Voltaire l'anarchiste

Les courants, les théoriciens, les actes...

Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Jeudi 03 Déc 2009 15:44

Après "Rousseau l'abstentionniste", je vous propose "Voltaire l'anarchiste"!


Selon Voltaire, il n'existe que deux grandes familles de gouvernement: la monarchie et la république. Il explique que le despotisme (auquel on pourrait joindre, à mon avis, tous les totalitarismes du 20ème siècle) appartient à la première famille dont il n'est qu'un abus tandis que l'anarchie appartient à la seconde, la république, et qu'elle n'en est, elle aussi, qu'un abus. Cela préfigure la pensée de Proudhon, pour qui la république est une « anarchie positive », et même l'histoire de la guerre civile en Espagne où s'affrontèrent fascistes et monarchistes d'un côtés, anarchistes et républicains de l'autre!

Dans « Supplément au Siècle de Louis XIV »:

« J'ai une observation nécessaire à faire ici sur le mot despotique dont je me suis servi quelquefois. Je ne sais pourquoi ce terme, qui, dans son origine, n'était que l'expression du pouvoir très faible et très limité d'un petit vassal de Constantinople, signifie aujourd'hui un pouvoir absolu et même tyrannique. On est venu au point de distinguer, parmi les formes des gouvernements ordinaires, ce gouvernement despotique dans le sens le plus affreux, le plus humiliant pour les hommes qui le souffrent, et le plus détestable dans ceux qui l'exercent. On s'était contenté auparavant de reconnaître deux espèces de gouvernements, et de ranger les unes et les autres sous différentes divisions. On est parvenu à imaginer une troisième forme d'administration naturelle à laquelle on a donné le nom d'État despotique, dans laquelle il n'y a d'autre loi, d'autre justice, que le caprice d'un seul homme. On ne s'est pas aperçu que le despotisme, dans ce sens abominable, n'est autre chose que l'abus de la monarchie, de même que dans les États libres l'anarchie est l'abus de la république. »


Le plus souvent, Voltaire emploie le mot « anarchie » dans le sens de désordre, chaos. Il note toutefois que même cette anarchie là crée l'ordre. Le 2 Mai 1764, lorsqu'il commente dans la Gazette Littéraire de l'Europe « L'Histoire complète de l'Angleterre, depuis Jules César jusqu'à sa révolution » de David Hume et analyse les guerres civiles en Angleterre sous Henri VIII et Marie sa fille, il écrit:

« C'est de l'anarchie que l'ordre est sorti; c'est du sein de la discorde et de la cruauté que sont nées la paix intérieure et la liberté publique. »


Voltaire ne se contente pas de placer sur l'échiquier politique l'anarchie à l'opposé de la tyrannie en accordant à chacune une appréciation tout aussi négative mais il distingue au sein de l'anarchie deux visions opposées:
La première, qu'il nomme « l'anarchie en politique », est détestable. Là encore, il faut saluer le génie visionnaire car toutes les tentatives des anarchistes de se mêler aux institutions politiques se sont en effet soldées par des catastrophes épouvantables et confirment incontestablement l'intuition du philosophe. L'histoire montre bien que les anarchistes doivent se méfier comme de la peste de tout les outils politiques de gouvernement et d'administration et, en particulier, s'abstenir de toute participation à toute élection.
La seconde en revanche, nommée « l'anarchie en religion », est profitable et décrite comme « nécessaire au repos public ». Il s'agit pour lui de détruire le dogme et son influence et de lui opposer le droit d'examiner et de professer. Et c'est là, à mon avis aussi, que réside la tâche essentielle des anarchistes.
Enfin, Voltaire précise que ces deux visions, d'abord présentées comme cantonnées dans deux sphères séparées, le politique et le religieux, se mélangent au contraire puisque la religion n'est qu'un établissement politique... J'ajouterais pour ma part, et vice versa.

Dans « Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII », Volume 3, Chapitre CXXX Progrès du luthéranisme en Suède, en Danemarck, et en Allemagne: (Tout le passage entre parenthèses est rédigé en note de bas de page.)

« Le genre humain s'est trouvé souvent, dans la religion comme dans le gouvernement, entre la tyrannie et l'anarchie, prêt à tomber dans l'un de ces deux gouffres.
(L'anarchie en politique est un grand mal, parce qu'il est important au bonheur commun que la force publique se réunisse pour la protection du droit de chacun; au contraire l'anarchie dans la religion non seulement est indifférente mais elle est même presque nécessaire au repos public.
Il est difficile que deux sectes rivales subsistent sans causer de troubles, et presque impossible que deux cent sectes en puissent causer jamais. La tolérance absolue, la destruction de toute juridiction ecclésiastique, de toute influence du clergé sur les actes civils, sont les seuls moyens d'assurer la tranquillité.
D'ailleurs il faut observer que le droit d'examiner ce qu'on doit croire, et de professer ce qu'on croit, est un droit naturel qu'aucune puissance ne peut limiter sans tyrannie, et que personne ne peut attaquer sans violer les premières lois de la conscience.
Tout homme de bonne foi, qui raisonnerait juste, ne pourrait proposer une loi d'intolérance sans poser pour premier principe que la religion n'est et ne peut jamais être qu'un établissement politique. Aussi compte-t-on, parmi les fauteurs de l'intolérance, plus d'hypocrites encore que de fanatiques.) »


Enfin, si je ne devais garder qu'une seule citation de Voltaire pour justifier la parenté de sa pensée avec l'anarchisme, je choisirais dans le chapitre VI du conte « La Princesse de Babylone » :

« Il vaudrait mieux n'avoir point de lois [donc point d'élus pour les voter] et n'écouter que la nature qui a gravé dans nos cœurs les caractères du juste et de l'injuste que de soumettre la société à des lois si insociables. »


Il ne lui manque vraiment pas grand chose, peut-être un peu de concision, pour détrôner Proudhon dans le rôle de père de l'anarchisme, et même Albert Camus comme premier anarchiste appelé au Panthéon!

http://anarced.over-blog.org/article-vo ... 07208.html
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Re: Voltaire le monarchiste

Messagepar apar » Jeudi 03 Déc 2009 18:23

je trouve la réponse de dejacques assez percutante et juste :

