CRISE ECONOMIQUE ET TRANSFORMATION SOCIALE

Les courants, les théoriciens, les actes...

CRISE ECONOMIQUE ET TRANSFORMATION SOCIALE

Messagepar AnarSonore » Mercredi 20 Mai 2009 22:40

A travers la crise financière, ce qui est aujourd’hui pulvérisé, c’est le mythe d’une économie entièrement autorégulée, obéissant à ses lois propres, scientifiques donc indiscutables et inaccessibles pour le commun des mortels. Les oligar-chies proclament maintenant que les mesures exceptionnelles qu’elle prennent vont nous sauver de l’effondrement plané-taire : elles font semblant de découvrir des pouvoirs de décision politique qu’hier encore elles présentaient comme in-concevables. Une ère nouvelle s’ouvre, où les populations, peuvent reprendre l’initiative et se réapproprier l’organisation et les finalités de leurs propres sociétés. Remettre l’économie à sa vraie place en la rendant dépendante des choix politiques - quoi produire, et comment -, est l’une des premières tâches d’une société qui se donnerait ses propres lois et dont la gestion ne serait pas confiée à une catégorie sociale particulière.

Un vent de panique souffle sur la planète. La crise financière partie des Etats-Unis à partir de l’été 2007 s’est étendue progressi-vement à toutes les régions du globe. Depuis septembre, elle est de-venue la crise économique mondiale sans doute la plus grave depuis 1929 : la récession se répand, laissant planer le spectre d’un effon-drement qui n’épargnera pas les pays les plus riches. Les dirigeants du monde entier, qui ne dirigent plus rien depuis longtemps, tentent de maintenir tant bien que mal les apparences. Et les populations, habituées à une perspective de consommation toujours accrue, refu-sent de croire que la catastrophe est là - et attendent la suite. Le déla-brement de nos sociétés, en cours depuis des décennies, s’accélère subitement : la crise prend de l’ampleur et atteint des seuils de rup-ture qui étaient prévus depuis longtemps par les esprits les plus lucides.

C’est la banqueroute du grand casino planétaire qu’était devenue l’économie mondiale. Sous une rhétorique pseudo-libérale, les gouvernements successifs mettaient en place depuis trente ans un ordre mondial où les cartels, les maffias et les clans rè-gnent sans partage pour soumettre les ressources humaines et natu-relles de la planète à leur volonté de puissance, multipliant les profits à court terme, faisant des bénéfices sur des bénéfices à venir, eux-mêmes reposant sur d’autres anticipations. L’équilibre instable de la croissance planétaire, qu’on disait régie par une « Science Economi-que » rigoureuse, ne reposait en fin de compte que sur la confiance que le petit monde fermé des oligarques avait dans le jeu de son voi-sin : mais le jeu de chacun n’était qu’un énorme bluff et cela débou-che aujourd’hui sur un sauve-qui-peut général que les Etats qui le peuvent tentent d’endiguer à coup de centaines de milliards de dol-lars : les dogmes qui maintenaient ce système inique en place sont renvoyés à leur insignifiance. Il suffirait peut-être qu’un peuple se dresse pour que cesse cette marche suicidaire.

Les populations, atterrées, assistent à tout cela, mais pour l’instant s’en remettent encore et toujours, malgré tout, aux irres-ponsables, élus ou non, représentants d’un système qui semble le « moins pire », le seul possible, mais surtout le seul existant. Pour l’instant, les seules perspectives semblent être de « sauver le sys-tème », coûte que coûte, pour s’y maintenir ou dans l’espoir d’y trouver un jour sa place. Depuis l’effondrement du sinistre bloc de l’Est – qui, loin de porter remède aux principales tares du monde Occidental, les reprenait sous d’autres formes en y ajoutant d’autres particulièrement repoussantes -, chacun se considère condamné à vi-vre dans un monde qui permet un confort matériel certain, du moins pour quelques-uns et pendant encore quelque temps peut-être, tout en sachant qu’il nous condamne tous à plus ou moins longue échéance. Dans une Europe qui avait pourtant connu des révolu-tions, cette résignation face au désordre organisé date au moins de l’après-guerre : en se retirant progressivement de la vie politique der-rière les remparts en carton de la vie privée, chacun s’est pensé à l’abri de la fureur du monde. Mais avec le déclin du mouvement ouvrier et des luttes d’émancipation, les mécanismes capitalistes ont perdu tout contact avec la réalité : la folie du profit sans bornes, le délire d’accumulation sans fin et la fuite en avant techno-scientifique n’ont plus de limites. Nos sociétés sont dès lors appelées à vivre crise sur crise : il appartient à tous ceux qui n’ont plus aucune illusion sur le degré de corruption, d’irresponsabilité et de veulerie des cliques dirigeantes de reprendre l’initiative et d’affronter les enjeux de l’époque.

