Otto Rühle

Les courants, les théoriciens, les actes...

Re: Otto Rühle

Messagepar Lambros » Mercredi 11 Mai 2011 15:26

Bin justement, d'où ce poste sur Otto Rühle... Mais même si illes se revendiquent de Marx, il y a certains moments où je ne comprends pas pourquoi... Parce que la théorisation de la dictature du prolétariat c'est Marx. Mais quand on nous demande en quoi la CNT-AIT a évolué, on répond (entre autre) que l'on reprend parfois les analyses des situs et du conseillisme.

Je le répète je suis contre le communisme autoritaire et le marxisme, ça je reviendrais pas dessus, mais en tant qu'anarchosyndicaliste il me semble que je lutte pour le communisme anarchiste, "le communisme le plus communiste" comme le dit un anarchosyndicaliste dans "Vivir la Utopia".
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Re: Otto Rühle

Messagepar goldfax » Mercredi 11 Mai 2011 16:27

Marx n'a pas théorisé la dictature du prolétariat, pas plus qu'il n'a vraiment théorisé sur l'État. Même si l'expression revient souvent dans sa littérature, il a surtout jeté un concept dans la mare et à peine entamé un début d'analyse de ce que cela doit être, notamment dans son texte sur la Guerre civile en France et celui sur la Commune de Paris. Mais à aucun moment, il n'a décrit de modèle étatique particulier. C'est Lénine qui a fait le sale boulot par la suite. Et je suis sûr que Marx n'aurait pas partagé ses points de vue. Mais bon, on n'est pas ici pour faire de la "politic fiction".
Ce qui est étonnant, c'est de rejeter Marx sans même l'avoir lu et sans même comprendre en quoi il pourrait nous être utile dans l'analyse des situations que nous vivons à travers le monde. Parce que son discours économique, quoiqu'un peu (beaucoup ?) vieilli, a permis de comprendre le capitalisme et ses mécanismes à une certaine époque, mais encore actuellement. Et les anarchistes sont bien contents de se réapproprier sa méthode d'analyse. Il ne faut pas se leurrer, les anarchistes "lutte-de-classistes" (comme les anarchosyndicalistes à une époque) ne sont pas loin d'avoir le même discours dans les luttes sociales.
Ce qui m'étonne aussi, c'est de voir que certains anars sont incapables de lire Marx comme on lit les auteurs anarchistes, c'est-à-dire en comprenant et intégrant ce qui vaut la peine d'être compris et intégré, tout en rejetant ce qu'on peut mettre au rebut. Il ne s'agit pas d'idolâtrer Marx, comme ont tendance à le faire la plupart des marxistes, mais de contribuer à une autre lecture de ses écrits. Et les conseillistes l'ont fait avec beaucoup de pertinence, d'ailleurs.
Il s'agit, il me semble, de faire preuve d'un minimum d'intelligence et de savoir tirer profit des écrits de Marx, comme on a pu le faire avec ceux de Proudhon, de Bakounine, de Malatesta, de Kropotkine, etc., en conservant notre esprit critique, sans verser dans la mystification et la mythification. Il faut savoir faire table rase, mais il faut savoir également construire. Car je perçois l'anarchie comme un concept constructeur et constructif, plus qu'un principe destructeur.
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Re: Otto Rühle

Messagepar Lambros » Mercredi 11 Mai 2011 18:01

Marx a théorisé au sein de la 1e AIT la prise de pouvoir étatique... Après, il s'est beaucoup inspiré de Proudhon (que je n'ai pas lu...) pour le renier ensuite extrêmement violemment... http://cnt.ait.caen.free.fr/cas/41-Marx_anarchisme.pdf De plus, ce que je combat pas mal, c'est cette idée de socialisme scientifique contre socialisme utopique, ce qui facilite les choses quand des marxistes me disent que l'anarchisme ne marchera jamais (et que c'est petit-bourgeois :D )

De plus, si les marxistes s'appelaient "socialistes autoritaires" et que les anarchistes s'appelaient "socialistes anti-autoritaires" c'est bien que bon.

