Malatesta sur le syndicalisme

Les courants, les théoriciens, les actes...

Malatesta sur le syndicalisme

Messagepar Dan » Dimanche 01 Juin 2008 17:32

syndicalisme et insurrection armée

Voici la critique radicale du syndicalisme exposée par Malatesta, au congrès tenu à Amiens en 1906 par la CGT (alors toute neuve et notamment créée par un grand nombre d'anarchistes), doublée d'un appel à l'insurrection armée :

Même s'il se corse de l'épithète bien inutile de révolutionnaire, le syndicalisme n'est et ne sera jamais qu'un mouvement légalitaire et conservateur, sans autre but accessible -et encore !- que l'amélioration des conditions de travail.

Aux Etats-Unis, ces unions ouvrières sont devenues, à mesure qu'elles croissaient en force et en richesse, des organisations nettement conservatrices, uniquement occupées à faire de leurs membres des privilégiés dans l'usine, l'atelier ou la mine et beaucoup moins hostiles au capitalisme patronal qu'aux ouvriers non organisés, à ce prolétariat en haillon flétri par la social-démocratie ! Or à ce prolétariat toujours croissant de sans-travail, qui ne compte pas pour le syndicalisme, ou plutôt qui ne compte pour lui que comme obstacle, nous ne pouvons pas l'oublier, nous autres anarchistes, et nous devons le défendre parce qu'il est le pire des souffrants.

Pourtant, je le répète : il faut que les anarchistes aillent dans les unions ouvrières. Mais nous devons y aller pour réagir énergiquement contre cet état d'esprit détestable qui incline les syndicats à ne défendre que des intérêts particuliers. (...)

Pourtant, parmi les prolétaires, la solidarité morale est possible, à défaut de la solidarité économique. Les ouvriers qui se cantonnent dans la défense de leurs intérêts corporatifs ne la connaîtront pas, mais elle naîtra du jour où une volonté commune de transformation sociale aurait fait d'eux des hommes nouveaux. (...)

Que l'action syndicale comporte des dangers, c'est ce qu'il ne faut plus songer à nier. Le plus grand de ces dangers est certainement, dans l'acceptation par le militant de fonctions syndicales, surtout quand celles-ci sont rémunérées. (...) Le fonctionnaire est dans le mouvement ouvrier un danger qui n'est comparable qu'au parlementarisme : l'un et l'autre mènent à la corruption et de la corruption à la mort, il n'y a pas loin !

La grève générale, certes...mais elle ne rend pas inutile l'insurrection armée.

Et maintenant, passons à la grève générale. Pour moi, j'en accepte le principe que je propage tant que je puis depuis des années. La grève générale m'a toujours paru un moyen excellent pour ouvrir à la révolution sociale. Toutefois, gardons-nous bien de tomber dans l'illusion néfaste qu'avec la grève générale, l'insurrection armée devient une superfétation. On prétend qu'en arrêtant la production, les ouvriers en quelques jours affameront la bourgeoisie qui, crevant de faim, sera bien obligée de capituler. Je ne puis concevoir absurdité plus grande. Les premiers à crever de faim, en temps de grève générale, ce ne seraient pas les bourgeois qui disposent de tous les produits accumulés, mais les ouvriers qui n'ont que leur travail pour vivre. La grève générale telle qu'on nous la décrit d'avance est une utopie. Ou bien l'ouvrier, crevant de faim après trois jours de grève, rentrera à l'atelier, la tête basse, et nous compterons une défaite de plus ; ou bien, il voudra s'emparer des produits de vive force. Qui trouvera-t-il devant lui pour l'en empêcher ? Des soldats, des gendarmes, sinon les bourgeois eux-mêmes, et alors il faudra bien que la question se résolve à coups de fusils et de bombes. Ce sera l'insurrection, et la victoire restera au plus fort.