Car cette crise est loin d’être seulement économique : il s’agit d’une situation de délabrement global. Nous avons à combattre la quête démentielle de puissance qui asservit toutes les sphères de l’existence, sans qu’aucune classe, ou couche ou groupe de la société ne soit épargné. Face au conformisme, au cynisme, au nihilisme et à la fuite dans le divertissement dégradant, il faut affron-ter des crises multiples : pénuries alimentaires mondiales, risques sa-nitaires incontrôlés, dérèglements climatiques et écologiques, raré-faction prévisible des énergies fossiles, l’enlaidissement continu du monde, l’érosion des cultures, des valeurs, du langage. L’oligarchie régnante ne peut continuer à imposer ses intérêts privés et infantiles à tous les domaines de la vie sociale que dans la mesure où nous ac-ceptons le modèle dominant d’individu social : celui pour qui ni la vie en société, ni la vie individuelle, ni la vie tout court, ne semblent valoir la peine que l’on se batte pour leur donner un sens. Il est temps qu’une volonté populaire de vivre ensemble s’exprime de toute sa force et invente, partout, une organisation sociale enfin digne d’être aimée.

L’avenir est incertain, peut-être plus que jamais, et il semble que tout peut rapidement basculer. Sous la pression des luttes socia-les qui ne manqueront pas de se produire, les gouvernements vont essayer par tous les moyens de rétablir le cadre d’une société de consommation, fût-ce en reconstruisant un Etat-providence. Mais tout porte à croire qu’il s’agira d’un bricolage précaire : l’économie mondialisée a fait voler en éclats les frontières nationales, privant tout les états, mêmes protectionnistes, de toute prise réelle sur leur économie, leur monnaie, leur commerce. Une politique conséquente en ce sens devrait être menée à une échelle internationale, issue que l’immaturité européenne et les tensions croissantes entre grands blocs continentaux rendent improbables, peut-être pour longtemps. Tout au contraire, le basculement géopolitique qui s’opère au détri-ment du pôle occidental et principalement en faveur de la Chine, par l’intermédiaire d’une multitude de points de frictions, fait redouter une sortie de crise telle qu’elle s’était opérée après la crise des années 30 : sinon par la guerre mondiale, du moins par des conflits plus ou moins violents entre Etats ou groupes d’Etats. Mais le principal obs-tacle à un redémarrage conséquent et durable de l’économie se trouve ailleurs : dans l’épuisement, maintenant évident, des ressour-ces naturelles et principalement du pétrole, engendré par la civilisa-tion industrielle et la croissance démographique. C’est la base de l’essor économique de l’Occident depuis plusieurs siècles qui au-jourd’hui se raréfie, interdisant tout retour à ce que fut en France la période faste des Trente glorieuses. Dans ces conditions, l’inévitable rationnement des populations risque de s’appuyer sur le seul dis-cours aujourd’hui capable de faire marcher au pas n’importe qui : l’écologie. Il est évident qu’une instrumentalisation idéologique de ce type peut être un paravent qui permettrait d’introduire un ordre autoritaire et technocratique culpabilisant les populations sous pré-texte de les protéger face aux inévitables cataclysmes à venir.