Mais pour autant, si je lutte pour le communisme anarchiste, c'est bien que le communisme ça m'intéresse un peu^^ Alors oui, il y a des analyses marxistes intéressantes sur l'économie, et inversement j'ai lu "Marx ou la perversion du socialisme", une vielle brochure, plutôt pas mal, mais j'étais en désaccord quand ça expliquait que la plus-value n'existait pas...

Quant aux lectures, je suis pas devenu anarchiste parce que j'ai lu Bakounine et consort. D'ailleurs c'est les réactions des JC et de MJS que j'ai eu : "T'es anarchiste ? T'as lu Proudhon du coup" et de me le citer pour déconstruire l'anarchisme... Je lis des textes comme ça, quand leur titre m'interpelle.
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Re: Otto Rühle

Messagepar Lambros » Mercredi 11 Mai 2011 18:02

Ah et j'ai oublié, sur la destruction, c'est Bakhounine (oui j'en ai lu un peu quand même :) ) qui disait qu'il faudra tout détruire pour mieux reconstruire parce que si c'est avec cette optique, on prend du plaisir dans la destruction du vieux monde.
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Re: Otto Rühle

Messagepar marv » Lundi 28 Nov 2011 22:55

Un petit extrait d'un Texte D'Otto Rühle "La révolution n'est pas une histoire de parti" (version intégral ici à partir de la page 81) qui montre qu'il était pas très loin de la pensée anarchosyncaliste (il reprochait avec raison au anarchosyndicalistes allemands leur organisation corporatiste)
Il faut bien-sûr replacer le texte dans son contexte historique : il a été écrit en 1920; et aussi qu'Otto Rühle reste marxiste et donc parexemple parle de de dictature du prolétariat qui est pour lui celle des structures de bases révolutionnaire : conseils libres, soviets libres, on pourrait y ajouter communes libres .... libres de toutes tutelles d'un parti ou d'une quelconque avant-garde; dont l'objectif d'exproprier les capitalos ....


Le KPD (Parti communiste d'Allemagne qui a été pris en main par les bolcheviques dès 1919) lui aussi est devenu un parti politique. Un parti dans le sens historique, comme les partis bourgeois, comme l’SPD et l’USPD (Parti social-démocrate indépendant d'Allemagne). Les chefs ont la parole en premier.
Ils parlent, promettent, séduisent, commandent. Les masses, quand elles sont là, se trouvent devant le fait accompli.
Elles ont à se mettre en rang, à marcher au pas. Elles ont à croire, à se taire, à payer. Elles ont à recevoir des ordres et des instructions et à les exécuter. Et elles ont à voter!
Leurs chefs veulent entrer au parlement. Ils sont donc à élire. Après quoi, les masses s’en tenant à une soumission muette et à une passivité dévote, ce sont les chefs qui font de la
haute politique au parlement. Le KPD lui aussi est devenu un parti politique. Le KPD lui aussi veut aller au parlement.

La centrale du KPD ment lorsqu’elle dit aux masses qu’elle ne veut entrer au parlement que pour le détruire. Elle ment lorsqu’elle certifie qu’elle ne veut accomplir au parlement
aucun travail positif* . Elle ne détruira pas le parlement, elle ne le veut pas, elle ne le peut pas. Elle fera un « travail posi­tif » au parlement, elle y est contrainte, et elle le veut.

Elle en vit ! Le KPD est devenu un parti parlementaire comme les autres partis. Un parti du compromis, de l’opportunisme, de la critique et de la joute oratoire. Un parti qui a cessé d’être révolutionnaire.


(…)

L’organisation des premières lignes communistes de la révolution ne doit pas être un parti habituel, sous peine de mort, sous peine de reproduire le rôle qu’endosse le KPD.
L’époque des fondations de partis est passée, parce qu’est passée l’époque des partis politiques en général.