Voltaire a pu être un personnage remarquable pour son époque, un monument du progrès humain sous le règne de Louis XV ; mais aujourd’hui ce n’est plus qu’une ruine vermoulue.[...] Voltaire, d’ailleurs, était un jésuite en rupture de ban, mais c'était toujours un jésuite, c’est-à-dire un politique, un hypocrite, un écrivain capable, selon la circonstance, de chanter la pluie ou le beau temps, de plaider l’existence ou la non-existence de Dieu. Voltaire est la tête fossile dont les libéraux d’aujourd’hui, autres débris fossiles, sont la queue. C’est le noble père ou le père-noble des bourgeois, le prototype de cette classe lettrée ou sensée lettrée qui ergote dans la presse ou les parlements, dans les salons de la finance ou les arrière-boutiques, en faveur de la monarchie-républicaine ou de la république-monarchique. C’est un maître-sauteur qui n’a légué à ses fils de 89 et de 93, de 1830 et de 1848, que la souplesse de son échine et la volubilité de sa langue dorée. Voltaire n’a pas fait de révolutionnaires dans le sens contemporain de ce mot, mais Voltaire a fait des saltimbanques. Ecrire l’apologie de Voltaire en 1859, c’est, me semble-t-il, n’avoir rien appris de la destinée sociale, c’est n’avoir rien oublié de son éducation de collège. Si tous les bourgeois n’ont pas lu Voltaire en entier — et encore moins tous les prolétaires — ils en ont malheureusement sucé la substance dans tous les écrits et discours de ses neveux, avocats et tribuns, romanciers et poètes ; dans les écoles de l’université comme dans les écoles des frères ; enfin, dans l’enseignement de tous les instituteurs libéraux et jésuites, laïcs ou ecclésiastiques, à l’usage de toutes les classes de la société.
http://joseph.dejacque.free.fr/libertaire/n17/lib05.htm
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Jeudi 03 Déc 2009 18:39

Je pense plutôt qu'on mesure par ce petit texte de Dejacques tout l'effet que peut produire sur une œuvre très riche une récupération politique et, en particulier, une mise au Panthéon... Déjacques juge ici davantage les récupérateurs de sa pensée, "plus hypocrites que fanatiques", que l'œuvre elle-même, en grande partie méconnue. Accuser de jésuitisme quelqu'un qui prône "la destruction de toute juridiction ecclésiastique, de toute influence du clergé sur les actes civils" me semble être une erreur regrettable.
Cela dit, je sais à quoi ressemble les cercles voltairiens et je comprends très bien ce que veut dire Dejacques mais il ne me semble pas en proposer ici la même lecture...
Je précise aussi que la numérisation Google, ainsi que la recherche par mot clé qu'elle permet, m'ont épargné "de dépenser ma peine et mon temps à grignoter les cent cinquante poudreux tomes abandonnés en pâture aux rats des bibliothèques"
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Re: Voltaire l'opportuniste

Messagepar apar » Jeudi 03 Déc 2009 21:41

Voltaire fut de son époque, et fut un vrai bourgeois. le titre posé "Volt.. Ana..." est une absurdité et me semble une erreur regrettable, et part d'une méconnaissance certaine du personnage, au vu de son histoire personnelle, d'homme d'affaire ayant des actions dans le commerce d'esclave (comme pour la plupart des penseurs libéraux, tel locke, montesquieu), de conseiller des rois (monarchiste, donc... et pour un despotisme éclairé), entre autres... quant à la citation de Voltaire pour justifier la parenté de sa pensée avec l'anarchisme, je ne vois pas ce qui justifie dans cette citation son lien avec l'anarchisme... d'ailleurs son seul lien avec l'anarchisme (du moins avec des précurseurs) pourrait être la diffusion du testament de jean meslier, mais là encore, il l'a réécrit en edulcorant l'atheisme de meslier en le transformant en un deisme insipide...
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Jeudi 03 Déc 2009 22:04

Pour ma part, il me semble que tu juges rapidement et malhonnêtement la vie de Voltaire, avec des accusations que j'ai déjà entendues (il aurait même était antisémite!) mais que ne lui lançait pas Déjacque et dont je n'ai pas envie de débattre, en oubliant par exemple de parler de ces multiples séjours à la Bastille...

Tu dis que tu ne vois pas le lien entre l'anarchisme et cette citation:

« Il vaudrait mieux n'avoir point de lois et n'écouter que la nature qui a gravé dans nos cœurs les caractères du juste et de l'injuste que de soumettre la société à des lois si insociables. »


Mais quel autre courant de pensée propose de remettre en cause toutes les lois sur lesquelles se fonde l'État ? Le libéralisme, vraiment? Ce serait oublier, parmi d'innombrables exemples, le droit à la propriété... Non?
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Re: Voltaire l'opportuniste

Messagepar apar » Jeudi 03 Déc 2009 22:43

je n'ai pas envie de débattre du despotisme légal.
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar NOSOTROS » Jeudi 03 Déc 2009 22:59

Je ne sais pas si Voltaire se disait lui même anarchiste, ça m'étonnerait mais bon.

Cependant il y a, dans la pensée et l óeuvre de Voltaire, surement des ferments d'anarchisme. Quelqu'un qui signait écrasons l'infâmes ne pouvait pas être complètement mauvais ! :-)

C'est de toute façon le propre de la pensée des anarchistes que de se nourrir à plusieurs sources, de les métaboliser et de continuer à évoluer.
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Vendredi 04 Déc 2009 11:23

Pour revenir sur l'accusation faite à Voltaire d'avoir été "un homme d'affaire ayant des actions dans le commerce d'esclave" dont je n'ai ni la preuve, ni la preuve du contraire (et peu importe!), je voudrais simplement signaler à ceux qui la porte que le billet de 20 euros qu'ils ont en ce moment même dans leur porte-feuille a certainement, lui aussi, servi à enrichir des marchands d'esclaves, des marchands d'armes, des trafiquants de drogues, etc. L'argent n'a pas d'odeur, c'est bien connu! De plus, en portant de telles accusations, on entretient l'idée qu'il existerait de l'argent sale d'un côté et donc de l'argent propre de l'autre alors que l'argent est toujours pourri et pourrit tout ce qu'il touche. L'argent n'est rien d'autre qu'un instrument de domination, sa valeur ne lui est donnée que par des lois qu'il s'agit de détruire.

Voltaire n'a jamais touché de droits d'auteur et contrairement à beaucoup d'autres écrivains, il n'a jamais écrit dans le but de gagner sa vie, il n'a jamais écrit contre de l'argent.

Je tiens aussi à signaler à ceux qui voient dans Voltaire ce conseiller chouchou des rois qui flattait leur despotisme (le despotisme est toujours légal puisque sous ce type de régime, la loi est celle du despote!), que cet affreux lèche-botte, cette carpette sans âme et sans dignité, a entamé dès l'âge de 23 ans la liste de ces séjours à la Bastille. Onze mois pour commencer puis, neuf ans plus tard, encore deux semaines de plus, après lesquelles il est forcé à l'exil. Il a passé le reste de sa vie à faire la pute au près des baronnes pour subsister... Quelle vie de bourgeois en effet!

Sur wikipedia, on l'accuse aussi, à demi-mot, d'avoir été un islamiste radical et antisémite... Je m'en fous! L'objet de mon texte n'était pas de faire de Voltaire un saint-homme pour réclamer sa béatification apostolique mais de m'intéresser à ce qu'il avait écrit sur l'anarchie. Rien d'autre!

