Misère et continuité du philostalinisme de gauche

Les courants, les théoriciens, les actes...

Misère et continuité du philostalinisme de gauche

Messagepar Paul Anton » Lundi 25 Jan 2010 12:51

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Misère et continuité du philostalinisme de gauche : des « Quaderni Rossi » à Toni Negri
1er janvier 2010


(Ce texte fait suite à une discussion sur les ambiguïtés ou les impasses théoriques des théoriciens de l’opéraïsme italien, ce courant original et novateur peu connu en France faute de traductions, et qui a irrigué les débats de la gauche, de l’extrême gauche, voire de l’ultragauche et du mouvement libertaire italiens dans les années 1960 et 1970. L’article ne traite que d’une tare de ce courant multiforme aujourd’hui pratiquement oublié, et dont malheureusement le membre le plus médiatiquement connu en France et paradoxalement le moins important sur le plan théorique, en ce qui concerne du moins l’opéraïsme, est Toni Negri. Les critiques qui suivent n’entament en rien les côtés, à mon avis, positifs de l’opéraïsme, du moins à ses débuts (a) : la volonté de procéder à une analyse concrète, à partir d’enquêtes ouvrières, du fonctionnement du capitalisme italien et des modifications intervenues dans le système capitaliste mondial ; l’hypothèse que les luttes radicales de la classe ouvrière modèlent en partie et par réaction les formes d’exploitation mises en place pour moderniser les entreprises ; l’accent mis sur l’importance des luttes anti-hiérarchiques – sous l’influence notamment de « Socialisme ou Barbarie » ; l’idée que les luttes des usines pouvaient et devaient avoir une influence sur tout le "territoire" qui les entourait (d’où, plus tard, les luttes sur le logement, pour les autoréductions dans les transports et les magasins, etc.), le rôle décisif du prolétariat dans un changement social, etc. Ni patrie ni frontières.)

PS. : un lecteur attentif (Dario) nous ayant envoyé quelques remarques ou précisions, nous les avons introduites soit en note (a et b), soit à la suite du texte.

Les premiers « opéraistes » étaient des militants qui n’avaient pas rompu théoriquement avec le stalinisme (1) même s’ils critiquaient durement le PCI italien dans leur revue les « Quaderni Rossi ». En effet, ils faisaient référence aux « systèmes socialistes existants ». Pire ils écrivaient : « Les pays socialistes, conditionnés actuellement dans leur plan d’expansion vers une société de consommation ont comme objectif d’atteindre le niveau de vie des pays du capitalisme avancé ; ils sont donc poussés à imiter l’organisation technico-productive du système capitaliste au niveau national et industriel, comme il se présente aujourd’hui dans ses plans d’organisation. »

Ils ne faisaient pas remonter cette question aux origines de l’URSS (ce que Lénine reconnaissait dès septembre 1917 : « Dans un Etat véritablement démocratique et révolutionnaire, le capitalisme monopoliste d’Etat signifie inévitablement, infailliblement, un pas, ou des pas en avant vers le socialisme ») ; et ce que dénoncèrent, de diverses façons, des groupes comme l’Opposition Ouvrière, Centralisme démocratique ou le Groupe ouvrier bien avant l’Opposition de gauche trotskyste). Comme beaucoup de jeunes du Parti socialiste italien (PSI), du PSIUP (social-démocrate de gauche, genre PSU français (b) ) et du PCI stalinien « radicalisés » après l’écrasement des soulèvements ouvriers de Berlin en 1953 et de Budapest en 1956, les membres des « Quaderni Rossi » pensaient que « l’involution » du prétendu « socialisme soviétique » était récente, comme en témoignent les citations suivantes.

« Tandis que l’URSS retient que l’on peut cohabiter avec le capitalisme… » (affirmation qui implique que l’URSS n’était pas capitaliste et pas non plus une société d’exploitation) et « En URSS, on isole les prétendus aspects positifs, de manière acritique, et on cherche à les intégrer comme s’ils étaient la dernière touche à ajouter à l’édification du socialisme, comme si on pouvait procéder à cette opération sans que se produise une involution dans le sens capitaliste des rapports sociaux ». Ces deux citations sont extraites des « Quaderni Rossi », recueil n°6 et de l’article collectif « Movimento operaio e autonomia della lotta di classe ».

