'idée concrète, c'est pour cela que je posais la question.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar joelinux » Mardi 22 Avr 2014 7:31

Bonjour,

D'abord, je suis content de voir ce sujet abordé parce qu'il est effectivement très "à la mode".

Pour l'instant, mon avis sur les coopératives est plutôt positif (disons 2/3 positif) mais bien sur ça pourrait évoluer par rapport à ce que j'entends ou lis ou constate sur le sujet.

J'ai assisté récemment à une conférence donnée par Jacques Prades. Il a répondu à diverses questions. Le bonhomme, que je ne connais pas, m'a semblé sincère. Révolutionnaire c'est autre chose; en tout cas il avait l'air de bien connaître son sujet. On trouve un peu partout des compléments d'informations.

Toutefois, sa conférence a bien fait comprendre que la coopérative était pas si mal, mais qu'effectivement, son projet ne pouvait s'inscrire que dans la destruction de l'économie capitaliste (et de son complément, la pseudo démocratie parlementariste), faute de quoi, elle ne changerait pas grand chose.

Je suis d'accord que le modèle n'est pas parfait - ça oui. Par contre, au sujet de la nature concurrentielle du marché : il me semble que les coopératives de Mondragon ont décidé justement de ne pas se faire de concurrence entre elles (dans quelles conditions précises, je n'en sais rien).

Dans le principe, il doit y avoir des coopératives de production et de consommation, effectivement.

Et bien sur, les problèmes perdurent : il y a des travailleurs temporaires qui n'ont pas le statut de coopérateurs (donc licenciables). Il y a des écarts de salaires, etc. L'exemple de Fagor-Brandt est un vaste sujet de réflexion : on fait quoi de l'obsolescence programmée dans l'electro-ménager ? Tout ceci me semble du au fait que le monde extérieur fonctionne toujours selon les même règles.

Là où je suis surpris : j'ai appris ce jour-là que Fagor était une coopérative. (bon c'est vrai que je suis toujours le dernier à être au courant). Pourquoi ils communiquent pas plus dessus ? A choisir, j'aurais privilégié ce genre de produit (ce qui n'est peut être pas si malin, au fait). C'est une attitude bobo de choisir ce qu'on achète en fonction de la façon dont c'est produit ? Je me pose la question des fois....

A mon avis, le soucis c'est qu'il n'y a pas ou peu de repères idéologiques. Ça devient purement économique. Je voudrais citer (de mémoire) un extrait des échanges qui a eu lieu lors de la conférence :

Jacques Prades explique qu'une coopérative a eu l'occasion de développer son activité en exportant vers l'asie. Elle a refusé parce que qu'elle n'en avait pas les capacités et trouvait le projet trop risqué.

Mon commentaire : bonne décision, car typiquement, les dirigeants de PME se ruent dans ces projets farfelus quitte à couler la boite et eux finiront toujours par s'en sortir. Mais à mon avis, pour des mauvaises raisons : l'export, c'est contraire au principe de produire et consommer local. C'est faire de la concurrence à des gens qui n'en demandent pas tant. Cela doit rester exceptionnel.

Il reste que ce genre de pratique garde (de mon point de vue) un intérêt : c'est une pratique. Parler de coopérer, c'est bien. Essayer de le faire sans finir par se taper sur la gueule, c'est mieux. Parce que l'organisation du monde tel qu'il est a fabriqué des mentalités avec lesquelles il est pas facile de travailler au jour le jour (en clair : des chieurs et des fainéants), et ça m'étonnerait que disparaisse au jour de la révolution. Ceci dit, je suis prêt à prendre le risque quand même.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar lucien » Mardi 22 Avr 2014 22:56