Préparons-nous donc à cette insurrection inévitable, au lieu de nous borner à préconiser la grève générale comme une panacée s'appliquant à tous les maux. Qu'on n'objecte pas que le gouvernement est armé jusqu'aux dents et sera toujours plus fort que les révoltés. A Barcelone, en 1902, la troupe n'était pas nombreuse. Mais on n'était pas préparé à la lutte armée et les ouvriers, ne comprenant pas que le pouvoir politique était le véritable adversaire, envoyaient des délégués au gouverneur pour lui demander de faire céder les patrons.

D'ailleurs, la grève générale, même réduite à ce qu'elle est réellement, est encore une de ces armes à double tranchant qu'il ne faut employer qu'avec beaucoup de prudence. Le service des subsistances ne saurait admettre de suspension du travail prolongé. Il faudra donc s'emparer par la force des moyens d'approvisionnement, et cela tout de suite, sans attendre que la grève se soit développée en insurrection.

Ce n'est donc pas tant à cesser le travail qu'il faut inviter les ouvriers : c'est bien plutôt à le continuer pour leur propre compte. Faute de quoi, la grève générale se transformera vite en famine générale, même si l'on avait été assez énergiques pour s'emparer dès l'abord de tous les produits accumulés dans les magasins.

Il faut maintenant conclure. Je déplorais jadis que les compagnons s'isolassent du mouvement ouvrier. Aujourd'hui, je déplore que beaucoup d'entre nous, tombant dans l'excès contraire, se laissent absorber par ce même mouvement. Encore une fois, l'organisation ouvrière et syndicale, la grève, la grève générale, l'action directe, le boycottage, le sabotage et l'insurrection armée elle-même, ce ne sont là que des moyens. La révolution sociale est le but. On ne fait pas la grève pour faire la grève ni même pour obtenir une amélioration de notre situation salariale, mais pour l'émancipation révolutionnaire de la classe ouvrière par la transformation sociale.

Vive l'anarchie.


Que pensez vous de ce texte? la vision anarchosyndicaliste du syndicalisme est-elle similaire ou doit elle aussi se sentir visée?
Dan
 

Messagepar tomatok » Dimanche 01 Juin 2008 18:53

là j'ai pas le temps mais le SIPN avait publié ce texte dans Espoir, qui avait fait débat je crois à l'époque d'ailleurs (y'avait un texte appelant à la grève générale, puis celui ci il me semble), mais bon je pense que ça répond en partie à ta question.
tomatok
 
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Messagepar NOSOTROS » Dimanche 01 Juin 2008 22:34

alors toute neuve et notamment créée par un grand nombre d'anarchistes


Humpf ... toute neuve ... pas vraiment ... Elle avait déjà 11 ans ... et "créée par un grand nomlbre d'anarchiste" : c'est la mythologie Vignolesque et FAFesque ... La CGT - surtout en 1906 - était traversée par plusieurs courants, dont certe un courant anarchiste visible et tapageur, mais dont l'influence en 1906 était déjà sur le déclin ...

la vision anarchosyndicaliste du syndicalisme est-elle similaire ou doit elle aussi se sentir visée?


Le débat Malatesta Monatte de 1906 était déjà daté à l'époque alors ...

Quant à Malatesta, il a dit a peu près tout et son contraire dans sa vie, en fonction de la situation politique et sociale et du contexte du moment. Le Malatesta tardif est à rebours de ce texte par exemple.

Je trouve cette façon d'amorcer le débat très CCIesque : on part d'un texte historique, de préférence de la période 1900 et de la part d'une plume renommée, et à partir de là on doit justifier de sa pratique actuelle à par rapport à cette "référence".


