Ernesto "Che" Guevara...

Les courants, les théoriciens, les actes...

Messagepar michel » Vendredi 26 Jan 2007 10:35

Mussolini a traduit Kropotkine en italien... parler du PS italien sans preciser qu'il y avait des tendances revolutionnaires c'est jouer sur la confusion.
michel
 

Messagepar Paul Anton » Vendredi 26 Jan 2007 10:55

Au risque de me répéter… :roll:

Il y a déjà ce sujet de conversation : http://cnt.ait.caen.free.fr/forum/viewtopic.php?t=654
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
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Messagepar Dan » Vendredi 26 Jan 2007 11:15

michel a écrit:Mussolini a traduit Kropotkine en italien... parler du PS italien sans preciser qu'il y avait des tendances revolutionnaires c'est jouer sur la confusion.


personne n'a dit le contraire
Dan
 

Messagepar Federica_M » Jeudi 01 Fév 2007 18:32

Ben si ... moi ...

Mussolini a traduit kropotkine en italien ? Peut être ... Quelle est la source de l'info ?
Federica_M
 
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Oulala !

Messagepar Federica_M » Jeudi 01 Fév 2007 18:41

Il ya pas mal d'approcimation dans tout ce qu'on peut lire ici il me semble :

- SOREL n'était pas à proprement parler SR ... C'était avant tout un intellectuel. Mais il était fortement influencé par les SR et a aussi largement contribué à leur donner des outils et réflexions théoriques (le mythe de la violence libératrice etc ...). Sorel a inspiré - outre les SR - tous autoritaires qui mettaient la force en avant, de Mussoloni à Lénine (qui s'en inspirait aussi).

- Quand à dire :

" Le fascisme se veut a la base une reponse au probleme social, en ce sens j'estime qu'on peut dire qu'il est essentiellement de gauche. "

Gloups ... Le fascisme c'est une réponse au problèmes sociaux mais aussi politiques (nationaux et identitaires) de l'Italie des années 20 ... Et dire que parce que quelque chose se prétend une réponse au problème social on la catégorise "à gauche" alors dans ce cas bayrou et Sarkozy - avec ses envolées ouvriéristes - sont de sacrés gauchistes ! C'est tout simplement simplet comme affirmation ...

"Quand aux nationaux-socialistes ou nationaux-bolcheviques allemands, il semble qu'ils aient ete profondement influences par le venue en allemagne de nationaux-bolcheviques russes qui sotn venus leur faire coucou apres la revolution en ammenant dans leurs bagages des outils qui auront beaucoup de succes par la suite (parti unique, police politique etc.)"

??? Finalement Hitler n'a été qu'un pion du complot bolchévique russe, c'est ça ?

Intéresante hypothèse, dont l'audace me semble un peu nouvelle ... (à moins que tu n'aies pris les bobards du PCN pour argent comptant ?) As tu des références STP sur le sujet ?
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Messagepar Paul Anton » Jeudi 01 Fév 2007 20:38

Le PSI était loin d’être un parti homogène et divers courants s’affrontaient sur des questions telles que les alliances à conclure et le problème agraire. A ce sujet, le livre de Gaetano Manfredonia : La lutte humaine/Luigi Fabbri, le mouvement anarchiste italien et la lutte contre le fascisme est passionnant. Je recommande à tous de le lire.

Pour moi : fascisme et national-socialisme ne sont pas la même chose. Le fascisme n’est pas une idéologie raciale comme le national-socialisme.

Le noyau du parti fasciste italien s’est constitué par un ralliement d’individus aux parcours éloignés et aux conceptions politiques éloignés : intellectuels, officiers, soldats, aventuriers, artistes, socialistes, anarchistes… son programme est révolutionnaire. Le premier faisceau de combat a été fondé, le 21 mars 1919, à Milan. Dès le début, les premiers fascistes voulaient occuper le terrain révolutionnaire, laissé vacant par le PSI et le PCI (qui a été crée en 1921).