Effectivement le titre de ce texte est un raccourcis abusif mais c'est que je suis sans doute aussi de mon époque où le plus important, surtout pour un titre, est d'être accrocheur et non exact.
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Re: Voltaire l'opportuniste

Messagepar apar » Vendredi 04 Déc 2009 22:13

anarced a écrit:l'accusation faite à Voltaire d'avoir été "un homme d'affaire ayant des actions dans le commerce d'esclave"


c'était chose courante chez des intellectuels bourgeois... ce n'est pas une accusation, c'est un fait que tu peux trouver notamment dans un de ses textes :
« Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir. ».

Et il existerait une lettre de remerciement ecrite par lui à un négrier nantais, pour lui avoir ainsi fait gagner 600000 livres...
Cependant, il est vrai qu'il a rejeté l'esclavagisme dans divers textes... est ce le fait de son jésuitisme ? je dis ceci et je fais cela...

anarced a écrit:le billet de 20 euros qu'ils ont en ce moment même dans leur porte-feuille a certainement, lui aussi, servi à enrichir des marchands d'esclaves, des marchands d'armes, des trafiquants de drogues, etc.


donc, tout se vaut !??? il n'existe pas de hiérarchie sociale institué ? salaud de pauvres !!!

anarced a écrit:L'argent n'est rien d'autre qu'un instrument de domination, sa valeur ne lui est donnée que par des lois qu'il s'agit de détruire. Voltaire n'a jamais touché de droits d'auteur et contrairement à beaucoup d'autres écrivains, il n'a jamais écrit dans le but de gagner sa vie, il n'a jamais écrit contre de l'argent.


Voltaire est mort avec une fortune énorme... d'aprés certaines sources, cela viendrait de sa plume, du financement des princes, du revenu de ses paysans de ferney, de placements, bateaux (financés) chargés d'or revenant des Amériques, et aussi d'actions dans le commerce triangulaire...

anarced a écrit:dès l'âge de 23 ans la liste de ces séjours à la Bastille. Onze mois pour commencer puis, neuf ans plus tard, encore deux semaines de plus, après lesquelles il est forcé à l'exil. Il a passé le reste de sa vie à faire la pute au près des baronnes pour subsister... Quelle vie de bourgeois en effet!


Oui, les bourgeois ont parfois la vie difficile quand leur système n'est pas encore instauré... mais après ils se rattrapent...

anarced a écrit:L'objet de mon texte n'était pas de faire de Voltaire un saint-homme pour réclamer sa béatification apostolique mais de m'intéresser à ce qu'il avait écrit sur l'anarchie. Rien d'autre! Effectivement le titre de ce texte est un raccourcis abusif mais c'est que je suis sans doute aussi de mon époque où le plus important, surtout pour un titre, est d'être accrocheur et non exact.


Oui, c'était intéressant ! même si je trouve que c'est aller vite en besogne... c'est pour ça que je répondais... même si il est vrai que ces textes ne sont certainement pas inintéressants...

Quant à ses idées elles sont bourgeoises (dans le sens entier), Il a des idées largement influencées par Locke. En effet, il prône la liberté et la propriété (qu'il définit comme loi naturelle), et un pouvoir fort lui semble nécessaire pour instaurer ses idées... c'est donc un propriétariste logiquement doublé d'un hiérarchiste :
"Il me parait essentiel qu'il y ait des gueux ignorants... Ce n'est pas le maneuvre qu'il faut instruire, c'est le bon bourgeois, c'est l'habitant des villes... Quand la populace se méle de raisonner, tout est perdu"
.

Désolé pour les réponses qui depuis le début auront pu peut-être paraitre rudes, mais je voulais repositionner ce qu'était voltaire... un bourgeois. Ce qui n'était certes pas le propos de ton texte, mais je pouvais pas m'empécher de répondre qu'il n'est en rien un précurseur de l'anarchisme... même si il est vrai que les sources d'inspiration peuvent être diverses...
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Samedi 05 Déc 2009 0:50

Ne t'excuse pas pour tes réponses! C'est de la politesse typiquement bourgeoise! Je trouve au contraire que tes réponses enrichissent ma première ébauche dans laquelle je reconnais tout à fait être allé un peu vite en besogne...

Je ne pense pas que tout se vaut ni que les pauvres soient des salauds. Par contre, même si d'un point de vue moral, il reste important d'accorder autant que possible ses idées et ses actes, je trouve que c'est facile et bas d'attaquer un penseur sur ses moyens concrets de subsistance parce qu'ils sont autant à l'image de la société dans laquelle il vit qu'à celle de ses idées.

Néanmoins, les citations que tu pointes sont d'un cynisme effrayant et ce qui m'ennuie, c'est de me retrouver à jouer les avocats d'un homme que je n'avais pas du tout l'intention ni de juger ni de défendre! Voltaire n'est pas mon idole et je veux bien entendre qu'il est fait et écrit des saloperies! Ce qui m'amuse, c'est de faire la liste des propos presque anarchistes tenus par un "grand homme de la nation" dont "la patrie est reconnaissante".

Si Voltaire n'a jamais écrit qu'il était anarchiste (et il faudrait encore fouiller, on ne sait jamais!), il a néanmoins écrit que l'anarchie en religion est presque nécessaire. Je ne sais pas ce que ce "presque" vient foutre là, d'autant qu'un peu plus loin, il écrit qu'il faut détruire toute la juridiction ecclésiastique ainsi que son influence! Peut-être pourrait-on dire, plus rigoureusement, qu'il était "presque" anarchiste ou plus exactement encore qu'il se réclamait "presque" de l'anarchisme (mais qu'il était trop salaud pour qu'on le lui accorde) ? C'est comme s'il n'avait pas osé assumer son idée jusqu'au bout et qu'il n'avait esquissé dans cette note en bas de page (qui n'apparait pas dans toutes les éditions) qu'une ébauche qui appelait une suite... Ça y ressemble en tout cas!

Ce que je pense surtout, c'est qu'on peut se servir de Voltaire pour appuyer ses idées, même si elles sont anarchistes. Mais on peut aussi se servir de Rousseau!

Pour ce qui est de la propriété définie comme une loi naturelle, on trouve aussi cela chez Proudhon! Dans "Philosophie de la misère ou étude des contradictions économiques", ce dernier constate également cette loi naturelle, cette volonté inviolable de la Providence et il l'intègre dans sa dialectique. Selon lui, il ne s'agit pas d'y voir une erreur dans l'évolution des sociétés humaines mais un archaïsme à dépasser. Les sociétés ne reviennent jamais en arrière et la contradiction posée par le droit à la propriété qui est à la fois justice (loi naturelle ou volonté de la Providence) et injustice (privation, misère, exploitation et même aujourd'hui génocide par la famine) doit être dépassée par une loi supérieure que l'on ne peut comprendre pleinement qu'en analysant la contradiction posée, sans en négliger donc aucun de ses aspects...
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Dimanche 06 Déc 2009 11:38

Je voudrais revenir sur les deux dernières citations de Voltaire parce qu'elles me semblent être raccourcies et extraites de façon un peu malhonnête.