L'anarchosyndicalisme actuel, une de ses expressions, et pas celui momifié de 1906 il est plutôt ici :

L'anarchosyndicalisme questionné (justement ...)

http://www.cntaittoulouse.lautre.net/ar ... 88&lang=fr

Il répond je pense à la question que tu poses notamment les questions suivantes :

La violence des masses est-elle contre-révolutionnaire ?, p2
Le syndicalisme doit-il être non-idéologique ?, p3
Les syndicats réformistes sont-ils un "mal nécessaire" ?, p4
L’unité, avec qui ?, p5
Que représentent les revendications immédiates ?, p8
Quel mode d’organisation construisons-nous ?, p9

voili voilou
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Messagepar Dan » Lundi 02 Juin 2008 0:21

NOSOTROS a écrit:Je trouve cette façon d'amorcer le débat très CCIesque


oui enfin tu sais très bien qui je suis et que mes intentions ne sont certainement pas les mêmes que le CCI donc bon..
Dan
 

Messagepar NOSOTROS » Lundi 02 Juin 2008 10:28

Mais madame o monsieur, je ne vous connait pas !


Très sérieusement, et parce que je pense te connaître un peu, il y a un élément dans ce texte que tu n'as peut être pas vu et qui est diamétralement opposé à tes conceptions politiques ... Ce texte est en effet celui qui sert de justificaton à tous les FA, AL, CGA de la terre pour justifier leur participation dans les syndicats reformards ...

Ce n'est pas parce qu'un texte emploi le mot insurrection qu'il est intéressant. A mon avis tu fais même un contre-sens magistral.

Tout d'abord, il convient de noter que celui qui a publié ce texte ne connait rien au sujet dont il parle :


Voici la critique radicale du syndicalisme exposée par Malatesta, au congrès tenu à Amiens en 1906 par la CGT (alors toute neuve et notamment créée par un grand nombre d'anarchistes),


Malatesta, en 1906, était en exil à Londres.

Par ailleurs, à quel titre serait il intervenu à un Congrès de la CGT française ? Quel syndicat français représentait il ? ...

Par contre, ce texte est possiblement tiré de la controverse Malatesta/Monatte, lors du Congrès anarchiste international d'Amsterdam qui s'est tenu en 1907 (et non 1906). Mais il faudrait vérifier avec les textes originaux. (dommage que celui qui a fait le copié collé de Malatesta n'ait pas indiqué la source du texte ...)

Par ailleurs :

Voici la critique radicale du syndicalisme exposée par Malatesta


Il faut arrêter de prendre ses vessies pour des lanternes.

Ainsi Malatesta livrerait ici une critique "radicale" du syndicalisme ? Pourtant, ne dit il pas :

Pourtant, je le répète : il faut que les anarchistes aillent dans les unions ouvrières.


Et pour y faire quoi ?

nous devons y aller pour réagir énergiquement contre cet état d'esprit détestable qui incline les syndicats à ne défendre que des intérêts particuliers.


Autrement dit, la critique radicale de Malatesta du syndicalisme consiste à dire qu'il faut infiltrer les syndicats réformistes, pour y prêcher la bonne parole révolutionnaire.

Bien vue, la critique radicale !

C'est entre autre ce texte de Malatesta qui sert de justification, depuis 1907 donc, à tous les FA, AL, CGA et autres pour leur entrisme au sein des syndicats réformistes. Pour y porter la bonne parole. Quel résultat a eu cet entrisme : est ce que l'influence anarchiste s'est fait sentir dans aucun syndicat réformiste du monde ? ou bien au contraire, est ce l'influence réformiste qui a déteint sur les anarchistes ?

Monatte a apporté une réponse - toute théorique elle aussi - à Malatesta qui était complètement à côté de la plaque également : poru Monatte, il fallait garder le syndicat vierge de toute influence idéologique extérieure, le syndicalisme se suffisant en lui même.

Bref, Monatte et Malatesta sont les deux faces d'une même pièce, dans laquelle la masse ouvrière doit être dirigée par une avant garde qu'elle lui soit extérieure (malatesta) ou qu'elle émerge de l'intérieur (Monatte).