Le 28 août a eu lieu à Florence le premier congrès des fascistes et voici des extraits du préambule : « Voilà le programme national d’un mouvement proprement italien ». « Nous plaçons la valorisation de la guerre révolutionnaire au dessus de tout et tous. Les premiers fascistes avaient un programme qui s’inspirait du syndicalisme révolutionnaire. Ce programme proposait en autre : "la journée de travail à huit heures, salaire minimum, gestion de l’industrie et des services publics par les organisations prolétariennes dignes moralement d’accomplir cette tâche, âge de la retraite à 55 ans". Ceci est la partie sociale du programme. On distingue deux autres parties militaire et financière. Selon moi, les premiers fascistes ont été socialement de gauche et politiquement à droite. Le cahier (numéro 22) du syndicat de Marseille : fascisme et travail évoque tout ce que je viens de dire. Bien sur, lorsque Mussolini va s’emparer du pouvoir, il s’emploiera à faire le contraire de ce programme. Le fascisme a été très utile aux nantis pour liquider la subversion tout comme en Allemagne et en Hongrie.

Vouloir comparer la situation allemande à la situation italienne me parait réducteur : traité de Versailles, dettes de guerre, perturbations des approvisionnements en matière première (charbon de la Sarre par exemple). Par ailleurs, les patrons de l’industrie utilisent l’inflation pour se débarrasser de leurs dettes.

Ce qui caractérise la crise de 29 est le fait que les mécanismes inflationnistes et déflationnistes ne sont plus opérants, c'est-à-dire que le marché du système capitaliste n’arrive plus à se réguler lui-même.

Il est intéressant de regarder la composition sociologique du parti nazi. Prenons 1930 : employés 24%, paysans 13%, fonctionnaires 8%, petits patrons 19% et 26% d’ouvriers sur un effectifs de 200 000 membres. Le parti nazi a été soutenu par les classes moyennes et l’argent du capital. Le soutien de ce dernier s’est monnayé via une épuration de la gauche du parti.

D’autre part, la lecture de W.Reich psychologie de masse du fascisme est incontournable pour saisir ces deux mouvements politiques : le fascisme et le national-socialisme. En effet, Reich s’attaque à démonter que la structure caractérielle a joué un rôle essentiel.

Ce qui m’ennuie est que l’on s’attache à parler du fascisme au passé !! Non ! Le fascisme continue d’être pris dans un devenir : la bio-politique.

Petite anecdote : le seul livre autorisé dans l’Allemagne nazie a été Le gauchisme : la maladie infantile du communisme - Lénine.
Dernière édition par Paul Anton le Jeudi 01 Fév 2007 22:25, édité 2 fois.
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Messagepar Paul Anton » Jeudi 01 Fév 2007 20:52

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Messagepar michel » Dimanche 04 Fév 2007 19:36

Federica_M a écrit:Mussolini a traduit kropotkine en italien ? Peut être ... Quelle est la source de l'info ?


certainement dans "Au coeur de la révolution" de Marcel Body. A verifier.

" Le fascisme se veut a la base une reponse au probleme social, en ce sens j'estime qu'on peut dire qu'il est essentiellement de gauche. "

Gloups ... Le fascisme c'est une réponse au problèmes sociaux mais aussi politiques (nationaux et identitaires) de l'Italie des années 20 ...


personne n'a dit le contraire.

Et dire que parce que quelque chose se prétend une réponse au problème social on la catégorise "à gauche" alors dans ce cas bayrou et Sarkozy - avec ses envolées ouvriéristes - sont de sacrés gauchistes !


comme on dit par ici "il ya pas mal d'approcimation dans tout ce qu'on peut lire ici". Y'a-t-il beaucoup de chomeurs a l'UMP ?

??? Finalement Hitler n'a été qu'un pion du complot bolchévique russe, c'est ça ?

Intéresante hypothèse, dont l'audace me semble un peu nouvelle ... (à moins que tu n'aies pris les bobards du PCN pour argent comptant ?) As tu des références STP sur le sujet ?


La biographie de Lenine par David Shub. Effectivement extremement audacieux et totalement nouveaux d'oser dire que la gestapo a ete inspiree par la Tcheka :shock: Tu m'as demasqué, je suis un crypto-nazi qui essaye de vous persuader que le fascisme n'a rien de mauvais. Tu m'as tellement demasqué que tu trouves même des références à Hitler dans ce que j'ai écris !

C'est tout simplement simplet comme affirmation ...


tu as raison, en plus d'etre un nazi je suis stupide. Je te remercie de perdre de ton precieux temps pour me montrer mes errements et me remettre sur le droit chemin.
michel
 

Messagepar michel » Dimanche 04 Fév 2007 19:41

Très interressante intervention de Paul Anton - qui ne se contente de répéter que les autres disent n'importe quoi.