L’Histoire, loin d’être terminée, continue et les peuples du monde peuvent en redevenir les acteurs principaux et cesser d’être des machines à remplir des urnes ou de la chair à canon entre les mains des minorités dominantes. Face à l’appauvrissement croissant qui s’opère, les gens s’inquiètent, s’informent, discutent, se mobili-sent et tentent de reconstituer un peuple dans les univers atomisés et anomiques des métropoles. Il est possible de transformer cette crise économique en crise politique, et d’abord en retrouvant des compor-tements élémentaires : tenir pour acquis que les oligarques ne se maintiennent a pouvoir que par la passivité de l’ensemble de la po-pulation ; refuser d’attendre grand-chose des mascarades électora-les ; contredire systématiquement les discours politicards ou savants en rappelant simplement à ceux qui les tiennent ce qu’ils disaient hier ; essayer, par tous les moyens, d’accompagner le réveil histori-que et l’invention d’une société décente. En eux-mêmes, luttes et mouvements d’émancipation sont toujours à la fois des forces de transformation sociale et des facteurs de conservation, car ils forcent les pouvoirs en place à revenir au réel et à s’adapter en mettant un frein à leurs excès tout en détournant et déformant les exigences ex-primées. Tant que le système survivra, tout mouvement est d’une fa-çon ou d’une autre récupéré par lui. Mais il est toujours possible de s’inspirer de ce que le passé de ces mouvements a donné de meilleur pour créer de nouvelles formes d’action.

Ca et là, déjà, réapparaissent des formes de luttes radicales qui mettent en pratique une organisation par la base, horizontale. Les bureaucraties politiques, syndicales et associatives peuvent parfois servir de ferment mais sont rigoureusement incapables d’incarner les changements qui s’imposent : elles servent de frein dérisoire à un moteur qui s’emballe. Il s’agit alors de poser nos propres modes d’action et d’assumer nous-mêmes la parole de notre combat : cela ne peut se faire qu’en court-circuitant les hiérarchies, les discours tout faits, les vieilles routines. Il faut, à l’opposé, un cadre où chacun dé-cide parce que tous sont concernés : tout délégué, éventuellement tiré au sort, ne reçoit que des mandats impératifs et révocables, pour veiller ainsi à ce que ne se forme pas une couche de représentants inamovibles qui ne tarderont pas à faire valoir leurs propres intérêts, ou à être achetés ou neutralisés. Les délibérations et les décisions sont prises en assemblée générale souveraine, organe de base favo-risant l’implication croissante de tous. Toutes les tâches, individuel-les ou collectives, visent à être les plus tournantes possibles afin que ne renaisse pas au sein du mouvement des monopoles, des fiefs, des experts indiscutables. Cette auto-organisation des luttes est la mise en place d’une véritable démocratie directe : on retrouve ce fonc-tionnement, articulé à une échelle nationale à chaque épisode révolu-tionnaire, c’est-à-dire à chaque fois que la population a pris en main ses propres affaires.

Nos propres affaires, c’est aussi ce que nous produisons et ce que nous consommons, et comment. Les solutions marxistes restent prisonnières de l’imaginaire capitaliste : tout n’est qu’économie, pouvoir d’achat et quête d’abondance, alors qu’il est question au-jourd’hui de définir ce dont nous avons réellement besoin. Au-jourd’hui, une production en dernier ressort destructrice propose des biens dont l’intérêt est parfois discutable et souvent nul à des consommateurs chez qui l’on créé systématiquement de nouveaux besoins. En entretenant la peur du manque et la peur de l’autre, la société actuelle nous entraîne dans une course où, perpétuellement déçus, nous comblons l’angoisse par l’achat, encore et encore. Mais il est possible de poser la question du travail en renversant cet ordre aberrant : nous devons définir nous-mêmes, collectivement, en fonc-tion des contraintes humaines et environnementales, ce dont nous avons besoin, puis produire des biens et des services durables en fonction de ces besoins. Il ne s’agit pas de s’imposer une frugalité maladive, mais de conquérir la maîtrise de nos vies, de notre travail, de notre quotidien et de nos ressources, en posant la question même du sens de notre vie, question que l’accumulation d’objets, mar-chandises et gadgets rend proprement impensable.

Face aux éventuels dangers qui nous menacent, il ne faut céder à aucun chantage à la catastrophe économique, sanitaire ou écologique qui servirait avant tout à maintenir en place une oli-garchie bureaucratique arrogante et prédatrice aux moyens exorbi-tants. Le souci de solidarité avec les pays moins développés, la né-cessité de gérer raisonnablement les richesses naturelles ou la volonté de changer de modes de vie ne sauraient servir de justification à des restrictions et des rationnements qui ne seront toujours bons que pour quelques-uns, selon leur place dans la hiérarchie des revenus et des pouvoirs. Nous sommes tous sur le même bateau. Il y a donc à formuler, partout une exigence première d’égalité des revenus, une même capacité de consommation pour tous. La difficulté à faire en-tendre la nécessité de la réalisation d’un tel objectif tient essentielle-ment au fait qu’il oblige à s’extraire des camisoles mentales capita-listes : en supprimant l’appât du gain comme motivation essentielle dans la vie des hommes, c’est le principe même de la course folle dans laquelle nous sommes tous entraînés qui disparaît : s’ouvre alors, seulement, la possibilité d’inventer ensemble une société hu-maine, juste et écologique.

