De Tunis a Tokyo : La fin du vieux monde

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De Tunis a Tokyo : La fin du vieux monde

Messagepar douddu » Jeudi 17 Mar 2011 10:56

Ben Ali tombe, LE NEO-CONSERVATISME AUSSI / TROIS DOGMES QUI SE SONT ÉCROULES LE 14 JANVIER 2011

TROIS DOGMES QUI SE SONT ÉCROULES LE 14 JANVIER 2011



Le 14 janvier 2011, la population tunisienne a infligé un coup de massue aussi puissant qu’inattendu à l’idéologie néo-conservatrice. De ce fait, l’événement, indépendamment de ce qu’il deviendra, est déjà historique. Il marque un virage dans les mentalités : les révoltés de Tunisie ont rappelé aux exploités du monde entier qu’il existe d’autres perspectives pour l’Humanité que la soumission indéfinie, le fatalisme et la mortification. C’est en cela qu’il y a eu Révolution. C’est cela qui se propage dans tout le monde arabe, pays après pays. C’est cela qui a fait tomber et fera tomber d’autres tyrans. Oui, la situation est très ouverte. Oui, il y a des « dangers ». Oui, il faut approfondir, discuter ce qui se passe pour mieux en saisir toute la complexité. Mais surtout, il faut poursuivre le chemin, ici et partout, pour qu’au premier coup qui a ébranlé la bête néo-conservatrice en succèdent d’autres qui l’assomment complètement.

La tâche est importante car le néo-conservatisme a su à la fois décomplexer les pires position réactionnaires (c’est ce que font les Teaparty aux USA, la droite décomplexée de Sarkozy en France) et, par un discours présenté comme progressiste, conduire habilement des pensées potentiellement critiques dans des impasses politiques. Cela a été (et c’est encore) le rôle de ce qu’on appelle le « post-modernisme ». Le leitmotiv du post-modernisme en question, c’est de distiller sur tous les tons que plus rien ne peut désormais changer fondamentalement, et encore moins par la force collective. Comble de stupidité, ce discours parfaitement réactionnaire, fut « ...considéré et apprécié comme un mouvement profondément de gauche, progressiste voire contestataire », et donc repris à qui mieux-mieux par l’extrême-gauche et des libertaires ! Du coup, l’idée même de révolution (dont le prototype pour tous les néo-conservateurs est la Révolution française de 1789) était prise entre les deux mors d’une même pince. D’un côté, les vieux réactionnaires souillaient la Révolution en prétendant que le stalinisme et le nazisme étaient ses enfants légitimes (le nazisme comme conséquence des Lumières, il fallait le faire, mais ils l’ont fait), de l’autre nos postmodernes intellectuels de gauche l’attaquaient en la présentant comme la mère du colonialisme, pratiquant eux aussi des raccourcis historiques insensés entre Valmy et le blocus maritime d’Alger ou les campagnes coloniales de le IIIème République. D’un côté comme de l’autre, la confusion, et c’est là l’essentiel pour les promoteurs du néoconservatisme, était portée à son comble (par exemple, en mêlant l’universalisme révolutionnaire à son contraire, l’idéologie coloniale raciste) et la résignation promue comme la seule vertu.

Dans un tel contexte idéologique on ne s’étonnera pas que le camarade Ben Ali (le dictateur) ait pu rester un membre éminent de l’Internationale Socialiste jusqu’à sa chute sans que cela gêne personne ou que nos ministre soient partis « chez lui » en vacances pour que leur famille y fasse des juteuses affaires. C’est d’ailleurs pour les mêmes raisons que ceux qui, à gauche ou à l’extrême gauche, ont aidé au développement et à la propagation des thèses différencialistes [3] continuent de nier la portée universaliste du mouvement en cours. L’exemple le plus typique nous est fourni par l’emploi systématique d’expressions comme « les peuples et leurs luttes » qui n’évoquent que les différences et surtout pas les points communs !

Les événements actuels apportent un démenti cinglant aux différentes affirmations diffusées par le Pouvoir. Contrairement à ce qu’il affirmait, ce ne sont pas les islamistes, ni une communauté particulière ni même une fraction partisane qui est à l’initiative des différents soulèvements ; et les revendications n’ont rien de catégorielles ou de communautaires, elles sont plus globales tant sur le plan politique que sociale. Elles traduisent la volonté et, dans une certaine mesure, la capacité, des populations de reprendre leur vie en main. Pour bien enfoncer le clou, on relèvera qu’à Tunis les manifestants se référaient à la Révolution Française, comparant leur 14 janvier 2011 au 14 juillet 1789 !