Des acteurs majeurs de l'économie (banques : Crédit Agricole, Crédit Mutuel ; agro-alimentaire) sont structurés en coopératives : on ne peut pas dire qu'elles aient amené les bénéfices, pour les sociétaires comme pour les salariés, escomptés par certains. Elles ont surtout prouvé qu'elles étaient compatibles et totalement influencées par les logiques capitalistes.
Je te rejoins sur ta conclusion quant à la nécessité de démontrer par l'action comme préalable à tout changement révolutionnaire mais je crois que les pistes sont à chercher dans une plus stricte indépendance vis-à-vis du Capital.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar joelinux » Mardi 22 Avr 2014 23:16

Il est clair que les grosses coopératives n'en sont pas vraiment. D'ailleurs un principe de base semble être une limite de taille - pas plus d'un certain nombre de coopérateurs. Au delà, on en vient aux représentants et c'est le retour à la case départ. Dans le cas de l'agricole, c'est verticalisme et compagnie.

Quant à l'indépendance vis-à-vis du capital : concrètement, où trouver les fonds pour démarrer une activité ? Dans pas mal de secteurs, il faut bien commencer par quelque chose. La solution proposée par les basques de Mondragon est un prix d'entrée (10 000 euros environ). Les parts ne sont pas cessibles, ni remboursables. Je manque peut-être d'imagination, mais là tout de suite, je vois pas tellement mieux. Quoiqu'en remettant en cause les formes monétaires de l'échange... Mais en fin de compte, au démarrage de l'activité, il faudra bien un investissement. Qui va sans doute représenter un risque. Qui prend le risque ? Une banque coopérative ? Faut inventer quelque chose.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar joelinux » Jeudi 24 Avr 2014 12:45

Je voudrais aussi souligner cette problématique; d'une part :

les capitalistes sauront, par la concurrence ou des lois, détruire toute entreprise qui les menace


D'autre part :

Elles ont surtout prouvé qu'elles étaient compatibles et totalement influencées par les logiques capitalistes


Où trouver le bon ajustement pour développer quelque chose de cohérent et d'ampleur tout en étant "sous les radars" ?
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar lucien » Jeudi 24 Avr 2014 23:58

"Ni salariat, ni échange".
Pour changer, se défendre, attaquer ou sortir du système - c'est bien notre préoccupation -, j'exclurai toute structure nécessitant salariat et échange et qui amènerait nécessairement, dans un contexte capitaliste, directement ou non, l'exploitation d'autrui. J'ai plus d'espoir dans les initiatives locales, actions collectives visant à satisfaire, certes parfois partiellement, des besoins tels que ceux évoqués par JKS, auxquels on pourrait ajouter la culture voire la communication, et, pour les moyens : le squat, la récup', la mise en commun, etc. Espérer pouvoir gagner sa croûte, toucher un salaire, dans une situation d'exploitation plus convenable qu'à la normale, tout en apportant un réel potentiel de changement sociétal : voilà qui me semble utopique.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar l autre » Vendredi 25 Avr 2014 15:12

Je penser continuer avec André je le ferais plus tard.

L accumulation est un des prb car elle implique l extension et la concentration du capital; mais l inexistence de celle ci ne supprime pas l exploitation. De plus certains capitalistes pour des causes diverses sont sans ou une faible accumulation.
Les circuits courts sont préférables mais il ne peuvent répondre a la totalité des besoins, ils ne sont pas non plus anti- capitaliste et en sois négateur d exploitation et sont compatibles avec une éco libérale ( voyons le discours d'une partie de la gauche a ce sujet).

La monnaie est comme quantification nécessaire a l échange libéral. Mais elle peut quantifier de façon égalitaire ou pas avec ou sans marché. Sa suppression n implique obligatoirement celle de l exploitation( esclavage, servage; domesticité etc). Voir dans ce forum rubrique discutions diverses : abolir l argent...
La suppression de l Etat ou sa limitation y compris extrême n est pas forcément anti capitaliste (voir les libertariens).