Paul Anton a écrit: Les premiers fascistes avaient un programme qui s’inspirait du syndicalisme révolutionnaire. Ce programme proposait en autre : "la journée de travail à huit heures, salaire minimum, gestion de l’industrie et des services publics par les organisations prolétariennes dignes moralement d’accomplir cette tâche, âge de la retraite à 55 ans".


bof, Federica arrivera certainement a nouy démontrer que le RPR allait plus loin en son temps.

Pour moi : fascisme et national-socialisme ne sont pas la même chose. Le fascisme n’est pas une idéologie raciale comme le national-socialisme.


D'accord aussi. Pour moi le national-socialisme est la superposition de l'idéologie raciale sur du fascime.
michel
 

Messagepar Paul Anton » Dimanche 04 Fév 2007 22:55

michel a écrit:Très interressante intervention de Paul Anton - qui ne se contente de répéter que les autres disent n'importe quoi.

Paul Anton a écrit: Les premiers fascistes avaient un programme qui s’inspirait du syndicalisme révolutionnaire. Ce programme proposait en autre : "la journée de travail à huit heures, salaire minimum, gestion de l’industrie et des services publics par les organisations prolétariennes dignes moralement d’accomplir cette tâche, âge de la retraite à 55 ans".


bof, Federica arrivera certainement a nouy démontrer que le RPR allait plus loin en son temps.

Pour moi : fascisme et national-socialisme ne sont pas la même chose. Le fascisme n’est pas une idéologie raciale comme le national-socialisme.


D'accord aussi. Pour moi le national-socialisme est la superposition de l'idéologie raciale sur du fascime.


Je n'ai fait que feuilleter le cahier n°22 : fascisme et travail écrit par le syndicat de Marseille.

Dans le système nazi : la rationalité a été poussé jusqu'à son extrême, c'est-à-dire que la mort est devenue rationnelle.
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Messagepar michel » Dimanche 04 Fév 2007 23:03

Le cahier dont tu parles est interressant, mais il mériterait une transfomation sur la forme, car dans mon souvenir il n'était pas sous une forme vraiment "rédigée", ce qui ne facilite pas la lecture...
michel
 

Messagepar Paul Anton » Dimanche 04 Fév 2007 23:08

C’est une transcription d’une conférence donnée en 1994. J’avais pensé à l’éclater en deux volumes. J’ai mi du temps à le lire.
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Messagepar goldfax » Lundi 12 Jan 2009 15:24

Au risque de déplaire à quelques-uns, je déterre le mort... :lol: Je viens de lire un article sur mondialisme.org (http://www.mondialisme.org/spip.php?article1263) qui synthétise le traitement de la biographie du "Che" dans les récentes parutions. Même si le texte, en soi, est relativement fastidieux et peu polémique, je trouve qu'il a le mérite d'éclairer la personnalité du soi-disant libertaire qu'était Guevara !

Ernesto "Che" Guevara, vu par Machover, Löwy et Besancenot
12 janvier 2009


Ernesto

Guevara de la Serna, dit « el Che » :

mythes et réalités

Parmi les nombreux livres édités ces derniers temps au sujet de du Che, celui de Jacobo Machover La Face cachée du Che (Buchet-Chastel, 2007) nous paraît d’un intérêt particulièrement original dans son projet et sa démarche. Ignorant les orientations politiques et l’itinéraire de son auteur, nous reprendrons donc la quatrième de couverture : « Machover est né à La Havane en 1954. Exilé en France depuis 1963, écrivain, journaliste, traducteur » et enseignant « il agit en faveur du rétablissement de la liberté et de la démocratie à Cuba ».

Dans l’introduction il livre au lecteur ses propres émotions et impressions de jeunesse : « J’ai longtemps figuré parmi les admirateurs de Che Guevara. Dans mon esprit, c’était un homme qui s’était sacrifié pour ses idées en vue d’un monde meilleur, et qui avait été poussé vers son ultime combat à la suite de désaccords insurmontables avec Fidel Castro. Il était devenu en quelque sorte un révolutionnaire, indépendant sans jamais être inféodé à un pays ou à une puissance tutélaire quelconque, que ce fût Moscou ou Pékin. Ces objectifs me semblaient être ceux d’un libertaire. »