Le KPD est le dernier parti. Sa banqueroute est la plus honteuse, sa fin est la plus dépourvue de dignité et de gloire...
Mais qu’advient-il de l’opposition? Qu’advient-il de la révolution?

6

La révolution n’est pas une affaire de parti. Les trois partis sociaux-démocrates* ont la folie de considérer la révolution comme leur propre affaire de parti
et de procla­mer la victoire de la révolution comme leur but de parti. La révolution est l’affaire politique et économique de la totalité de la classe prolétarienne.
Seul le prolétariat en tant que classe peut mener la révolution à la victoire.

Tout le reste est superstition, démagogie, charlatanerie politique.

Ce dont il s’agit, c’est de concevoir le prolétariat comme classe et de déclencher son activité pour la lutte révolution­naire. Sur la base la plus large, dans le cadre le plus vaste.
C’est pourquoi tous les prolétaires prêts au combat révo­lutionnaire, sans se soucier de la provenance ni de la base sur laquelle ils se recrutent, doivent être rassemblés dans
les ateliers et les entreprises en organisations révolutionnaires d’entreprises, et être réunis dans le cadre de l’Union Générale des Travailleurs.

L’Union Générale des Travailleurs, ce n’est pas « n’importe qui », ce n’est pas une salade, ni une formation fortuite.
C’est le regroupement de tous les éléments prolétariens prêts à une activité révolutionnaire, qui se déclarent pour la lutte de classe,
pour le système des conseils et pour la dictature.

C’est l’armée révolutionnaire du prolétariat.


Cette Union Générale des Travailleurs prend racine dans les entreprises, et s’édifie d’après les branches d’industries,
de bas en haut, fédérativement à la base et organisée au sommet par le système des hommes de confiance révo­lutionnaires. Elle pousse du bas vers le haut, à partir des
masses ouvrières. Elle s’élève en conformité avec elles : c’est la chair et le sang du prolétariat ; la force qui la pousse, c’estl’action des masses ; son âme, c’est le souffle brûlant de la révolution.


Elle n’est pas une création de chefs. Ce n’est pas une construction subtilement agencée. Pas un parti politique
avec bavardage parlementaire et bonzes payés. Pas non plus un syndicat. C’est le prolétariat révolutionnaire.



(…)

Le but ne saurait être de démolir, d’anéantir le colosse d’argile des centrales syndicales avec leurs 7 millions de membres, pour les reconstruire après sous une autre forme.
Le but c’est de s’emparer des leviers de commande dans les entreprises prépondérantes pour l’industrie, pour le processus social de production, et, de cette manière, emporter
la décision dans le combat révolutionnaire. De s’emparer du levier qui peut mettre en l’air le capitalisme dans des branches et des régions industrielles entières.

C’est là que la disponibilité résolue à l’action d’une organisation unique peut, le cas échéant, l’emporter en efficacité sur toute une grève générale.

C’est là que le David de l’entreprise abat le Goliath de la bureaucratie syndicale.

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Re: Otto Rühle

Messagepar Lambros » Mardi 29 Nov 2011 20:31

Merci !

Mais je pige pas, être pour la dictature du prolétariat sans le parti c'est rompre avec le Guide Suprême qui détient la vérité scientifique et dialectique (Karlou)
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Re: Otto Rühle

Messagepar Bobcatshom » Mardi 29 Nov 2011 21:31

L'avant-gardisme ça ne sort pas de Marx mais de Lénine. Marx était centraliste, pour autant il ne me semble pas que Marx ait prôné qu'une avant-garde prenne le pouvoir.