Quant au maoïsme et à la Chine, on en trouve l’apologie dans « Lettura delle posizioni chinese » d’Edoarda Masi (« Quaderni Rossi », recueil n° 4) où l’auteur défend la nécessité d’une révolution antiféodale et d’une alliance avec la bourgeoisie démocratique chinoise, sous la direction du Parti stalinien chinois, en vue d’une « dictature démocratique du prolétariat et de la paysannerie », première étape vers la révolution socialiste. Du Lénine d’avant 1917 et surtout du Staline pur jus !

Dans la lettre collective des « Quaderni Rossi » sur le conflit sino-soviétique (« Problemi attuali nella polemica sino-sovietica ») il est fait référence non seulement à l’existence (pour nous absurde) d’ « Etats socialistes » et d’un « camp socialiste », mais en plus il est rendu hommage à la « contribution fondamentale des communistes chinois » , à leur « position de classe », même si leur analyse est considérée comme « fragmentaire »…..

Les « Quaderni Rossi » prenaient très au sérieux la critique des communistes chinois contre la « politique de puissance » de l’URSS et le « réformisme » des partis staliniens. Ils reconnaissaient la valeur positive de l’appui des « Etats socialistes » aux mouvements de « libération nationale », sans se poser la question de l’impérialisme russe, des intérêts matériels qui sous-tendaient cette « aide » à ces mouvements. Ils ne se situaient que dans le ciel éthéré des polémiques idéologiques entre les bureaucrates staliniens sans tenir compte des intérêts matériels des Etats et des bureaucraties exploiteuses. La seule critique qu’ils adressaient aux staliniens chinois et soviétiques, c’était de ne pas avoir résolu « la contradiction entre la révolution socialiste et le renforcement de la structure étatique, ainsi que la création d’un système d’Etats socialistes ». Une réserve, bien maigre et bien abstraite, comme toujours chez les philostaliniens (honteux ou inconscients), qui rappelle tout à fait les positions du philosophe Louis Althusser en France, à la même époque, ce membre du PCF qui influença les fondateurs de l’UJCml (maoïste) et toute une partie de l’intelligentsia française.

Bien sûr, la pensée de Negri, qui se développe depuis quarante ans, est plus complexe que son simple rapport aux pays qu’il ose appeler « socialistes », mais sa stalinophilie dans « Goodbye Mister socialism » (livre paru en français au Seuil en 2007, donc très récemment), et son incapacité à dresser un bilan politique et théorique sérieux du stalinisme doivent nous inciter à la plus grande vigilance vis-à-vis d’un théoricien aussi peu rigoureux sur la plus grande catastrophe qui ait frappé le mouvement ouvrier au XXe siècle....

Toni Negri, tout comme les « Quaderni Rossi » d’il y a 40 ans, continue d’appeler les dictatures staliniennes les pays du « socialisme réel », expression qui, si elle était juste, donnerait raison aux réactionnaires de tout poil et à l’extrême droite. Si le socialisme aboutit « réellement « à des sociétés d’exploitation, on « comprendrait » alors pourquoi une partie des prolétaires s’en sont tenus à l’écart, voire l’ont combattu les armes à la main... Voilà à quelles conclusions paradoxales aboutiraient des expressions aussi ineptes, si les intellectuels qui les utilisaient se posaient la question des conséquences politiques de leurs théories.

En bon philostalinien, Negri nous explique que « sans le sacrifice » des « multitudes soviétiques » « les nazis auraient gagné la guerre et qu’aujourd’hui nous serions tous en train de parler allemand » (on remarquera la finesse de ce « parler allemand » : on est là devant un des clichés de la xénophobie nationaliste antiboche recyclé dans l’inconscient d’un penseur altermondialiste radical). C’est là que l’on voit toute l’escroquerie intellectuelle du terme « multitudes ». Negri ne prend absolument pas en compte les intérêts de la classe dirigeante soviétique. Son concept de « multitudes » ne s’applique qu’à une partie du monde impérialiste, au camp politique de l’antifascisme philostalinien. En effet, il oublie de « remercier » les « multitudes » des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne qui, elles aussi, si on croit comme lui que la Seconde Guerre mondiale était une simple guerre vertueuse de la démocratie contre le fascisme, et non une guerre inter-impérialiste (URSS comprise) pour le repartage du monde, ont contribué à la victoire militaire sur le nazisme. Autre paradoxe qu’il se garde bien d’évoquer car cela ruinerait son édifice théorique et surtout sa façade radicale : faire l’apologie de Churchill et de Roosevelt ce ne serait pas vraiment l’idéal pour conserver une posture de gauche…