Son aspiration à étudier et à lire les textes de Guevara vont l’amener à une vision critique : « Ce n’est qu’après avoir lu la totalité de ses écrits et discours (ceux du moins qui ont été officiellement publiés à Cuba, d’autres dormant dans des armoires scellés au siège du Comité central du Parti communiste), que j’ai commencé à me rendre compte que ceci ne correspondait nullement à l’idée que je m’étais faite. » « Après une première lecture, j’attribuai ces écarts, les exécutions de traîtres dans la Sierra Maestra, celles des sbires après la victoire de la Révolution, aux conditions des combats contre les troupes de Batista, et contre les menaces de l’impérialisme américain, sans toutefois réussir à me débarrasser complètement d’une sensation récurrente de nausée, toujours, je tournais la page en intériorisant l’idée que ces atrocités n’étaient qu’un prélude, nécessaire à la mise en place d’un humanisme révolutionnaire que certains théoriciens ont tenté de lui attribuer post-mortem. »

Ensuite, son approche évolue : « Puis en analysant ses textes théoriques j’ai constaté de ses écrits affleurait, de manière subliminale, un personnage qui prétendait, à l’orée de la mort qu’il ressentait proche, justifier l’injustifiable. »

**************

Che Guevara, une braise qui brûle encore d’Olivier Besancenot et Michael Löwy procède d’une tout autre démarche. La quatrième de couverture annonce : « Guevara n’était ni un saint ni un surhomme ni un chef infaillible ; il était un homme comme les autres avec ses forces et ses faiblesses (…). » Après l’étude détaillée du livre nous verrons que la démarche des auteurs est à l’opposé de ce qu’ils annoncent et que « la cohérence entre les paroles et les actes » qu’il vante chez leur héros est souvent absente.

Tout le long du livre les termes de « héros », « aventure », « acteur exceptionnel » contribuent à déplacer la question de la lutte pour le socialisme comme projet collectif au profit d’initiatives et d’actions individuelles : celles de Guevara, des guérilleros. A chaque fois les auteurs déplacent la problématique de la lutte de classe à l’échelle internationale au profit de la lutte armée et du guévarisme.

Besancenot et Löwy sont tous les deux membres de la LCR et de la Quatrième Internationale, tenants d’une continuité dont les responsables ont, dans les années 60, valorisé et privilégié les différents mouvements de guérilla.

C’est seulement autour de 1974, après les débats de leur Congrès mondial, que les trotskystes ont été amenés à reconnaître les limites et même les erreurs des méthodes de guérilla urbaine et rurale. Ces guérillas avaient été engagées dans le cadre de stratégies décidées par la Tricontinentale dont les composantes les plus importantes étaient l’URSS, la Chine et Cuba donc sous direction stalinienne. Ces mouvements étaient instrumentalisés par ces forces au service d’un projet de coexistence pacifique et d’affrontements ponctuels et limités avec l’impérialisme américain. Les objectifs de construction d’organisations du mouvement ouvrier, partis et syndicats, étaient subordonnés aux orientations des différentes bureaucraties soumises à Moscou ou a Pékin.

A aucun moment, dans l’analyse du parcours de Che Guevara, les auteurs n’offrent une critique méthodique et historique de la guérilla. La construction du livre évite toutes les questions concrètes que pose Machover dans son livre. Les titres de chapitre du livre de Besancenot et Löwy sont révélatrices de cette pratique : « Un marxiste humaniste ou le combat pour un communisme à visage humain ; Révolution socialiste ou caricature de révolution ;Ni calque ni copie : le Che à la recherche d’un nouveau modèle de socialisme ; L’héritage guévariste en Amérique latine ; De l’internationalisme du Che à l’altermondialisme, de la Tricontinentale à l’Intercontinentale. »

Dans ces différents chapitres, les questions des pratiques du Che dans la guérilla à Cuba, au pouvoir, puis dans les autres guérillas au Congo et en Bolivie sont abordées par la bande. Exemple : Machover déclare que dans la Sierra Maestra il y a eu des jugements et des exécutions. Besancenot et Löwy ne les évoquent pas. Concernant les exécutions juste après la prise du pouvoir, « Oui, le Che a tué durant la guérilla et durant la révolution. Oui, plutôt que de se retrancher derrière des subalternes, il a assuré lui-même la direction pour les exécutions de plusieurs dizaines de bourreaux et de dirigeants du régime Batista ». « Il ne participait pas aux tribunaux militaires. Organiser légalement les exécutions avec des tribunaux était à ses yeux le meilleur moyen d’éviter des lapidations de masse. »

Les auteurs jouent les naïfs car ils ne s’interrogent pas sur le fonctionnement de ces tribunaux. Machover d’ailleurs écrit que c’était Fidel qui décidait des exécutions. Par conséquent, on ne peut que douter du caractère démocratique de ces décisions prises par un seul homme.