En effet, la première est marquée (dans la version finale de l'ouvrage) par une note où Voltaire précise que les véritables coupables sont les Européens, les Nègres n'étant que leurs complices et leurs instruments.

Dans « Essai sur les mœurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII », Volume 4, Chapitre CXCVII Résumé de toute cette histoire jusqu'au temps où commence le beau siècle de Louis XIV: (Tout le passage entre parenthèses est rédigé dans la note en bas de page.)

« Il n'y a chez les Asiatiques qu'une servitude domestique , et chez les chrétiens qu'une servitude civile. Le paysan polonais est serf dans la terre, et non esclave dans la maison de son seigneur. Nous n'achetons des esclaves domestiques que chez les nègres. On nous reproche ce commerce: un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable, que l'acheteur : ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maître était né pour en avoir.
(Cette expression doit s'entendre dans le même sens qu'Aristote disait qu'il y a des esclaves par nature. Mais celui qui profite de la faiblesse ou de la lâcheté d'un autre homme pour le réduire en servitude n'en est pas moins coupable. Si l'on peut dire que certains hommes méritent d'être esclaves, c'est comme l'on dit quelquefois qu'un avare mérite d'être volé.
Certainement le roitelet nègre qui vend ses sujets, celui qui fait la guerre pour avoir des prisonniers à vendre, le père qui vend ses enfants, commettent un crime exécrable; mais ces crimes sont l'ouvrage des Européens qui ont inspiré aux noirs le désir de les commettre, et qui les paient pour les avoir commis. Les Nègres ne sont que les complices et les instruments des Européens; ceux-ci sont les vrais coupables.)»


La seconde est extraite d'une lettre à M. Damilaville auquel il explique qu'il est préférable de prêcher la vertu à ceux qui n'ont que leurs bras pour vivre que de tenter de les instruire car ils mourraient de faim avant de devenir philosophe. Il cite à ce sujet Confucius. Il accuse ensuite les oisifs instruits d'être les responsables de toutes les guerres et déplore leur existence:

A. M. DAMILAVILLE.
1er avril.

Le Philosophe sans le savoir (1), mon cher ami, n'est pas à la vérité une pièce faite pour être relue, mais bien pour être rejouée. Jamais pièce, à mon gré, n'a dû favoriser davantage le jeu des acteurs; et il faut que l'auteur ait une parfaite connaissance de ce qui doit plaire sur le théâtre. Mais on ne relit que les ouvrages remplis de belles tirades, de sentences ingénieuses et vraies, en un mot des choses éloquentes et intéressantes.
Je crois que nous ne nous entendons pas sur l'article du peuple, que vous croyez digne d'être instruit. J'entends par peuple la populace, qui n'a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s'instruire; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes. Il me paraît essentiel qu'il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis. Ce n'est pas le manœuvre qu'il faut instruire, c'est le bon bourgeois, c'est l'habitant des villes; cette entreprise est assez forte et assez grande.
Il est vrai que Confucius a dit qu'il avait connu des gens incapables de science, mais aucun incapable de vertu. Aussi doit-on prêcher la vertu au plus bas peuple; mais il ne doit pas perdre son temps à examiner qui avait raison de Nestorius ou de Cyrille, d'Eusèbe ou d'Athanase, de Jansénius ou de Molina, de Zuingle ou d'Œcolampade. Et plût à Dieu qu'il n'y eût jamais eu de bon bourgeois infatué de ces disputes! nous n'aurions jamais eu de guerres de religion, nous n'aurions jamais eu de Saint-Barthélémy. Toutes les querelles de cette espèce ont commencé par des gens oisifs et qui étaient à leur aise. Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu.
Au reste, il faudrait un livre pour approfondir cette question, et j'ai à peine le temps, mon cher ami, de vous écrire une petite lettre.
Je vous prie de vouloir bien me faire un plaisir, c'est d'envoyer l'édition complète de Cramer à M. de La Harpe. Ce n'est pas qu'assurément je prétende lui donner des modèles de tragédies mais je suis bien aise de lui montrer quelques petites attentions dans son malheur (2).
Adieu, mon très-cher ami, je vous embrasse bien tendrement.

(1) Comédie de Sedaine.
(2) Sa tragédie de Gustave Wasa venait d'échouer.
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Re: Voltaire le bourgeois

Messagepar apar » Dimanche 06 Déc 2009 22:23

une politesse typiquement bourgeoise ??!? il ne faut pas abuser avec les mots. Il existe différentes formes de politesse, la mienne consistait à montrer ma bienveillance, a contrario de mes propos pouvant paraitre rudes. Toute société possède des codes sociaux de politesse, même en société libertaire, me semble-t-il... non ?

Concernant ton texte, et les passages cités, j'en ai une interprétation différente... du fait certainement, que je considére voltaire et son oeuvre (que je connais peu) comme ayant une finalité bourgeoise. il faut remarquer que voltaire considèrait l'anarchie comme une période de guerre civile (entre diverses factions pour le pouvoir), menant par la suite à un meilleur ordre autoritaire. Il associe le terme anarchie comme étant un gouffre dans lequel le genre humain s'est trouvé souvent prêt à tomber (avec celui de la tyrannie)... c'est dire la "positivité" du terme à ses yeux. l'"anarchie dans la religion" (controverse lié aux clercs de tout genre ? guerre de religion ?) qu'il énonce lui semble presque nécessaire pour instaurer par la suite la paix entre elles. En politique, il considère l'"anarchie en politique" (référence aux guerres civiles anglaises) comme un grand mal, du fait qu'il rejette la république (amenant à des controverses entre politiciens), et lui préfèrant la monarchie.
Quant aux lois dont il parle, c'est aux lois d'insociabilité existant dans certains "peuples" vis à vis d'autres qu'ils rejettaient... préférant pas de lois plutôt que de telles "lois"... mais il préfère quand même des lois (code sociaux de politesse) de tolérances entre peuples...

Voltaire était à l'image d'une partie de la bourgeoisie. Et j'ai énoncé et attaqué quelques unes de ses idées et pas seulement lancé des casseroles. Je conviens qu'une phrase ou une citation d'un auteur peut être intéressante, mais bon, pour ce qui est de rousseau ou voltaire, il serait difficile de leur attribuer le qualificatif d'anarchiste, ou même de précurseur de par une ou deux citations extraites de leur contexte... il y a certainement eu des variations dans sa vie quant à ses positions, mais voltaire a assumé aussi des positions monarchistes absolutiste [1] et théocratiques [2], entre autres positions déjà énoncées...