TROIS DOGMES QUI SE SONT ÉCROULES LE 14 JANVIER 2011

On peut distinguer dans l’idéologie qui a donné naissance au postmodernisme, trois principaux dogmes, qui ont été portés essentiellement par des universitaires au travers d’ouvrages clés et dont les différentes déclinaisons, dans une infinité d’articles et de discours, ont contribué à condamner l’idée d’un mouvement révolutionnaire international, idée qui précisément vient d’être remise à l’ordre du jour.

Le premier dogme affirmait que le capitalisme est indépassable, le deuxième que les populations de la planète ne pouvaient pas développer de perspectives communes et qu’au contraire les « différences culturelles » étaient porteuses d’antagonismes, le dernier qu’il était inenvisageable de voir désormais sur terre la plus minime des révolutions.

En réalité chacun des trois dogmes était une resucée des discours idéologiques, présentée sous des atours contemporains, respectivement du capitalisme, du nationalisme et du réformisme le plus plat. Leur mise en synergie n’ayant qu’un objectif : convaincre tout un chacun de l’impossibilité d’une révolution sociale.

S’il est déjà impensable que les deux premiers dogmes (fin de l’histoire, choc des civilisations), dont le caractère réactionnaire, raciste, élitiste... transparaît inévitablement sous le discours aient pu être repris par l’extrême-gauche et une large part des milieux libertaires, le développement du troisième dogme (impossibilité d’une révolution) dans les mêmes milieux est carrément une aberration.

Pourtant, c’est bien Alain Bihr qui explique, dès 1991, dans « Du grand soir à l’alternative », que la révolution (affublée de l’étiquette péjorative « grand soir ») est désormais impossible et qu’il préconise diverses pratiques alternatives pour remplacer le projet révolutionnaire. Parmi les mesures censées contribuer à cette nouvelle alternative libertaire figure une mesure phare : l’annualisation du temps de travail ! On mesure par là l’intelligence générale du propos...

Dix ans plus tard, en 2001 un militant en vue de la Fédération Anarchiste, Jean-Marc Raynaud, remettait le couvert et proposait comme pierre angulaire de son « Unité des libertaires » l’ « abandon sans ambiguïté de mythifications du style grand-soir-barricades ou insurrection spontanée de la population, refus de s’engager dans l’engrenage d’une guerre civile charriant des flots de cadavres, et redéfinition d’une rupture révolutionnaire crédible ! Élaboration d’une stratégie où l’unité libertaire s’avère une nécessité pour pouvoir peser sur les alliances que nous serons amenés à conclure pour faire la révolution et faire aboutir notre projet de société. ». Manifestement, J.-M. Ray-naud n’a pas été lu dans le monde Arabe. On ne peut pas dire que ce soit vraiment une perte...

Comme dans un cycle bien réglé, « Le Monde libertaire » vient de renfoncer le clou en faisait connaître une analyse sur le dernier mouvement des retraites. Celle-ci nous explique qu’il ne faut pas opposer « réformisme » et « révolution », et que finalement ce dernier concept est à remplacer par un investissement militant dans des pratiques alternatives telles que les AMAP et les SEL. Il s’agirait là d’une « mission historique de l’anarchosyndicalisme » (encore aurait-on pu nous demandez, à nous autres, pauvres anarchosyndicalistes, notre avis, avant de nous confier une telle mission historique...) à laquelle il faut ajouter le développement du municipalisme de base : « Il faut amplifier le renouveau syndical ou parasyndical ... Il faut réaliser sa jonction avec le mouvement des consomm’acteurs et des paysans, des coopératives ouvrières ou de consommation, sans oublier le tissu associatif, artistique et sportif [ça va être délicat avec le PSG] à mettre dans la boucle. La perspective est un municipalisme de base, concret et dégagé des enjeux politiciens. » (Philippe Pelletier, L’enjeu de la décennie, Le Monde libertaire n°1616, 9-15 novembre 2010).