Qui plus est, Marx a lui-même réfuté le matérialisme déterministe/mécaniste que lui prêtent les marxistes autoritaires.
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Re: Otto Rühle

Messagepar marv » Mercredi 30 Nov 2011 16:01

L'évolution d'Otto Rülhe est dû à son expérience militante et révolutionnaire, et les conclusions qu'il tira très rapidement sur le régime bolchévique : il d'abord militant à l'aile gauche de parti social démocrate et me élu au Reichtag mais en rejoignant Karl Liebknecht dans son vote au parlement contre les crédits de guerre le 20 mars 1915, il est exclu du groupe social-démocrate en 1916 pour avoir déroger à la discipline du parti puis devient membre de la Ligue spartakiste, fin décembre 1918 la ligue spartakiste se joint à d’autres groupes plus réduits pour créer le Parti communiste d'Allemagne (KPD). Rühle est délégué au congrès, et il fait partie de la majorité qui est favorable au boycott des élections à l’Assemblée constituante. Otto Rühle fut aussi exclu du KPD en même temps que l’aile gauche anti-parlementaire.

Il participe avec ces derniers la création du KAPD (Parti communiste ouvrier d'Allemagne) début 1920. Mais la même année Il publia "La révolution n'est pas une histoire de parti" selon P. Mattick "Il pensait que l’histoire des partis sociaux-démocrates et les pratiques du parti bolchevique prouvaient suffisamment qu’il était sans effet d’essayer de remplacer les partis réactionnaires par des partis révolutionnaires, que la forme de l’organisation en parti elle-même était devenue inutile et même dangereuse. " contrairement à la majorité des membres du KAPD qui "maintenait qu’à ce niveau de développement, l’organisation d’usine à elle seule ne pouvait garantir une politique révolutionnaire clairement délimitée. " Le KAPD soutenait que les révolutionnaires formés au
marxisme et à la conscience de classe, bien qu’appartenant à des organisations d’usine, devraient être en même temps réunis dans un parti séparé pour sauvegarder et développer la théorie révolutionnaire et, pour ainsi dire, surveiller les organisations d’usine pour les empêcher de sortir du droit chemin." (un peu comme la FAI avec la CNT-AIT !).
Rühle et ses par­tisans voyaient dans le parti la perpétuation du principe des chefs et des masses, la contradiction entre le parti et la classe, et craignaient une reproduction du bolchevisme dans la gauche allemande.

En déclarant que le parti est une structure dépassé et dangereuse et que en condamnant la participation au jeu politique au sein des républiques bourgeoises, il marque avec ce que Marx avait préconisé et qui est retranscrit dans la résolution IX de la conférence de Londres de l'AIT en 1871 profitant que la plupart des délégués "anti-autoritaires n'ait pu se déplacer :" Considérant en outre:

Que contre ce pouvoir collectif des classes possédantes le prolétariat ne peut agir comme classe qu'en se constituant lui-même en parti politique distinct, opposé à tous les anciens partis formés par les classes possédantes;
Que cette constitution de la classe ouvrière en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution sociale et de son but suprême: l'abolition des classes;
Que la coalition des forces ouvrières déjà obtenue par les luttes économiques doit aussi servir de levier aux mains de cette classe dans sa lutte contre le pouvoir politique de ses exploiteurs," Marx à cette me conférence se livre à une critique de l'abstentionnisme "... mettre des ouvriers au parlement c'est autant de gagné sur eux [les gouvernement]"
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Re: Otto Rühle

Messagepar elquico » Jeudi 01 Déc 2011 23:26

En se constituant lui même comme parti,le prolétariat ne fait qu'imiter les structures de l'ancienne société ,pourquoi n'aurait il pas dans ses luttes à inventer lui même ses propres structures?C'est un peu autoritaire comme affirmation et trés bourgeois comme idéologie,d'affirmer que cette constitution de la classe ouvriére en parti politique est indispensable pour assurer le triomphe de la révolution sociale?
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Re: Otto Rühle

Messagepar Lambros » Jeudi 08 Déc 2011 17:12

Merci Marv pour toutes ces précisions !

(j'essaie de lire le Manifeste Communiste mais j'y arrive pas :D )
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