Concernant la propriété, voltaire y défend une vision libérale (Individualisme, Etat, Capital)[3]. pour proudhon, j'aimerai savoir quelle est la loi supérieure dont tu parles ?


[1] ce qui est loin de coller avec "voltaire l'anarchiste".
[2] "La théocratie devrait être partout; car tout homme, ou prince, ou batelier, doit obéir aux lois naturelles et éternelles que Dieu lui a données."
[3] "Tous les paysans ne seront pas riches; et il ne faut pas qu’ils le soient. On a besoin d’hommes qui n’aient que leurs bras et de la bonne volonté. Mais ces hommes mêmes, qui semblent le rebut de la fortune, participeront au bonheur des autres. Ils seront libres de vendre leur travail à qui voudra le mieux payer. Cette liberté leur tiendra lieu de propriété. L’espérance certaine d’un juste salaire les soutiendra."
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Re: Voltaire le jésuite

Messagepar apar » Lundi 07 Déc 2009 14:11

Ca n'a rien de malhonnête... La source qui posait la citation sur l'esclavage était réduite, mais quoiqu'il en soit il renvoit dos à dos les esclavagistes, et le "nous" (europééen) le concerne apparemment puisqu'il tente de définir qui est le plus coupable, et il culpabilise , et en même temps il justifie... voltaire, un vrai jésuite. Cependant, il est vrai que je n'ai pas de sources fiables concernant son actionnariat dans le commerce triangulaire (à la différence de Locke - son inspirateur)... donc je n'insisterai pas là dessus.

Comme je l'ai déjà énoncé, l'autre citation refléte le hiérarchisme de voltaire - se considérant comme faisant parti d'une classe à part -.
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Lundi 07 Déc 2009 15:53

La politesse est bourgeoise dans ce qu'elle a de plus hypocrite, je pense au patron qui va te serrer la main avec un grand sourire le matin "Bonjour! J'espère que vous allez bien! Je compte sur vous!" puis qui va te convoquer un peu plus tard dans la matinée pour te signifier que t'es viré, que ton contrat n'est pas reconduit et que tu peux aller te faire foutre sans indemnités.
Voilà un bon exemple de ce que j'appelle la politesse bourgeoise.

Mais évidemment qu'on peut aussi se serrer la main ou s'embrasser quand on est content de se voir, ce qui me gêne c'est cette habitude de faire la même chose quand on en a pas envie uniquement pour obéir à des codes. Va faire un bisou à la dame!

Pour revenir à Voltaire et à ses écrits, je ne suis pas sûr que ses écrits ait une finalité bien établie et je me garderai bien de l'enfermer dans une petite case forcément trop étroite. Pour ma part, je ne juge pas l'auteur. Le qualificatif "anarchiste" ayant des sens bien différents, pouvant être interprété aussi bien comme une insulte que comme une consécration, je laisse chacun se faire son idée.

Je n'ai jamais nié que Voltaire emploie le mot anarchie dans son sens négatif mais à son époque, c'est le seul sens qui existe à ma connaissance... Par contre, il lui trouve déjà des vertus. Je ne nie pas non plus qu'il manque à son œuvre une définition positive affirmée de l'anarchie, comme celles de Proudhon ou Kropotkine par exemple, pour faire de lui vraiment un fondateur de l'anarchisme.

Je ne te suis pas en revanche quand tu interprètes son rejet des lois comme un appel à d'autres lois. Si c'était le cas, il n'aurait pas écrit "Il vaudrait mieux n'avoir point de lois" mais "Il vaudrait mieux avoir d'autres lois comme celle de telle ou telle monarchie que j'adule", ce qu'il se garde bien de faire!
Le choix d'un régime particulièrement tyrannique pour illustrer son propos tient plus à mon avis au fait qu'il écrit un conte, c'est à dire un écrit habituellement destiné aux enfants, ou les traits sont souvent grossis voire caricaturés pour rendre les choses plus faciles à comprendre.

Pour ce qui est de la loi supérieure à la propriété, je pense qu'elle n'est ni constituée, ni constituable mais qu'il n'existe que des réflexions et des expériences du passé dont on peut s'inspirer, notamment l'Espagne libertaire.
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Mardi 08 Déc 2009 6:44

Selon les trotskystes, ou du moins leur caricature, les anarchistes sont des petits bourgeois et donc ce débat n'a pas de sens, en tout cas, il n'a rien rien de contradictoire! :lol:

Je ne vois pas en quoi Voltaire a une vision libérale, dans le passage que tu cites, il dit simplement que tout le monde ne peut pas être propriétaire. En fait, il pointe déjà la contradiction posée par le droit à la propriété!
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar apar » Mardi 08 Déc 2009 9:07

c'est d'une incroyable bêtise... tu veux absolument faire rentrer les termes "bourgeois" et "hypocrites" en association au terme politesse... et ceci sans aucun rapport avec la politesse que j'ai pratiqué... ton exemple sur la politesse bourgeoise manque son but. j'imagine qu'il doit y avoir une raison à cela... l'habitude... mais peu importe. Saches, pour ta gouverne, que la politesse peut prendre plusieurs formes. L'une d'elle s'inscrit dans un rapport inégalitaire, autoritaire, dominant/dominé, chef/servant, et contient toute l'hypocrisie de ce genre de relation/communication rigide, codifié, avec vouvoiement, etc... c'est la forme que tu exècres (moi également), dans ton exemple, et que tout révolutionnaire social rejette... Il existe cependant une autre forme de politesse (ne t'en déplaise!) qui s'inscrit dans un rapport égalitaire, libertaire de camarade à camarade, qui est spontané et libre...
La plupart des gens font la confusion de la relation de politesse avec sa forme inegalitaire... libre à toi d'en rester là, mais tu fais une erreur regrettable.

j'ai trouvé ce petit texte qui exprime, mieux que j'aurai pu faire, mon idée sur la politesse ; "je revendique la liberté d'être… impoli ou poli, selon mon seul gré, en fonction, non du statut mais de la personnalité, strictement… individuelle et absolument… unique, de la personne avec laquelle, ponctuellement ou durablement, je noue une relation, que celle-ci soit publique ou privée, sociale ou personnelle." :

Pendant longtemps, la "politesse" fut enseignée au même titre que… la morale, particulièrement à l'école primaire mais aussi dans/par la famille (éducation primaire), au catéchisme, dans/par les institutions, sur les lieux de travail…

En tant que "code moral" la politesse ainsi enseignée relevait d'… injonctions (Pour être poli(e) il faut, une personne polie se doit de…) et d'interdits (Quand on est poli on ne mange pas avec ses doigts…). Il en résulte que la politesse n'est pas "quelque chose" d'acquis, d'inné mais, bien au contraire, d'…imposé puisqu'elle participe de l'obligation et de l'interdiction.