Le petit monde des gestionnaires professionnels des affaires sociales s’est totalement discrédité de lui-même ; il n’est en-core en place aujourd’hui que par l’indifférence générale qu’il a su entretenir dans la populations depuis des décennies. L’effondrement de tout ce qui justifiait jusqu’ici son emprise doit résonner comme un appel à la responsabilité et au cou-rage politiques.. Il est temps de renouer avec l’héritage enfoui de siècles d’émancipation, de tirer les leçons des erreurs historiques et de tracer des perspectives claires pour l’invention d’un monde vivable. Rien, ni personne, ne peut empê-cher les hommes, s’ils le veulent, de faire leur histoire - et rien, ni personne, ne peut le faire à leur place.

Lieux Communs, 1er mai 2009, lieuxcommuns@gmx.fr

source : http://www.magmaweb.fr/spip/spip.php?article118
PDF : http://www.magmaweb.fr/spip/IMG/pdf_Tra ... omique.pdf
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Re: CRISE ECONOMIQUE ET TRANSFORMATION SOCIALE

Messagepar AnarSonore » Samedi 30 Mai 2009 23:41

Quelques réflexions intéressantes sur ce tract qui ont circulé sur une liste de discussion:

Bonjour [...],

Je ne sais pas [qui est] l’auteur de ce tract, mais bien des choses appellent à réflexion.
Que les solutions marxistes restent prisonnières de l’imaginaire capitaliste, c’est extrêmement vrai et cela doit être dit.
De même le grand mensonge actuel, où tous les politiques clamant que la crise est financière, économique, sociale et écologique... mais en aucune façon politique!
Le seul groupe social à n’être pas en crise, à les entendre,ce sont eux...
Or, plus que jamais, et en premier lieu, la crise est politique, justement.
Ce qui appelle que tous les référents, critères et usages du politique aient à être repensés, recréés.
On ne peut plus même appeler le politique à réguler l’économie, à se la “soumettre”, car le premier est devenu un simple pseudopode de la seconde: si la crise est globale, c’est justement parce que partout, d’abord et avant tout, le politique est en crise...

Le passage sur l’auto-organisation est très bien, parce qu’il décrit enfin de façon précise et concrète l’exercice de prises de décisions directes qui ne soit pas médiatisé par le pouvoir d’élus “représentatifs”.

En revanche, encore une fois, il faut se méfier de nous-mêmes lorsque nous sommes tentés, à notre tour, de céder à l’exemple de la gestion actuelle en appelant à “définir nos besoins” afin d’y adapter ensuite les productions.
Je pense que c’est ici l’une des plus grosses pierres de touche qui peut faire capoter toute tentative d’autonomie: définir et légiférer, de manière hétéronome (morale, etc.) les “besoins”, alors qu’on est, en général, individuellement incapables de faire la différence entre ce qui relève en nous du besoin, et ce qui relève du désir.
La satisfaction du désir étant, elle aussi, un besoin...
Jamais une société autonome n’obtiendra un consensus sur une définition prédéterminée des “besoins”.
L’autonomie ne peut consister à remplacer une détermination imposée (ou un ensemble de déterminations) par une autre.
L’idée de “définir nous-mêmes nos besoins” n’est que rhétorique. En réalité, une telle définition ne peut relever, dans les faits, que d’une nouvelle hétéronomie: si l’on y cède, c’est toute la production millénaire des artefacts humains qui s’y retrouve soumise, et cela n’est pas viable.
Cette production doit rester ouverte (je parle ici sur un plan strictement anthropologique).
Outre qu’on ne voit pas comment s’obtiendrait une telle définition des besoins, sinon qu’elle soit imposée par la force d’un quelconque ayatollah local (personne ne m’obligera à bouffer du tofu à la place du foie gras, si on peut en fabriquer à partir de foies clonés).
Les artefacts (y compris le foie gras, je grossis le trait exprès) sont de la culture, ils portent du sens, ils portent une histoire.
Ce qui doit changer, c’est notre rapport aux artefacts: non plus consumériste, mais, d’une certaine manière, esthétique. Non plus régi par l’alimentaire, mais friand du goût.
Il est facile à qui ne manque pas de tout de disserter sur les besoins des autres, dès lors qu’on disserte sur ce qui serait un “concept” politique du besoin (concept totalement invalide en l’occurrence, et infiniment dangereux, comme le serait un “concept” politique du désir). Or, nous ne savons pas ce que sont nos besoins.
Précisément parce que le capitalisme se les a, depuis plus de deux siècles, aliénés. Il a aliéné nos besoins au chantage alimentaire. On ne peut rester dans l’alimentaire.
Mais nous ne pouvons pas, non plus, revenir en arrière et rayer ce que la culture et l’imagination des hommes, réactives et parallèles à cette exploitation, ont forgé.