Comme le dit Wikipedia sur ce fameux Congrès :

'Cette opposition entre deux visions du syndicalisme au cours de ce congrès sera par la suite dépassée avec l’emergence de l’anarcho-syndicalisme, synthèse en quelque sorte d’une conception révolutionnaire du syndicalisme associée aux principes de l’anarchisme.'

la conception anarchosyndicaliste est en effet celle de créer des organisations de masses, sur des principes anarchistes. C'est à dire des organisations larges, regroupant des individus conscients politiquement et se battant sur tous les plans, à la fois dans le quotidien et pour l'idéal révolutionnaire . C'est donc l'exacte antithèse à la fois des propositions de Malatesta et de Monatte.

Et la seule organisation anarchiste a avoir jamais réussi jusqu'ici une insurrection armée victorieuse est née de ces conceptions : la CNT AIT espagnole ... (c'est malheureusement quand elle a abandonné les principes anarchosyndicalistes qu'elle a échoué, et l'insurrection avec elle).

Si effectivement c'est l'aspect insurrection armée qui t'interesse, alors l'histoire de la CNT AIT espagnole est très riche d'enseignements ...
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Messagepar Dan » Lundi 02 Juin 2008 11:08

j'avoue que ces passages la, je les avais connement mis au bénéfice de l'époque
Dan
 

Messagepar NOSOTROS » Lundi 02 Juin 2008 11:28

Pour appronfondir, cf par exemple :


http://www.pelloutier.net/dossiers/doss ... parent=144


Le débat sur le syndicalisme - Syndicalisme, anarchisme et anarcho-syndicalisme en débat au Congrès Anarchiste d’Amsterdam en 1907


par Ariane Miéville



...

Malatesta a une conception dualiste du mouvement révolutionnaire. Le mouvement ouvrier est certes pour lui le sujet révolutionnaire, mais il doit avoir en son sein un moteur qui l’entraîne dans la direction voulue. Ce moteur, c’est les anarchistes. Ceux-ci doivent considérer le mouvement ouvrier comme « un terrain propice à la propagande révolutionnaire »[23]. Dans la perspective révolutionnaire qui est la sienne, « le syndicalisme [est un] moyen d’action excellent à raison des forces ouvrières qu’il met à (…) la disposition [des anarchistes] »[24]. Les syndicats seront également utiles après la révolution. « …il faut que les anarchistes aillent dans les unions ouvrières (…) parce que c’est le seul moyen pour nous d’avoir à notre disposition, le jour voulu, des groupes capables de prendre en mains la direction de la production… »[25]

Mais bien qu’il assigne au mouvement syndical des objectifs importants dans sa stratégie révolutionnaire, Malatesta en fait une description des plus déprimantes : « le syndicalisme n’est et ne sera jamais qu’un mouvement légalitaire et conservateur, sans autre but accessible – et encore ! – que l’amélioration des conditions de travail »[26]. Cette apparente contradiction repose sur la conception que Malatesta se fait de la lutte des classes qui est très différente de celle des syndicalistes révolutionnaires.


...



Sur un autre point l’opinion de Malatesta est assez étonnante. Il a saisi au vol la remarque que Monatte a faite à propos des permanents syndicaux. Il émet sur ce point un jugement catégorique. « Règle générale : l’anarchiste qui accepte d’être le fonctionnaire permanent et salarié d’un syndicat est perdu pour la propagande, perdu pour l’anarchisme ! »[37]

Pourtant Malatesta n’est pas opposé au principe même du permanent syndical. « Un anarchiste fonctionnaire permanent et stipendié d’un syndicat est un homme perdu comme anarchiste. Je ne dis pas que quelque fois il ne puisse pas faire du bien; mais c’est un bien que feraient à sa place et mieux que lui des hommes d’idées moins avancées, tandis que lui pour conquérir et retenir son emploi doit sacrifier ses opinions personnelles. »[38] Cette idée restera la sienne tout au long de sa vie. Le syndicat est réformiste, mais en son sein les anarchistes doivent rester purs, doivent être et rester des révolutionnaires. C’est pourquoi certaines tâches leurs sont interdites. En 1925, il écrira par exemple : « s’il faut vraiment transiger, céder, en arriver à des contacts impurs avec l’autorité et avec les patrons pour que l’organisation vive ou parce que les syndiqués en éprouvent le besoin ou parce que c’est là leur volonté, soit. Mais que ce soit les autres qui le fassent et non pas les anarchistes »[39].