La politesse ne s'impose donc pas à raison de son… évidence mais… s'impose. Elle n'est pas spontanée mais… due. Elle est due d'une personne à une autre personne qui se prévaut d'une autorité, qui, dans la "balance" des rapports entre les gens, met en jeu un pouvoir qui lui permet d'exiger qu'on lui témoigne de… la politesse, la preuve en étant que l'impolitesse est sanctionnée, punie, interdite.

Ainsi, c'est l'enfant qui se DOIT d'être poli envers ses parents, l'élève envers le maître, le salarié envers le patron, l'ouaille envers son berger, le soldat envers l'officier, l'administré envers l'élu, le fonctionnaire…

La personne qui est considérée comme polie est une personne qui se soumet à un code qui lui est imposé et auquel elle n'adhère pas librement. La politesse, du moins lorsqu'elle résulte du respect d'un code, d'une règle, ne participe pas d'un rapport égalitaire mais d'un rapport de domination, pour ne pas dire d'oppression : la politesse est due par le dominant au dominé alors que le dominant n'a aucune obligation d'être poli envers le dominé !

Dans ce contexte, où sont l'harmonie, la convivialité, le respect, la "paix civile"… ?

Si la politesse consiste en des rapports harmonieux de civilité, de convivialité, de respect… il n'y a de politesse véritable que spontanée, libre dans un rapport égalitaire. A défaut, il n'y a qu'hypocrisie dans un rapport inégalitaire de domination-soumission.

Se persuader du contraire et considérer que le dominé est spontanément, librement… poli envers la personne qui exerce à son encontre une autorité, un pouvoir qui le place à son égard dans une situation de domination et, au besoin, de répression, n'est qu'une imposture intellectuelle.

Le salut, le geste, le mot… donnés par obligation, contrainte, peur de la sanction… n'est pas acte de politesse au sens d'aménité, de civilité, de courtoisie, d'élégance, de… respect. Il n'y a là qu'hypocrisie (qui ne connaît pas els embrassades… assassines ?), soumission, renoncement, capitulation… Ou, à défaut, ruse, pour "endormir" le "puissant" afin, le moment venu, le dos tourné", de pouvoir… l'étreindre… mortellement.

De même que l'excès de non racisme n'est qu'une forme hypocrite de racisme qui consiste à humilier l'Autre (qui ne connaît pas la politesse du maître envers son "bon nègre" ?), de même l'excès de politesse du dominant, du… maître n'est que volonté de puissance exercée pour humilier, rabaisser, réduire, assujettir… (Un exemple type est la politesse avec laquelle le machiste réaffirme le statut de dominé des femmes en confortant son statut de… maître).

Si la politesse est le "règlement conventionnel de relations destiné à préserver l'équilibre – et donc la parité, l'égalité – des parties ainsi mises en relation", alors il n'y a de véritable politesse que dans des rapports égaux, librement consentis et noués sous le sceau de la fraternité.

La liberté de conscience et la liberté d'expression, en tant qu'éléments constitutifs de ma liberté individuelle, essencielle, c'est-à-dire de ma Liberté comme essence même de mon… humanité, me "donnent le droit de blasphémer" comme celui d'être… impoli. Humain et donc doté de cette liberté essencielle, je revendique la liberté d'être… impoli ou poli, selon mon seul gré, en fonction, non du statut mais de la personnalité, strictement… individuelle et absolument… unique, de la personne avec laquelle, ponctuellement ou durablement, je noue une relation, que celle-ci soit publique ou privée, sociale ou personnelle. Et j'en assume pleinement les conséquences, préférant être considéré comme un impoli, un "vaurien" (une personne qui "ne vaut rien"), un mécréant, un "sauvageon", un incivile, un rustre, un grossier personnage, un insoumis… que de me coucher, par hypocrisie ou peur, devant qui que ce soit, sauf à jouer de la ruse comme déguisement social d'une intention… "malhonnête".

La liberté ne se marchande pas : elle est absolue ou n'est pas. Une liberté entravée, réduite, contrôlée, amputée, mesurée, surveillée, autorisée, accordée… n'est pas la Liberté : elle n'est qu'une… franchise concédée qui, à tout moment, peut être retirée, supprimée.

Si d'aucuns estiment que la politesse est un "art de vivre" en société, autrement dit dans un cadre de relations inégalitaires et sans véritable fondement libertaire, en dehors de toute fraternité et en pure hypocrisie, alors, je considère et affirme que l'impolitesse est un acte de liberté, un acte de révolte contre la politesse que l'on veut imposer, contraindre, un acte d'indépendance, d'autonomie, d'émancipation, d'affirmation de soi contre une norme aliénante qui scelle le renoncement à soi au profit de la soumission.

Par ailleurs, est-il besoin de rappeler que les sociétés humaines étant multiples, il n'y a pas une politesse universelle mais des politesses (et donc des… impolitesses) qui varient dans le temps et dans l'espace.

Se plier, se soumettre à UNE politesse qui n'est "vraie" – que parce que… dominante – que dans un espace et un temps donnés, c'est, ipso facto, adhérer à autant d'impolitesses qu'il y a d'autres espaces et temps donnés.

La politesse dominante d'un espace et d'un temps donnés qui se veut norme universelle, en tous espaces et temps, en recourant, au besoin, par la contrainte des armes, des sectes, religieuses ou politiques, de la morale, des médias, de l'argent… n'est rien d'autre qu'une tyrannie universelle, une hégémonie totalitaire.

Si la politesse est bien, comme je le pense intimement, la marque de déférence que le dominé doit sans cesse prodiguer au dominant, la norme de comportement, de conduite, de pensée… que le dominant impose au dominé, alors, l'impolitesse, même si elle n'est que ruse du faible, acte de désespoir, et non acte réfléchi, posé, mesuré, revendiqué de refus, de révolte, d'affirmation, de revendication…, parce qu'elle met l'individu qui l'assume hors la Loi (qu'elle soit morale ou pénale), est un acte éthique, philosophique, voire politique qui oppose l'Un au troupeau, l'Unique à l'ectoplasme décérébré, amorphe, atone, incolore… et constitue l'impoli dans son essence : l'Humanité.

10/07/08 http://pagesperso-orange.fr/jccabanel/mt_reflexions_impolies_sur_la_politesse.htm


pour ce qui concerne les lois et voltaire, tu affirmes que voltaire remet en cause toutes les lois... de par cette phrase : " Il vaudrait mieux n'avoir point de lois et n'écouter que la nature qui a gravé dans nos cœurs les caractères du juste et de l'injuste que de soumettre la société à des lois si insociables." ; et tu rajoutes malhonnetement "[donc point d'élus pour les voter]", ce qui est hors contexte et hors propos de l'écrit de voltaire qui est un monarchiste absolutiste (et donc rien à voir avec l'anarchisme). ceci, sur une seule phrase, tu sembles ne pas vraiment connaitre l'oeuvre de voltaire malgré ce que tu veux prétendre... Alors puisque tu ne comprends pas, je traduis : "Il vaudrait mieux PAS X et n'écouter que Y que de soumettre la société à X." ; étant entendu (lorsqu'on connait un minimum les écrits de arouet) que Y signifie les lois que voltaire entend être meilleure (les lois naturelles du coeur :) ).