Évidemment, tout ça suppose qu’on voit un « renouveau syndical » là où il y a un effondrement progressif (voir les chiffres de syndiqués de 1950 à ce jour...) que l’on qualifier de « parasyndical » le rejet de plus en plus manifeste des syndicats (ce qui ne manquerait pas d’humour ), qu’on se laisse griser par des oxymores (« consomm’acteurs »), qu’on ne se soit par rendu compte que la plupart des coopératives sont devenues des entreprises comme les autres (ou les coopérateurs exploitent des salariés non-coopérateurs et recherchent plus de bénéfices...), qu’à de rarissimes exception le « tissu associatif » (bel exemple de terminologie technocratique) n’a d’associatif que le nom : financé par les pouvoirs publics, il emploi de salariés qui font le boulot, des directeurs et autres permanents pendant qu’un CA plus ou moins fantoche fait le lien avec les financeurs et qu’enfin on ne s’interroge pas trop sur l’instauration du « municipalisme de base » : comment y parvenir ? Est-ce par les élections municipales, comme certains libertaires le souhaitent périodiquement (et, dans ce cas, il y aura forcément des enjeux politiciens), est-ce en proclamant la déchéance des élus et une Commune libre (ce qui cadrerait assez mal avec le restant de la proposition) ?

C’est d’aussi plates propositions que « l’insurrection spontanée de la population » dans les pays arabes, n’en déplaise à J.-M. Raynaud, vient de renvoyer aux poubelles de l’Histoire.



[1] Front islamiste du salut

[2] Groupe islamiste armé, branche armée du FIS en Algérie en fait contrôlée par les services secrets algériens et français




[1] Front islamiste du salut

[2] Groupe islamiste armé, branche armée du FIS en Algérie en fait contrôlée par les services secrets algériens et français

[3] Dans sa guerre contre le projet d’autonomie, le post-modernisme récuse la liberté universelle au nom du « relativisme culturel » et du « différentialisme ». Le différentialisme en question, n’est que le nouveau nom du racisme. Ainsi, on a entendu encore il y a peu à la radio une éditorialiste affirmer que la liberté et la laïcité s’étaient développées en Occident grâce au... christianisme et donc qu’elles étaient impossibles en pays musulmans ! Sur la question du post-modernisme, voir le petit (mais très intéressant) opuscule de Jordi Vidal « Servitude & Simulacre » qui le définit comme une guerre totale contre la pensée critique.

http://www.cntaittoulouse.lautre.net/ar ... sommaire_1



Fin de l’histoire et fin du monde
Par Danièle Sallenave

«Fukushima», la centrale nucléaire japonaise, est aujourd’hui, dans le monde entier, synonyme de menace invisible et de mort annoncée. Mais un autre nom semble lui faire écho. Celui de Francis Fukuyama qui, en 1989, dans un article retentissant, avait prédit que le triomphe de l’économie de marché sur le communisme mettrait un terme définitif à l’«histoire» de l’humanité. Petite parenthèse : c’est la catastrophe nucléaire de Tchernobyl, en 1986, qui avait porté les derniers coups à l’Union soviétique… Ce qui semblait avoir échappé à Fukuyama.

L’article de Fukuyama était moins un constat qu’une prophétie, une révélation. En grec : une apocalypse. L’apocalypse du bonheur, tout à fait dans la tradition religieuse. Fin des guerres, développement de la technique, âge d’or de la démocratie, du marché et de la consommation. L’accident nucléaire de Fukushima a fait de nouveau retentir les trompettes de l’apocalypse jusque dans les propos du commissaire européen à l’Energie. Décidément le vocabulaire religieux a la vie dure ! Cette fois, ce n’est plus la «fin de l’histoire», qui est annoncée, mais bel et bien la «fin du monde» naturel, historique et humain… Mais pas de chance pour Fukuyama. Ce qui avait ruiné le système soviétique menace de ruiner à son tour celui qui en a triomphé. Ce qu’annonce Fukushima, en effet, ce n’est pas la victoire, mais la condamnation d’un capitalisme de l’hyperconsommation et de l’hypertechnicité.

Espérons qu’il restera des hommes pour profiter de la leçon.


http://www.liberation.fr/monde/01012326 ... n-du-monde
douddu
 

Re: De Tunis a Tokyo : La fin du vieux monde

Messagepar Lambros » Jeudi 07 Avr 2011 12:18

J'avais beaucoup aimé le texte dans Anarchosyndicalisme! mais c'est encore un coup à passer pour des méchants sectaires et dogmatiques :D
L'émancipation des chrétien-ne-s sera l'œuvre de Dieu lui même.
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