*********************

Enfin, « sur le terrain plus spécifiquement idéologique, il m’apparaissait comme une réminiscence moderne de Trotsky, celui de l’écrasement de l’insurrection de Cronstadt et de la victoire contre les Russes blancs à la tête de l’Armée rouge. » « Les relations du Che avec Fidel Castro me semblaient être à tort un remake de celles de Trotsky avec Staline, comme s’il s’agissait d’un homme de pouvoir passé à l’opposition, un précurseur d’une dissidence que, de toute évidence, il n’était pas. »

En effet, la comparaison à tous les niveaux est complètement erronée et infondée.

Concernant Staline, la comparaison avec son rôle dans la révolution russe ne tient pas parce que celui-ci n’a joué aucun rôle dans la direction et l’orientation politique ni dans l’animation des Soviets et de l’armée. Il s’est limité en fait à s’emparer de l’appareil du Parti et des Soviets pour renforcer la bureaucratie.

Quant à Trotsky il a toujours méprisé et malheureusement sous-estimé Staline, alors que Guevara lui admirait Fidel et ne discutait jamais ses décisions pendant la guérilla et au pouvoir. Il n’a jamais mené de bataille politique divergente avec lui. D’ailleurs on ne sait rien des débats dans la direction castriste, contrairement à ceux qui eurent lieu en URSS. Quant au Parti communiste cubain il a été fondé en 1965, après la fusion du PSP, du Mouvement du 16 juillet et du Directoire en 1961 dans l’ORI, qui devint le Parti unifié de la révolution socialiste cubaine en 1962.

D’ailleurs « Castro est parvenu à faire de lui son principal instrument en matière de politique (ou d’aventure) étrangère, à la fois fidèle exécutant et une conscience critique. Après coup, son image est devenue celle d’un homme révolté contre tous les pouvoirs, même celui qui l’avait mandaté alors qu’il n’était qu’un des bras armés de la Révolution cubaine ».

La démarche de Machover est de montrer, faire émerger l’instrumentalisation des divers épisodes de la vie de Che Guevara au profit de l’Etat cubain, de Castro, et d’autres intérêts très divers : « Cette image vise avant tout à occulter ses paroles. Elle a fait le tour du monde et largement dépassé les cercles révolutionnaires et les rêves d’une jeunesse en mal de causes justes, simples et apparemment indiscutables ». « La figure du Che est devenue œcuménique, elle a perdu tout sens. Elle reflète un mélange de modernité, d’idéalisme et de nostalgie envers un temps qui n’est plus » « Pour ceux qui ont remplacé la lutte anti-impérialiste par l’idée, assez proche, d’antimondialisation ou d’antiglobalisation, il est demeuré l’un des rares emblèmes immaculés au moment où tous les autres s’écroulaient en même temps que le mur de Berlin ». « Le Che est allé au-devant de sa mort, en entraînant dans son sillage nombre d’idéalistes convaincus qu’il était la réincarnation d’un Libertador de l’Amérique latine » Image combien éloignée de celle de Castro malade et convalescent en tenue de sport à la télévision ces derniers temps.

******************

« La pensée du Che est une source d’inspiration inépuisable », selon Besancenot et Löwy.

Dans leur livre, rien n’est développé sur le prétendu « marxisme » du Che, sa formation théorique et politique, sur sa connaissance du mouvement ouvrier en Europe ou sur les autres continents. On ne saura pas non plus quel est son apport à ce l’analyse du capitalisme. Concernant les questions organisationnelles dans le mouvement ouvrier, les auteurs ne nous exposent pas ses positions sur la social-démocratie, l’anarchisme ou le léninisme. Les deux seules références que citent Besancenot et Löwy sont les discours de Guevara à caractère internationaliste prononcés devant l’Assemblée générale de l’ONU et à Alger qui constituent surtout des prises de distance à l’égard de la bureaucratie soviétique mais ne sont en rien des apports au marxisme ou des ruptures fondamentales avec le stalinisme.

D’ailleurs, ils reprennent l’idée de leur camarade Jeannette Habel qui observe : « Loin des déformations staliniennes, les prémisses du Che étaient, elles, humanistes et révolutionnaires. Mais il est vrai qu’il mettait trop l’accent sur la critique économique, sur le poids des relations marchandes, et insuffisamment sur le caractère policier et répressif du système politique soviétique. »

C’est donc qu’ils reconnaissent (implicitement et sans développer leur critique) les limites de la réflexion et de l’action de Guevara par rapport aux staliniens cubains comme soviétiques.