Pour ta reflexion personnelle, quelques exemples de propos voltairien sur la/les lois :

- "La théocratie devrait être partout; car tout homme, ou prince, ou batelier, doit obéir aux lois naturelles et éternelles que Dieu lui a données."
- "Il m’a paru que la plupart des hommes ont reçu de la nature assez de sens commun pour faire des lois, mais que tout le monde n’a pas assez de justice pour faire de bonnes lois."
- "Il est difficile qu’il y ait une seule nation qui vive sous de bonnes lois"
- "Voulez-vous avoir de bonnes lois; brûlez les vôtres, et faites-en de nouvelles."
- "je vois déjà des lois douces et sages établies par un roi bienfaisant [...] Je ne vois dans ces lois rien que de doux, d’utile et d’agréable. "
- "Nous ressemblons plus aux singes qu’à aucun autre animal par le don de l’imitation, par la légèreté de nos idées, et par notre inconstance, qui ne nous a jamais permis d’avoir des lois uniformes et durables."
- "les lois ont été faites à mesure, selon les temps, les lieux, les besoins, etc."
- "la loi qui donne tout le fief à l’aîné est fort bonne dans un temps d’anarchie et de pillage. "
- "Que toute loi soit claire, uniforme et précise: l’interpréter, c’est presque toujours la corrompre."
- "Il est si aisé d’opposer le frein des lois à la cupidité et à l’orgueil des nouveaux parvenus, de fixer l’étendue des terrains roturiers qu’ils peuvent acheter, de leur interdire l’acquisition des grandes terres seigneuriales"
- "Note 31 : Ces deux dernières lois seraient injustes. Mais si on voulait s’opposer à la trop grande inégalité des richesses, et qu’on n’eût ni assez de courage, ni une politique assez éclairée pour abolir absolument les substitutions et les droits d’aînesse, on pourrait restreindre ce privilège aux fiefs possédés par la noblesse ancienne ou titrée. Ce serait du moins agir conséquemment, d’après un principe vicieux à la vérité, celui de favoriser les distinctions entre les États."
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Re: Voltaire l'honnête

Messagepar apar » Mardi 08 Déc 2009 9:25

Le point de vue des trotskystes semble vraiment t'intéresser...

Tu as essayé de faire rentrer voltaire dans la pensée anarchiste, je t'ai contredis, et tu as évolué et reculé par rapport à tes positions initiales (si tu insistes, je te fais un petit historique!). il n'y a vraiment pas eus de débat contradictoire au sujet de voltaire ?! allo ??

Voltaire énonce le capitalisme libéral... certains ayant uniquement des bras à vendre (prolétaires), d'autres achetant des bras du fait de la possession de propriété... bon, aller je te laisse avec voltaire que tu sembles tant apprécier, et vouloir défendre contre vents et marées... l'honnêteté partisane...
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Mardi 08 Déc 2009 10:59

J'ai précisé un peu tard que le titre était un raccourci abusif mais je n'ai pas l'impression que ce qui est dit dans mon texte initial ait été remis en question.
En fait, je ne comprends pas trop ta vision de tenir des "positions", d'avancer, de reculer. Je te dis depuis le début que je n'ai envie ni de juger ni de défendre Voltaire ou son œuvre et que tout cela me gêne.

Tu me traduis la dernière citation de mon texte initial:

"Il vaudrait mieux PAS X et n'écouter que Y que de soumettre la société à X." ; étant entendu (lorsqu'on connait un minimum les écrits de arouet) que Y signifie les lois que voltaire entend être meilleure (les lois naturelles du cœur :) ).


Et bien je suis d'accord avec toi et à ce sujet, je te cite Buenaventura Durruti:

« Nous n’avons pas le moins du monde peur des ruines. Nous allons hériter de la terre. La bourgeoisie peut bien faire sauter et démolir son monde à elle avant de quitter la scène de l’Histoire. Nous portons un monde nouveau, là, dans nos cœurs et ce monde grandit en cette minute même »

Comment ne pas entendre l'écho de Durruti dans cet appel à transformer l'édifice des lois en ruines et n'écouter que la justice gravée dans nos cœurs ?

C'est bien aimable de t'enquérir de ma réflexion personnelle et de me proposer toute cette liste de citations, il est vrai comme disait Rousseau que "l'ignorant ne sait pas même de quoi s'enquérir" mais je ne vois pas trop où tu veux en venir, je ne vais pas commenter une par une chacune de ces citations! Toi d'abord!

Enfin tu dis:
Voltaire énonce le capitalisme libéral... certains ayant uniquement des bras à vendre (prolétaires), d'autres achetant des bras du fait de la possession de propriété


J'ajouterais qu'il le fait avant l'heure, un siècle avant Marx! De mon point de vue, cela en fait plus un génie visionnaire qu'un bourgeois jésuite.

Le libéralisme se caractérise par l'absence de pensée et la croyance aveugle dans les lois du marché sensées régler tous les problèmes du monde comme par magie. J'ai reconnu que certains propos de Voltaire pouvaient être très cyniques et que je n'avais aucune envie de les défendre mais je ne comprends pas en quoi sa philosophie se fond dans le libéralisme, je pense même qu'aucune philosophie ne peut se fondre dans celui-ci puisque le philosophe (à moins de cesser de l'être ) se doit de penser et donc de contredire l'économiste, ce dernier étant un con dangereux comme nous pouvons le percevoir chaque jour davantage.
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Re: Voltaire le libéral

Messagepar apar » Mardi 08 Déc 2009 23:14

bon... passons...

les citations de voltaire sur les lois avaient comme but de montrer en quoi il n'est pas contre les lois, et qu'il "rejet[te] des lois comme un appel à d'autres lois"[1] ; que ces "lois naturelles" sont autant imprégnées d'autoritarisme et d'absolutisme que celles qu'il combat... provenant de "Dieu" (pour défendre la théocratie [2]) ou de la bourgeoisie (pour défendre ses interets proprietariste [3]).

Le libéralisme historiquement nait en espagne vers 1810, donc mettre voltaire comme libéral peut paraitre absurde, mais pourtant ce qu'il défendait est la naissance de l'Etat moderne, de l'Etat de droit (propriété, etc) qui sera la qualité initiale du libéralisme. En europe, l'économisme libéral (bien que déjà présent) s'est imposé plus tard, il me semble... m'enfin, voltaire croit déjà quand même un peu à la magie du marché du travail/capital [4].