Cette stratégie apparaît comme difficilement praticable. C’est un peu comme demander aux anarchistes de marcher dans la boue sans se salir les pieds. Comment avoir une quelconque crédibilité dans un syndicat si on laisse les responsabilités et le soin de mener les négociations aux autres courants politiques ?

Le point de vue de Malatesta peut s’expliquer de deux manières. D’abord, il n’était pas un véritable syndicaliste. A-t-il une fois dans sa vie connu le salariat ? Nous l’ignorons. Ses biographes le décrivent tour à tour comme apprenti mécanicien auprès d’un vieux camarade, chercheur d’or en Argentine, vendeur de sucreries dans les rues de Londres, à nouveau mécanicien ou électricien dans son propre atelier... Mais là n’est peut-être pas l’essentiel.

Monatte n’a pas tort quand il lui attribue « les vieilles idées du blanquisme »[40]. Malatesta est avant tout un insurrectionnaliste. Sa stratégie de subversion du mouvement ouvrier ne s’explique que de cette manière.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les propos qu’il tient à propos de la grève générale. La grève générale est « un moyen excellent pour ouvrir la révolution sociale »[41], mais ce n’est pas un moyen suffisant. Les ouvriers en grève mourront de faim après quelques jours ou alors ils devront s’affronter à la troupe pour s’emparer des vivres et « ce sera l’insurrection, et la victoire restera au plus fort »[42]. C’est pourquoi Malatesta appelle à se préparer « cette insurrection inévitable »[43].

Notons en passant que la conception de la grève générale que Malatesta critique, n’est pas celle du syndicalisme révolutionnaire. En 1892, Pelloutier et Briand avaient imaginé une grève générale pacifiste. Mais dès 1894, au congrès de Nantes, Pelloutier a abandonné cette idée. Le mouvement qu’il décrit en 1895, dans sa brochure — Qu’est-ce que la grève générale ? — n’est certes pas une insurrection, mais un mouvement d’expropriation actif[44]. Les syndicalistes révolutionnaires rejettent l’insurrection contre le pouvoir central, trop facile à réprimer militairement, et imaginent un mouvement qui s’attaque à tous les points névralgiques de la société. Une mobilisation multiforme durant laquelle les travailleurs s’approprient leur outil de production. Cette conception n’exclut pas les affrontements violents[45]. La propagande antimilitariste à laquelle se consacrent certains d’entre eux, (Yvetot, par exemple) visant par ailleurs à neutraliser l’armée.

Difficile d’imaginer que Malatesta qui était avec Pelloutier lors du congrès de Londres, en 1896, l’ait ignoré. Valait-il la peine de polémiquer avec les syndicalistes révolutionnaires pour une différence d’appréciation minime, portant sur le degré de violence nécessaire au moment de la conflagration révolutionnaire ?

A notre avis, le problème se posait surtout sur un plan pratique. Pour Malatesta, qui se basait sur la situation italienne, mais sans doute aussi sur les événements russes de 1905, la préparation matérielle de l’affrontement était urgente. Si les meilleurs compagnons consacraient l’essentiel de leur énergie à l’activité syndicale, qui donc se chargerait « des mesures spéciales et délicates auxquelles la grande masse est le plus souvent inhabile »[46]. Autrement dit, Malatesta et ses partisans avaient besoin de militants décidés et organisés « pour faire acte, en temps voulu, d’initiative révolutionnaire »[47].