De fait, il était une des composantes du stalinisme à la fois en tant que théoricien et en tant qu’homme politique, ce que nos auteurs se gardent bien de déclarer.

**************

Machover n’est pas très curieux sur la culture politique et les relations de Guevara avant son arrivée à Mexico en 1959 et sur ses contacts après son arrivée à Mexico avec les exilés politiques latino-américains, les réfugiés espagnols de la Guerre civile ou les Russes (puisque, d’après certains témoignages, on apprend que Guevara avait commencé à étudier le russe et qu’il avait des contacts avec la délégation culturelle russe). Il est frappant de constater que peu de livres abordent cette question particulière. Puisque lors de la guérilla en Bolivie (1967) Tamara Bunke dite Tania est déclarée être un membre des services secrets de l’Allemagne de l’Est chargée de la logistique et des contacts entre le mouvement urbain et le foco du Che. D’ailleurs, elle mourra en tant que combattante dans les rangs de la guérilla.

D’autre part, sa rencontre avec Castro semble être un hasard et non organisée dans le cadre de relations politiques régulières. Cela renforce l’image du militant aventurier.

La deuxième partie « Les guérilleros au pouvoir » aborde la question des exécutions à partir du témoignage digne de foi de Benigno alias Daniel Alarcon Ramirez. L’un des plus anciens et plus fidèles compagnons d’armes du Che, l’un des survivants de la guérilla en Bolivie, exilé politique en France depuis 1996. L’utilisation de ce témoignage fiable laisse entendre que Guevara prenait un certain plaisir aux exécutions et les encourageait. La question principale est plutôt de rechercher qui étaient les condamnés, pour quels motifs, par quel type de tribunal et dans quelles conditions et à quel moment précis ces exécutions avaient été décidées, quels étaient les méthodes d’interrogatoire, les conditions d’emprisonnement et d’organisation de la défense dans les débats. Enfin, Machover tout comme le Che ne se pose pas la question de la légitimité ou non de la peine de mort. La question du pouvoir étatique bureaucratique ou non, de la légitimité des décisions n’est pas abordée ni par Machover ni par le Che.

Il ne s’agit pas pour nous de défendre ou d’excuser de manière inconditionnelle et acritique les actes et les décisions du Che et du gouvernement castriste. Il s’agit de comprendre à quelle période correspondent ces faits et dans quel contexte (danger ou non de la contre-révolution pro-Batista) ces décisions d’exécution ont été prises.

Dans le chapitre « De l’admiration pour Staline à la subordination devant Castro », Machover reproduit les propos suivants de Guevara : « J’appartiens de par ma formation idéologique à ceux qui croient que la solution aux problèmes de ce monde est derrière ce que l’on appelle le rideau de fer. » (1953) De même, « j’ai juré devant un portrait de notre vieux et regretté camarade Staline que je n’aurais de repos avant d’avoir vu ces pieuvres capitalistes exterminées ». Enfin, dans une autre lettre il signe Staline II.

Grand est notre étonnement en constatant que dans les textes traduits en français des censures importantes ont été opérées. Rappelons que l’éditeur de Guevara en France, François Maspero, était sympathisant trotskyste (proche de ce qui allait devenir la LCR) et était reçu amicalement à Cuba tout comme Alain Krivine ou Jeannette Habel, encore aujourd’hui. Là encore nous sommes renvoyés à d’autres questions : quels liens Guevara a-t-il eux avec des militants du PC argentin ou d’autres courants politiques ? quelle propagande et quels écrits staliniens a-t-il lus dans sa jeunesse en Argentine ( dates ) ou pendant ses voyages dans toute l’Amérique latine (dates )

Des termes comme « Staline II » sont trop forts, sont trop durs pour qu’on les prenne à la légère comme de simples provocations littéraires alors qu’à cette période déjà on savait déjà parfaitement ce qu’était le stalinisme dans toutes ses dimensions internationales.

Durant la guérilla à Cuba, peu de choses sont évoquées sur la mort de Frank Pais et de « Daniel » lors des combats contre Batista, à la fois dans la guérilla et dans les villes. Frank Pais était un dirigeant du Mouvement du 26 Juillet et Daniel était un membre de la guérilla. Machover suggère que, du fait de leur dissidence politique, ils auraient été envoyés en première ligne dans des opérations plus que risquées par Guevara et sous les ordres de Fidel Castro.