Negri n’a pas un mot sur les responsabilités du Parti communiste allemand (et de la direction de l’Internationale communiste) dans l’avènement du nazisme ; pas un mot sur la liquidation de milliers d’officiers de l’Armée rouge par Staline lors des purges de 1936-37, qui a mis à genoux l’armée soviétique.

Pas un mot sur les conséquences du Pacte germano-soviétique pour les communistes allemands livrés par Staline à Hitler (au contraire, Negri écrit avec un cynisme écoeurant : « Je ne suis certainement pas de ceux que l’alliance de Staline avec les nazis scandalise. En effet je l’ai toujours considéré comme un acte de lucidité stratégique »).

Pas un mot sur l’invasion des pays baltes et de la Pologne, et leurs conséquences catastrophiques pour les populations : déportations, meurtres, marches forcées, internement en camps de travail, etc.

Pas un mot sur l’antisémitisme en Union soviétique, ni sur l’arrestation en 1948 puis la liquidation des membres du Comité des juifs antifascistes ; pas un mot sur ce que l’on appelle la « Nuit des Poètes assassinés », l’assassinat de 13 écrivains yiddish le 12 août 1952 ; ni sur le prétendu « Complot des Blouses blanches », des médecins juifs, juste avant la mort de Staline en 1953 (au lieu de cela Negri a le cynisme d’écrire : « il est totalement absurde de tenter d’accuser l’Union soviétique de comportements antisémites » ; on se demande alors pourquoi tant de Juifs soviétiques sont partis en Israël dès qu’ils en ont eu l’occasion… C’est sans doute uniquement le climat plus agréable qui les a fait partir vers le Proche-Orient) ; pas un mot sur les purges antisémites dans les partis staliniens des démocraties populaires (Pologne, Tchécoslovaquie, etc..

Pas un mot sur la politique de russification forcée dans les républiques autres que la Russie, les déplacements forcés au sein de l’URSS, non au contraire Negri nous explique que les communistes russes étaient « internationalistes » !

En bon philostalinien, Negri pense que l’URSS avait un fonctionnement intérieur globalement plus positif que les autres Etats impérialistes, même s’il n’a pas le courage politique de reprendre les termes qu’avait employés Georges Marchais, le secrétaire général du PCF. Mais il fait l’apologie de l’efficacité économique du régime capitaliste soviétique avec tous les poncifs de la propagande stalinienne traditionnelle : « machine de modernisation formidable pour la Russie », le régime « bénéficiait alors de l’adhésion et du soutien de la quasi-totalité de la population ». Pas un mot sur la police politique (Tcheka, NKVD, GPU), sur les camps de travail qui ont abouti à l’extermination de millions de détenus par la faim et le froid, sur les famines organisées, la liquidation physique des koulaks, etc.

Non, Negri persiste dans son apologie du stalinisme, au mépris des faits historiques les plus élémentaires : au lendemain de la guerre « Les gens étaient plus forts que le groupe dirigeant. La multitude avait perdu plus de 20 millions de ses frères au cours de la grande guerre contre le nazisme, et le groupe dirigeant en sentait sur sa nuque le souffre âpre » ; « le stalinisme est une dictature de la majorité qui aurait par ailleurs très bien pu être démocratique ». On croit rêver. Il ne nous manque plus que le célèbre slogan stalinien : « L’Union soviétique jouit la Constitution la plus démocratique du monde » !

Et ultime perle, le stalinisme est « un phénomène extrêmement productif. Ce qu’il a de monstrueux a été de toute façon en bonne partie provoqué ».