[1] "Voulez-vous avoir de bonnes lois; brûlez les vôtres, et faites-en de nouvelles."
[2] "La théocratie devrait être partout; car tout homme, ou prince, ou batelier, doit obéir aux lois naturelles et éternelles que Dieu lui a données."
[3] "Il est si aisé d’opposer le frein des lois à la cupidité et à l’orgueil des nouveaux parvenus, de fixer l’étendue des terrains roturiers qu’ils peuvent acheter, de leur interdire l’acquisition des grandes terres seigneuriales"
[4] "On a besoin d’hommes qui n’aient que leurs bras et de la bonne volonté. Mais ces hommes mêmes, qui semblent le rebut de la fortune, participeront au bonheur des autres. Ils seront libres de vendre leur travail à qui voudra le mieux payer. Cette liberté leur tiendra lieu de propriété. L’espérance certaine d’un juste salaire les soutiendra"
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Re: Voltaire l'anarchiste

Messagepar anarced » Mercredi 09 Déc 2009 19:42

Je suis peut-être un peu long à la détente mais je comprends enfin où tu veux en venir: Tu penses, contrairement à moi, que Voltaire ne veut pas tant annihiler les lois que leur substituer d'autres lois. Autrement dit, là où je vois un anti-dogmatisme précurseur de l'anarchisme, tu vois un dogme de la substitution assimilable à celui des jésuites. Il y a donc contradiction de nos points de vue et je continue à défendre le mien:

Pour défendre ta thèse, tu cites d'abord un extrait du dictionnaire philosophique dans lequel il explique que pour avoir de bonnes lois, il faut brûler les siennes et en faire de nouvelles:

« Voulez-vous avoir de bonnes lois; brûlez les vôtres, et faites-en de nouvelles. »


D'accord! Mais si on veut maintenant que ces nouvelles lois soient bonnes, alors il faut bien les brûler encore et encore, non ? La précision manque, on peut le reprocher, on peut le regretter aussi mais de là à en faire un jésuite, c'est aller un peu vite en besogne.

Ensuite, tu me dis qu'il défend la théocratie, c'est à dire les lois provenant de Dieu, en t'appuyant sur un autre extrait du dictionnaire philosophique:

La théocratie devrait être partout; car tout homme, ou prince, ou batelier, doit obéir aux lois naturelles et éternelles que Dieu lui a données.


Le problème ici est de comprendre ce qu'il entend par « Dieu »! Sans expliciter plus ce dont il parle, Voltaire donne (dans la phrase précédente) comme exemple de théocratie la société des premiers Incas où la seule autorité aurait été celle du soleil:
Les premiers Incas, en se disant descendans en droite ligne du soleil, établirent une théocratie; tout se fesait au nom du soleil.


Je trouve tout cela très mystique et pour tout dire incompréhensible mais il me semble que certains guérilléros en Amérique latine continuent à se référer à ce genre de chose.
Il faut dire qu'on touche ici à ce qui reste, aujourd'hui encore, une grande énigme de la philosophie: Peut-on se contenter de nier Dieu? Comment dans ce cas expliquer qu'autant de monde se trompe depuis si longtemps et avec tant de persistance? Il faut bien reconnaître (pour l'instant en tout cas) que les philosophes ayant annoncer sa mort se sont tous gourés. On continue à massacrer en son nom d'un bout à l'autre de la planète, en Irak et en Afghanistan, en Israël et en Palestine, et ailleurs. Combien de génocides ont été commis au nom du christianisme et encore combien d'autres nous attendent?
Je pense que le problème n'est pas de savoir si Dieu existe ou non et s'il convient ou non d'obéir à ses lois mais de trouver comment s'en débarrasser et là, la tâche reste entière.

Tu dis ensuite que Voltaire défend des lois bourgeoises pour défendre ses intérêts propriétaristes et tu cites encore le dictionnaire philosophique:

« Il est si aisé d’opposer le frein des lois à la cupidité et à l’orgueil des nouveaux parvenus, de fixer l’étendue des terrains roturiers qu’ils peuvent acheter, de leur interdire l’acquisition des grandes terres seigneuriales »


Mais dans l'extrait choisi, je comprends au contraire qu'il veut limiter les droits des bourgeois (les « nouveaux parvenus ») en leur opposant des privilèges seigneuriaux. Il précise son idée dans une note en bas de page:

« Ces deux dernières lois seraient injustes. Mais si on voulait s'opposer à la trop grande inégalité des richesses, et qu'on n'eût ni assez de courage, ni une politique assez éclairée pour abolir absolument les substitutions et les droits d'aînesse, on pourrait restreindre ce privilège aux fiefs possédés par la noblesse ancienne ou titrée. Ce serait du moins agir conséquemment, d'après un principe vicieux à la vérité, celui de favoriser les distinctions entre les états. »


Tout en reconnaissant que le principe est « vicieux à la vérité », Voltaire prend ici le parti de l'aristocratie contre la bourgeoisie pour s'opposer à la trop grande inégalité des richesses qu'impliquera la cupidité et l'orgueil des bourgeois. Il ne s'agit pas d'aduler l'aristocratie mais simplement de constater que la bourgeoisie lui est encore pire.

On retrouve aussi cette idée chez Proudhon (De la Capacité Politique des Classes Ouvrières):

« aussi pleine de dédain pour le prolétariat que la noblesse le fut jamais pour la roture, la bourgeoisie a perdu tout caractère : ce n'est plus une classe, puissante par le nombre, le travail et le génie, qui veut et qui pense, qui produit et qui raisonne, qui commande et qui gouverne ; c'est une minorité qui trafique, qui spécule, qui agiote, une cohue. »


On retrouve encore la même idée dans sa critique de la démocratie bourgeoise, cette « tyrannie de la majorité », la « plus exécrable de toute », qui ne se fonde sur rien, ni noblesse, ni prérogative du talent, qui utilise et encourage même, les préjugés et l'ignorance de la multitude. De l'élection d'Hitler en Allemagne au dernier référendum sur les minarets en Suisse, les exemples historiques lui donnant raison abondent.

Pour ce qui est de la quatrième citation, Voltaire énonce effectivement les fondements de la société capitaliste et même le salariat.

« On a besoin d’hommes qui n’aient que leurs bras et de la bonne volonté. Mais ces hommes mêmes, qui semblent le rebut de la fortune, participeront au bonheur des autres. Ils seront libres de vendre leur travail à qui voudra le mieux payer. Cette liberté leur tiendra lieu de propriété. L’espérance certaine d’un juste salaire les soutiendra »


Je ne pense pas en revanche qu'il soit responsable de l'établissement de cette société qu'il ne voyait que poindre à l'horizon, ni même qu'il la souhaitait étant donné sa méfiance vis à vis de la bourgeoisie. Si on veut l'accuser de quelque chose, c'est à la rigueur de ne pas avoir penser déjà à sa destruction mais il fallait bien qu'il nous laisse un peu de travail...
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