Concernant les relations entre le Che et Fidel, nombre de témoignages affirment que Guevara ne discutait jamais les ordres de Castro. A la fois dans la guérilla cubaine et après la prise du pouvoir jamais n’est abordé la manière dont fonctionnent les directions politiques(direction collective ou personnelle ?). « Toute révolution comporte inévitablement une part de stalinisme » (Guevara, France Observateur 18/5/1961). Cette phrase mérite une attention particulière : elle expose clairement le fonds de la pensée du Che.

Le chapitre « Panique chez les intellectuels cubains » aborde les conflits du Che et de la direction cubaine avec des intellectuels dissidents à propos d’un court métrage en 1961 et d’attaques contre des jeunes écrivains en 1965. Puis contre les homosexuels et autres « déviationnistes ». L’exemple le plus frappant fut l’expulsion de Allen Ginsberg au bout de trois jours en janvier 1965 en raison de son comportement non conformiste et de son homosexualité. Il s’était montré ironique et provocateur par rapport au Che et à la direction cubaine.

« L’homme nouveau et les camps de travail volontaire »

« Dès 1960, Guevara avait tenté de mettre en pratique ses conceptions en créant une sorte d’école pour des personnes ayant commis des erreurs et qui avaient accepté volontairement d’y séjourner afin de racheter leur conduite par le travail. » Rien n’est précisé sur les « erreurs » de ces personnes et le fonctionnement et l’organisation de cette « école ». Machover en profite pour affirmer que ce fut la prémice du « Goulag tropical », terme vraiment exagéré si on compare au Goulag de l’URSS ou de la Chine.

Je ne connais en effet pas de témoignage de cette période sur les conditions de vie dans ces camps, lors du vivant du Che (avant 1965), et on ne sait rien des prises de position du Che à ce sujet ; on peut dire seulement qu’il a cautionné par son silence les diverses pratiques : emprisonnement, torture, répression, atteintes aux droits de l’homme.

Guevara a exercé officiellement différentes responsabilités telles que directeur du ministère de l’Industrie, ensuite à l’INRA (Institut national de la réforme agraire), puis président de la Banque nationale et enfin ministre de l’Industrie à partir de 1961. En octobre 1961 il déclare, sans prendre de gants : « Les travailleurs cubains doivent petit à petit s’habituer à un régime de collectivisme, en aucune manière les travailleurs n’ont le droit de faire grève. » Voilà donc sa conception de la liberté et des droits de la classe ouvrière dans la « construction du socialisme ».

A l’occasion de la crise des missiles de 1962, il avait été tenu en marge, cependant il appuya les positions jusquauboutistes de Fidel Castro qui poussait Nikita Krouchtchev à une attaque nucléaire préventive contre les Etats-Unis. Il affirma à son tour que « si les missiles avaient été sous leur contrôle, les Cubains les auraient utilisés »

Au cours de ses multiples voyages à l’étranger et dans les pays du tiers monde ou dans les pays » socialistes » il fit preuve du plus grand opportunisme diplomatique tant envers l’URSS que la Chine de Mao.

Ses implications et son rôle précis dans l’établissement d’une guérilla en Argentine par son concitoyen Massetti puis ses liens avec les pays du tiers monde, ceux des pays non alignés comme l’Egypte et l’Algérie sont très peu traités hormis l’évocation du discours d’Alger du 27 février 1965, où il critique l’insuffisance du soutien de l’URSS aux pays du tiers monde.

C’est à la suite de cette initiative d’ailleurs, lors de son retour à Cuba, après plus de 48 heures de discussion avec Castro et le petit groupe dirigeant, qu’il se voit signifier « la nécessité de renoncer à toutes ses responsabilités et de repartir au combat, n’importe où mais hors de Cuba ». La meilleure opportunité qui se présentait à ce moment c’était le Congo.

Autre signe fort de sa mise à l’écart, alors qu’il n’est plus à Cuba, le 3 octobre 1965, lors de la constitution du Parti communiste cubain et de son Comité central Guevara ne figure pas parmi ses membres. Tous ses détails ont été minorisés ou évacués par les divers critiques et biographes pour mieux éviter les vrais sujets politiques.