On retrouve ici une des constantes de l’anti-impérialisme réactionnaire (2) philostalinien. Tout est toujours de la responsabilité des puissances impérialistes occidentales (et en premier lieu des Etats-Unis) : la violence de toutes les dictatures, qu’elles soient staliniennes (URSS hier, Corée du Nord, Cuba, aujourd’hui) ou nationalistes (Irak de Saddam Hussein, Algérie du FLN, Iran des mollahs avec sa composante religieuse) ; de tous les mouvements « anti-impérialistes » qui pratiquent le terrorisme (d’Al Quaida au Hamas et au Hezbollah) ; ou les pratiques anti-ouvrières de régimes nationalistes de gauche (Venezuela de Chavez), ont pour fondement les « provocations » de « l’impérialisme », concept fourre-tout qui ne tient aucun compte des sinistres réalités de la géopolitique des Etats et des puissances…

On retrouve dans les écrits récents de Negri tous les éléments essentiels, tous les mythes, de la nostalgie du stalinisme qui exerce des ravages chez les gens de plus de 60 ans dans tous les pays de l’Est (suite à la dégradation vertigineuse de leurs conditions de vie depuis la chute du Mur et l’effondrement de l’URSS), chez les ex-apparatchiks et cadres des partis staliniens qui ne se sont pas reconvertis suffisamment rapidement aux vertus du capitalisme privé occidental ou aux pratiques mafieuses à grande échelle, mais aussi dans les milieux altermondialistes, chez les décerveleurs professionnels du « Monde diplomatique », etc.

Y.C.

1/01/2010

(a) En fait le terme d’ "opéraismo" recouvre au moins quatre moments : le premier est celle des Quaderni Rossi autour de Raniero Panzieri (1961-1966), le deuxième celui de Classe Operaia autour de Tronti et Negri de 1964 à 1967- Tronti ayant participé aux QR de 1961 à 1963 ; Negri de 1962 à 1963, le troisième celui autour de la revue Rosso 1974-1977 animée par Toni Negri, enfin le quatrième de 1975 à 1977 autour de Senza Tregua (Note de Dario)

(b) Non, la comparaison n’est pas juste car le PSIUP est un parti majoritairement ouvrier (Note de Dario ; cf. ses explications plus détaillées ci-dessous).

1. Pour préciser un peu ce que j’entends par stalinisme et néostalinisme, on pourra lire un petit texte qui s’applique aux Partis communistes mais aussi à tous ceux qui partagent tout ou partie de leurs positions politiques. Et donc aussi à Toni Negri. http://www.mondialisme.org/spip.php... Cela ne règle absolument pas la question de la qualification exacte des sociétés d’exploitation staliniennes : capitalisme d’Etat ? capitalisme bureaucratique totalitaire ? collectivisme bureaucratique ? Par facilité et parce que ce terme désigne clairement l’ennemi de classe, je préfère pour le moment utiliser le terme de capitalisme d’Etat malgré ses limites évidentes.

2. Sur l’anti-impérialisme réactionnaire on se reportera entre aux autres aux articles parus dans « Ni patrie ni frontières » n° 27-28-29 : http://www.mondialisme.org/spip.php...

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Quelques précisions d’un lecteur :

SUR LE PSIUP

Le Partito Socialista Italiano d’Unità Proletaria est fondé en janvier 1964 par scission de la gauche du PSI qui, contrairement à la majorité du parti dirigé par Pietro Nenni, refusait de participer au gouvernement de coalition présidé par Aldo Moro.

Il est apparu, en 1999, que le PSIUP fut financé par Moscou afin d’affaiblir le PSI et fonctionner en aiguillon du PCI. Le PSIUP a d’ailleurs soutenu l’intervention russe en Tchécoslovaquie.

Le PSIUP regroupait de nombreux militants syndicaux de terrain de la CGIL, cadres intermédiaires ou membres des directions syndicales comme Vittorio Foa, Silvano Miniati, Lelio Basso, Valori, Vecchietti et le jeune Fausto Bertinotti, tous personnages représentatifs de la gauche syndicale non chrétienne.

Ses militants (entre 15 et 20 000) ont joué un rôle actif dans les luttes ouvrières en 1968-1969, comme à l’usine Marzotto de Valdagno (près de Vicenza) et, surtout, à l’usine FIAT de Mirafiori. Le PSIUP s’est dissout en 1972.