Il faut élaborer large selon un paradigme production-échange-conso selon une éthique libertaire et égalitaire. La fin de l article de Picard me semble pointer des pistes:planification, démocratie, égalité, fédéralisme, statut juridique, écologie, distribution, en bref le communisme libertaire.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar frigouret » Dimanche 27 Avr 2014 9:57

Je pense qu'une économie de type socialiste pourrait coexister avec le système dit de libre entreprise a la condition d'utiliser son propre système monetaire. C'est comme l'Euro qui échoue a unifier la disparité des économies européenne sauf que là il faudrait reconnaitre et séparer les disparités sur un même territoire.
L'idée est proche du projet de la banque du peuple qui bien que utilisant la monnaie d'État voulait dissocier les circuits de financement.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar lucien » Lundi 28 Avr 2014 23:02

frigouret a écrit:Je pense qu'une économie de type socialiste pourrait coexister avec le système dit de libre entreprise a la condition d'utiliser son propre système monetaire.
Dans un système qui cherche à tout contrôler et à tout rendre marchand, penses-tu que de telles expériences seraient tolérées ?
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar frigouret » Mardi 29 Avr 2014 7:10

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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar joelinux » Mardi 29 Avr 2014 7:33

Dans un système qui cherche à tout contrôler et à tout rendre marchand, penses-tu que de telles expériences seraient tolérées ?


De manière générale, rien n'est vraiment toléré. On en revient à des questions stratégiques : si par exemple, un tel système se mettait en place, disons, aux USA. Est-ce que les pays environnants laisseraient faire ? Est-ce que la Chine (qui finance massivement les USA) verrait disparaitre ses débiteurs sans rien faire ?

Voilà une autre hypothèse qui peut sembler un peu simpliste : si par les systèmes coopératifs, on fait "sortir" plus ou moins de l'économie capitaliste de larges pans de la production. Et que d'un autre côté, les systèmes de retraites, de chômage, d'assurance maladie, etc. sortent du giron de l'État pour être gérés par ce même ensemble de coopératives ? J'imagine que bien d'autre choses pourraient être prises en main par des coopératives : par exemple, l'école, les hôpitaux, etc.

Si cette hypothèse se réalise, l'économie capitaliste, principalement basée sur la spéculation et le gaspillage, finirait par n'avoir même plus les moyens de jouer à ses jeux préférés, n'est-ce pas ? D'un autre côté, l'État serait privé d'un nombre grandissant de ses "missions", ce qui permettrait de réduire son financement à zéro. Quant aux force de l'ordre, si, comme je le pense et le souhaite, un système économique égalitaire réduit la "délinquance" à néant (ou quasi), elles se trouveraient également sans objet.

Naturellement, il risque d'y avoir des résistances... et 1000 trucs qui m'échappent. Mais globalement, ça me semble pas déconnant.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar l autre » Mardi 29 Avr 2014 17:21

Le problème c est de savoir ou sont prises les décisions je ne suis pas pour que les structures éco ou de production décident je partage l idée que les choix éco sois du fait des entités politique de l ensemble de la population . Pour répondre a Frigouret la distribution des biens selon un système plus ou moins planifié n implique pas obligatoirement une monnaie au sens utilisée en système capitaliste. Un simple compte ( crédit-débit) sans échange et capitalisation peut faire l affaire. La question est de savoir si le cadre de l échange et selon l offre est la demande dans un marché en concurrentiel dans ce cas l article de Picard pointe bien les contradictions et le fait que les capitalistes ne laisseront jamais se développer une telle menace. Le coopérativisme qui viserai un tel changement devra poser la question de l affrontement et destruction du capitalisme et donc participer a une problématique révolutionnaire plus large que le simple- ont fait des coopératives.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar joelinux » Mardi 29 Avr 2014 18:18

je partage l idée que les choix éco sois du fait des entités politique de l ensemble de la population


Je suis d'accord, c'est parfaitement normal : sinon qui empêcherait la coopérative de faire n'importe quoi ? Ou alors on en revient au système concurrentiel, ce qui est stupide - et de plus, ça ne marche pas.

le fait que les capitalistes ne laisseront jamais se développer une telle menace. Le coopérativisme qui viserai un tel changement devra poser la question de l affrontement et destruction du capitalisme et donc participer a une problématique révolutionnaire plus large que le simple- ont fait des coopératives.