Pour qu’elle ait une quelconque chance de succès, la conception stratégique de Malatesta présupposait l’existence d’une part d’une situation pré-révolutionnaire, et d’autre part celle d’une « organisation anarchiste basée sur une théorie et une pratique communes à tous les militants »[48]. [NDLR : cf les interventions que certains nous rabachent ici certains surle "boulversement" serait la conjonction à la fois d'une opportunité et d'une puissance, qu'il conviendrait d'augmenter sans cesse par accumulation ] Si la première condition a pu se rencontrer dans différents pays, à différentes époques, la seconde était, nous l’avons vu, une vue de l’esprit.



On pouvait bien imaginer, comme le faisait l’autrichien Siegfried Nacht, que les « masses, dans la révolution future, constitueront en quelque sorte, l’infanterie de l’armée révolutionnaire [et les] groupes anarchistes, spécialisés dans les besognes techniques (…) l’artillerie »[49], encore fallait-il disposer d’autre chose que d’une artillerie qui tirait de façon désordonnée dans toutes les directions.

A la même époque Lénine réfléchissait aussi en termes militaires, mais il avait conçu l’idée d’un état-major centralisé. Le moment venu certains anarchistes en tireront les conséquences... et rejoindront le parti communiste. Mais restons en 1907, au congrès d’Amsterdam.



==========================

AU passage, il y a dans ce bouquin un extrait des discours de fameux Syndicalistes révolutionnaires d'alors (Labriola et Lagardelle, qui tout deux évoluèrent vers le fascisme ...) dont on remarquera que si on remplace le terme « lutte de classe » par « domination » on retrouve les textes de certains « insurectionnalistes » actuels (ma thèse selon laquelle nos « appeliens » d'aujourd'hui sont les SR soreliens d'hier semble se confirmer ...). On appréciera notamment le passage sur la puissance ... :




Lors d’une conférence internationale portant sur les rapports entre le syndicalisme et le socialisme, qui a eu lieu à Paris, le 3 avril 1907, Arturo Labriola déclarait : «
nous n’avons ni dogmes ni idéaux tout prêts à réaliser.
L’unique réalité que nous reconnaissions est l’existence de la lutte de classe ».[27]. Hubert Lagardelle devait préciser ce point de vue dans l’avant-propos du compte-rendu de cette conférence, en attaquant directement les anarchistes : « Le socialisme anarchiste, malgré ses audacieuses révoltes, n’a pas eu des classes et de la lutte de classe une conception claire. Dans sa méconnaissance des choses de l’économie, il s’est adressé à tous les hommes indistinctement et a fait porter son principal effort sur la réforme individuelle par le procédé illusoire de l’éducation littéraire, rationaliste et scientifique (...). Le syndicalisme, au contraire, saisit la classe ouvrière dans ses formations de combat. Il la considère comme la seule classe qui puisse, par les conditions de sa vie et les affirmations de sa conscience, renouveler le monde (...) la lutte de classe est parfaite.
Aucune des valeurs traditionnelles ne peut survivre à ce travail de destruction progressive. Nous sommes vraiment en face d’une classe qui n’utilise que ses acquisitions et qui est emportée par une formidable volonté de puissance
. Elle entend être l’unique artisan de sa destinée et n’avoir de protecteur qu’elle-même. Où trouver force révolutionnaire plus active ? »[28]
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Messagepar p'tit écolier » Lundi 02 Juin 2008 18:52

Par contre, ce texte est possiblement tiré de la controverse Malatesta/Monatte, lors du Congrès anarchiste international d'Amsterdam qui s'est tenu en 1907 (et non 1906). Mais il faudrait vérifier avec les textes originaux


c'est vérifié.
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Messagepar NOSOTROS » Lundi 02 Juin 2008 22:11

merci ! (ouf ! malgré mon kreutzfeld jacob atypique (ça c'est pour faire plaisir à dan et tomatok ... ;-) ) j'ai encore quelques synapses qui fonctionnent :-) )
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