Si notre réflexion politique parvient à exclure (en théorie comme en fait) les prébendes liées aux fonctions régaliennes (finance, armée, état et représentation), alors nous nous retrouverons devant un espace ( en termes de ressources autant qu’en termes de potentialités) considérablement libéré et disponible, qui rend possible la liberté des besoins dans leur ajustement mutuel. Tout au plus pourrons-nous nous entendre sur ce dont nous n’avons pas besoin.
Moi je sais très bien que ma liberté n’a pas besoin d’argent et de banques, d’armes et d’armées, de politiciens véreux, de produits de merde ni de posséder mon “sam’suffit”.
Rien qu’un monde déjà sans ça, ça me ravirait...
Je dis bien “ma liberté”, car la plupart des gens qui lisent “il faut définir nos besoins” dans les tracts ne prennent pas cela au sérieux, et avec quelque raison: chacun pense alors simultanément à ce dont le marché l’inonde, certes, mais à sa liberté aussi: le plus pressant “besoin” qu’expriment les plus pauvres dans le monde, c’est l’accès à l’école.
Dès que l’on se veut, s’espère, “hors du besoin”, on ne peut penser le besoin que dans la liberté.
Si l’on veut forger le projet d’une société autonome, il faut penser ensemble “besoin et liberté”. Le capitalisme l’a pensé d’une manière vicieuse, perverse et néfaste. Il nous faut penser cet indéfectible couple autrement. Une société autonome qui n’aurait pas la liberté de créer ses besoins serait un non-sens...

La plupart des sociétés qu’on appelle “primitives” fixaient comme horizon-limite, justement, une gestion des besoins qui s’est, dans la plupart des cas, constituée en code.
On ne sait pas ce que ces sociétés auraient pu produire comme industries et innovations susceptibles de faire évoluer ces codes, pour la bonne raison que l’occident les a massacrées ou, au mieux, colonisées. Tout aussi bien il était possible d’engager une évolution partagée, non-violente et coopératrice, à laquelle, d’ailleurs, la plupart de ces sociétés étaient ouvertes et dont elles étaient désireuses, compte tenu de l’isolement dans lequel leur environnement naturel les clôturait (notamment lorsqu’il associait à la continentalité un climat extrême: les sociétés les plus productrices d’artefacts furent toutes issues de régions ouvertes sur la mer et, par elle, aux échanges).

Si une législation abstraite et hétéronome de présupposés “besoins” limite la production et surtout l’innovation d’artefacts, alors toute autonomie est morte.

Je préparais justement un texte à ce sujet, que j’avais laissé de côté – je vais m’y remettre, quoi que j’en ai beaucoup repris de points ici, mais enfin cela le fera évoluer.

Amitiés,
Anne
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Re: CRISE ECONOMIQUE ET TRANSFORMATION SOCIALE

Messagepar lucien » Dimanche 31 Mai 2009 10:18

C'est juste. Notre recherche d'autonomie ne saurait appeler à l'autogestion sans nous interroger sur la nature de la production (il est possible d'autogérer des usines d'armement) mais de là à fixer les "besoins" pour autrui... On en revient au débat sur l'économicisme et la gestion.

Sur la question des artefacts, l'accent est mis sur l'alimentaire mais je suppose qu'ils concernent d'autres domaines. J'ai parfois eu l'impression d'y voir une défense des traditions.
Le monde ne se compose pas d'anges révolutionnaires, de travailleurs généreux d'une part, de diables réactionnaires et de capitalistes cupides de l'autre.
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