Je pense (mais ça n'est qu'une supposition) que dans un premier temps ils laisseront faire. Le tout est de savoir s'ils réagiront trop tard. Après j'ai du mal à imaginer comment ils pourraient détruire un système coopératif si les gens qui y participent sont bien conscients. Par la force ?

Mais de toutes façons, dans le cadre d'un processus révolutionnaire, ce moment d'affrontement aura lieu. N'est-ce pas mieux d'affronter l'ennemi une fois aussi bien préparé que possible ? Le danger étant que cette préparation risque de présenter des points faibles, donc il faut la construire en conséquence (et donc, surtout pas de manière hiérarchique....)

Les "capitalistes" n'auront-ils pas plus de facilité à se trouver des alliés dans la population si l'alternative libertaire (sans jeu de mot :)) n'a pas commencé à prouver sa compétence ? C'est facile de diffuser la peur en disant (par exemple) "ces gens ne seront pas capables de gérer une société/un hôpital et vous mèneront à la catastrophe".

Plus prosaïquement, quand on me dit "oui mais on aura toujours besoin d'un chef" - et que je répond que des manières différentes de fonctionner ont fait leur preuves (et pas uniquement des coopératives) - l'argument pratique est ou en tout cas me semble plus fort que bien des discours théoriques.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar frigouret » Mercredi 30 Avr 2014 7:38

Mais les choix économiques sont déjà le fait de l'ensemble de la population, comparez le succès du hard discount et celui des AMAP par exemple.
Dernière édition par frigouret le Mercredi 30 Avr 2014 10:38, édité 1 fois.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar JKS » Mercredi 30 Avr 2014 9:26

l autre a écrit:je ne suis pas pour que les structures éco ou de production décident


je suis d'accord; je pense que les "clients" de la coopérative devraient être des sociétaires
de cette coopérative, c'est pour cela que je pensais à des besoins récurrents (nourriture par exemple)
donc impliqués dans les prises de décisions
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar lucien » Mercredi 30 Avr 2014 11:59

frigouret a écrit:Mais les choix économiques sont déjà le fait de l'ensemble de la population, comparez le succès du hard discount et celui des AMAP par exemple.
Pour le discount, il s'agit d'un non-choix (manger pas cher pour s'en sortir), un succès forcé lancé par des capitalistes pour leur plus grand profit. Dans les deux cas, ils ne remettent pas en cause l'exploitation.

Pour rebondir sur les propos de joelinux à propos de l'autogestion d'un hôpital : il s'agit d'un secteur très complexe, pas du tout autonome car dépendant à un niveau très élevé d'autres secteurs : électricité, matériel, fournitures, médicaments, etc. Faute de les socialiser également, il faudra des moyens financiers énormes pour faire tourner l'hôpital, rendant la part "autogestionnaire" minime. Bien entendu, on peut aussi imaginer que les fournisseurs capitalistes envoient balader cette initiative. Il n'y a sans doute qu'une seule situation favorable à ce type d'actions : l'effondrement du système capitaliste, avec prise en main par les anciens salariés des outils de production.
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
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Re: L'illusion coopérativiste

Messagepar frigouret » Mercredi 30 Avr 2014 12:17

Je m'attendais a cette réponse, le consommateur irresponsable forcé d'obéir a ses maitres. Mais alors pourquoi demander a la population d'exposer bravement leurs torses a la mitraille sur les barricades alors que l'on trouve des excuses pour ne pas payer un peu plus cher un paquet de nouille equitable.
Non les AMAP ne sont pas une forme d'exploitation mais un exemple de reprocite entre producteurs et consommateurs.
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