SUR LES "QUADERNI ROSSI"

Les "Quaderni Rossi" furent une revue créée à Turin en 1961 par une équipe d’intellectuels animée par Raniero Panzieri (1921-1964), membre de la gauche du PSI. Elle regroupait des militants politiques expérimentés dont Luciano della Mea (1924-2003), des universitaires dont Mario Tronti (1930-) et Antonio Negri (1933-), des représentants de la gauche syndicale de la CGIL, à l’instar de Vittorio Foa (1910-1999) et Giovanni Alasia, et des jeunes militants, à l’image de Vittorio Rieser (1937-) et de Sergio Bologna (1937-).

De 1961 à 1966, la revue publiera six numéros et une douzaine de lettres.

Chaque numéro était centré sur un thème :

Luttes ouvrières et développement capitaliste (n° 1),

Usine et société ( n° 2),

Plan capitaliste et classe ouvrière ( n° 3),

Production, consommation et lutte de classe (n° 4),

Intervention socialiste dans la lutte ouvrière (n° 5)

Mouvement ouvrier et autonomie de la lutte de classe (n° 6).

Les rédacteurs des Quaderni Rossi ne se faisaient pas qu’écrire et intervenaient activement dans les luttes, comme chez FIAT, à Turin.

Par la suite, des groupes liés à la revue apparurent à Ivrea (autour de l’usine Olivetti, où, à partir de 1964, est publié le journal Lotta di Classe), Biella, Massa Carrara, Bologne et Rome. Les thèses des Quaderni Rossi exerceront une certaine influence sur les militants du PSI, du PCI et du PSIUP, ainsi que sur des syndicalistes. La revue, qui vit le jour dans une période de faible combativité ouvrière, mettait au centre de sa recherche la nouvelle structure du capitalisme en Italie et ses conséquences sur les luttes des travailleurs. L’organisation du travail et la composition de classe étaient particulièrement analysées par les Quaderni Rossi, notamment au moyen de l’enquête ouvrière, méthode de la connaissance mais également de prise de conscience de l’exploitation par les ouvriers eux-mêmes. Elle prônait le retour à Marx, dont les Grundrisse fraîchement publiés constituaient le texte de référence.

Ces éléments novateurs sont à l’origine d’un courant de pensée critique qu’on a nommé l’operaismo.

Les Quaderni Rossi avaient accueilli avec enthousiasme les affrontements turinois menés par les travailleurs de FIAT, connus sous le nom d’émeutes de la piazza Statuto, en réaction au lâchage par l’UIL d’une grève pour les renouvellements contractuels en juillet 1962. En conséquence de quoi, la revue a été marginalisée par le PCI. Ils connaîtront une première scission en 1964. De profondes divergences s’étaient formées entre ceux qui, autour de Raniero Panzieri, voulaient poursuivre sur la même lancée et ceux qui, avec Mario Tronti, Toni Negri et Alberto Asor Rosa, aspiraient à une assise organisationnelle formelle. Ces derniers se dotent d’un organe propre, Classe Operaia, qui parut de janvier 1964 à mars 1967. Dans ce contexte, la mort soudaine de Panzieri signifia la fin de la revue et de sa dynamique positive.

L’élaboration théorique des Quaderni Rossi a engendré un courant politique spécifiquement italien baptisé operaismo, ou opéraïsme (qui ne peut être traduit en français par ouvriérisme, trop restrictif et péjoratif).

Outre les revues citées, à partir de 1967, ce mouvement se structurera en groupes d’intervention alliant militants extérieurs et noyaux ouvriers combatifs, opposés aux syndicats et aux partis politiques de la Gauche. Les deux exemples les plus significatifs furent ceux de Potere Operaio emilano-veneto et Il Potere Operaio de Pise, fondé, en 1966, par Luciano della Mea, Gian Mario Cazzaniga, Vittorio Campione, Romano Luperini et Adriano Sofri.

Cette formation intervenait aux usines Piaggio de Pontedera, Saint-Gobain de Pise, Olivetti et Pignone de Massa Carrara.

Dario.