Machover se livre à une critique, que nous pouvons partager dans certaines limites, de la théorie du foquisme et de la guérilla conçues par Guevara et Régis Debray surtout dans leur sous-estimation du travail politique dans les villes, de l’intervention dans le mouvement ouvrier et démocratique pour la préparation de la grève générale insurrectionnelle et de la nécessité de l’organisation indépendante des travailleurs.

« Il considérait les militants du Mouvement du 26 juillet comme des petits bourgeois et mettait en doute leur courage alors que ceux-ci durent payer le plus lourd tribut à la répression menée par le régime de Batista. »

L’épisode du « Che au Congo, éclaireur des interventions cubaines en Afrique » précise bien des faits longtemps laissés dans l’ombre sur ses difficultés rencontrées là-bas : le coup de poignard dans le dos de la lettre d’adieu lue publiquement par Castro, les différents obstacles subjectifs et objectifs à animer, organiser et orienter la guérilla au Congo, les guérilleros africains qui ne le respectent pas, les désertions, les « chefs » qui ne sont pas sur le terrain (en particulier Laurent-Désiré Kabila qui va faire la fête en ville) puis enfin l’exigence de l’Organisation pour l’unité africaine et de Gaston Soumaiot du départ des groupes étrangers et donc des Cubains du terrain des opérations. Guevara avait déjà à ce moment-là manqué d’y laisser sa vie.

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Les trois guérillas (celles du Congo et de Bolivie auxquelles le Che participa directement ; et celle de Jorge Masetti en Argentine qu’il supervisa de l’extérieur) constituent des répétitions chaque fois aggravées d’une application de la théorie erronée du foco et de la guérilla.

Dans la guérilla cubaine, le Che et Castro ont sous-estimé l’existence de l’organisation du mouvement ouvrier et démocratique, de l’importance de la grève générale au moment de l’insurrection et survalorisé le rôle de la lutte armée. Du fait de leur victoire malgré tout, le Che a répété et accentué cette tendance. L’isolement au Congo avait déjà failli lui coûter la vie, en plus de l’échec de cette tactique de guérilla. En Argentine, malgré les nombreuses préparations techniques (réseaux urbains ; contacts avec les organisations ; planques de matériel, de nourriture sur les terrains d’intervention ; contacts radio à l’extérieur sur le continent et avec Cuba), la guérilla a été isolée des paysans et complètement asphyxiée du fait de manque de nourriture et de médicaments, comme en témoignent Jorge Masetti (le fils) et Canek Sanchez Guevara dans Les Héritiers du Che (Presses de la Cité, 2007).

Ce bilan négatif des guérillas n’a été tiré ni par le Che, ni par la direction cubaine, ni par les trotskystes de la LCR. Il n’est pas non plus traité dans le livre de Besancenot et de Löwy. Ils contribuent ainsi à renforcer l’image et le mythe du révolutionnaire, aventurier, individualiste qui peut changer le cours du monde.

Dans la période actuelle de redéfinition programmatique et organisationnelle de la LCR ; dans le cadre de sa proposition d’un Nouveau Parti Anti-Capitaliste dont le fonctionnement serait en principe défini par la base, les dirigeants de la LCR ont besoin de renouveler leurs icônes. Lénine et Trotsky sont sans doute jugées des personages trop ringards auprès des jeunes, notamment des milieux altermondialistes et écologistes. Toujours soucieuse d’être en harmonie avec la jeunesse, la LCR et Besancenot se sont mis en quête d’une nouvelle icône, plus moderne, plus branchée.

Ils ont retrouvé en Che Guevara (que la LCR utilisait déjà dans les années 60) une figure emblématique de la révolte : un homme mort jeune en luttant les armes à la main, un individu désintéressé et au mode de vie ascétique, que Besancenot et Löwy nous présentent comme non dogmatique, soi-disant rétif à l’autorité des PC et de l’URSS. Cet homme qui a eu une jeunesse bohême, qui a beaucoup voyagé d’abord pour son plaisir, ensuite pour se battre, ne peut qu’avoir un certain écho chez tous ces jeunes qui vont de sommet altermondialiste en réunion G7 crier leur haine du capitalisme.

Le livre de Besancenot et Löwy, même s’il n’aborde pas la question la question du Nouveau Parti que souhaite créer la LCR, participe de la stratégie tâtonnante de cette organisation pour se donner un nouveau look plus radical, tout en gardant un autre fer au feu, celui de la participation aux élections municipales, législatives, présidentielles et européennes.

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Christian Béridel
goldfax
 

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