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Quelques dates utiles pour comprendre la naissance de l’opéraïsme

Quelques dates

1959

15-18 janvier Au 33e congrès du PSI, Panzieri est réélu au CC mais abandonne la rédaction en chef de la revue du PSI « Mondo Operaio »

Avril Panzieri démissionne du CC du PSI. Il part travailler à Turin.

Décembre Panzieri jette les premiers jalons d’une revue politico-syndicale

1960

Septembre-octobre Enquête sur la FIAT Panzieri coagule divers éléments turinois jeunes (du PSI et du PCI).

Décembre Conférence syndicale du PSI animée par Vittorio Foa. Intervention de Panzieri.

Tout au long de l’année, les jeunes proches de Panzieri interviennent dans les grèves à Turin et Milan.

1961

15-20 mars Au 34e congrès du PSI, Panzieri n’a plus aucune fonction au PSI.

5-7 mai A la 2e conférence nationale des communistes des grandes usines, intervention de jeunes « panzieristes »

30 Septembre sortie du numéro 1 des "Quaderni Rossi"

16-17 octobre. Lors d’une réunion de présentation de QR n°1, Antonio Negri, vice-secrétaire de la fédération du PSI, conseiller communal et dirigeant du cercle Labriola du PSI rejoint les QR.

Départ des syndicalistes (Foa, Garavini, Pugno) du comité de rédaction desQR

1962

Juin sortie du n°2 des Quaderni Rossi

Juin Juillet grève des métallurgistes à la FIAT. Emeutes de la Piazza Statuto à Turin. Les QR sont désignés comme « provocateurs » par le PCI et le PSI.

Automne Hiver Sortie de plusieurs feuilles locales « Potere Operaio » rédigées par des membres des Quaderni Rossi à Milan, Padoue, Biella, Genève complétant les journaux ouvriers chez Olivetti à Ivrea et à la FIAT Turin.

1963

Dissensions au sein des Quaderni Rossi entre Panzieri et les jeunes « interventionistes » et entre Tronti et Panzieri.

Fin juin Sortie du numéro 3 des Quaderni Rossi.

Octobre A Florence, la rupture est consommée entre Panzieri et Tronti.

Ceux qui suivent Panzieri (Rieser, Della Mea, Lanzardo, etc.) sont majoritaires à Turin et à Pise.

Ceux qui suivent Tronti et Negri sont majoritaires à Milan, Genève, Padoue, Florence et Rome mais présents aussi à Turin.

4 Novembre Negri et Tolin démissionne du PSI et de leurs postes de conseillers communaux de Padoue.

1964

14 janvier Sortie du n°1 de « Classe Operaia » sous-titré « Mensile politico degli operai in Lotta »

Juillet Sortie du n° 4 des Quaderni Rossi

9 octobre Mort soudaine de Raniero Panzieri

6 décembre 2e conférence nationale de « Classe Operaia » : décision d’intervenir dans le débat à l’intérieur du PCI en espérant une victoire de la « gauche » menée par Pietro Ingrao.

Douze numéros de « Classe Operaia » sont sortis et des groupes locaux nouveaux se sont créés à Côme, Crémone et Pavie.

1965

Avril Sortie du n° 5 des Quaderni Rossi

Décembre Sortie du n° 6 et dernier des Quaderni Rossi

Cinq numéros de « Classe Operaia » sont sortis en parallèle avec un journal d’intervention

1966

Avril-mai Tronti pense l’expérience de « Classe Operaia » conclue, propose la dissolution et le travail au sein du PCI (qu’il n’a jamais quitté et en quittera jamais) Negri, Bologna, Asor Rosa s’opposent à lui.

Deux numéros de « Classe Operaia » sont sortis

1967

Mars sortie du dernier numéro de « Classe Operaia »

1er mai Padoue sortie du numéro 1 de « Potere Operaio » « journal des ouvriers de Porto Marghera » du groupe éponyme « Potere Operaio Emilano Veneto » intervenant à Padoue, Mestre, Venise et Bologne dirigé par Antonio Negri.

10 mai Pise et Massa sortie du numéro 1 de « Il Potere Operaio » intervenant à Pise, Massa, Carrara dirigé apr L. della Mea, GM. Cazzanigga et A.Sofri.
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