Le mai rampant italien

Les courants, les théoriciens, les actes...

Le mai rampant italien

Messagepar Souvafix » Mercredi 16 Avr 2008 10:50

Alors, tout le monde utilise cette expression dans tous les topics en ce moment, il s'est passé quoi ?
Faire éclater le pavé sous les pas des gavés.
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Messagepar Dan » Mercredi 16 Avr 2008 14:41

Dan
 

Messagepar NOSOTROS » Mercredi 16 Avr 2008 23:20

Un compagnon forumeur, aussi peu doué que moi pour poster des pièces jointes sur le forum (je sais il ya un topic dans la partie forum qui explqiue comment faire, mais j'ai toujours pas compris. Je suis pas doué OK), me demande de vous rappeler la récente parution d'un excellent livre sur le mai rampant italien (nous en avions fait de la pub à l'époque) [en allant vite, l'opéraisme est l'autonomie à l'italienne] :

Les Editions SENONEVERO nous informent de la publication du
livre "STORMING HEAVEN" (A l'assaut du ciel) de Steve
WRIGHT

(Ouvrage traduit de l'anglais)


L'opéraisme est un courant marxiste radical qui s'est
développé dans l'italie des années 1960 et 1970, comme
tentative de confronter la théorie générale du Capital avec
"l'étude réelle de l'usine réelle". En rapportant le
comportement de lutte actuel de la classe ouvriére à sa
structure matérielle actuelle dans le rapport
d'exploitation, le but des théoriciens opéraistes était de
comprendre " les nouvelles formes d'action indépendante
de la classe ouvriére".

Le livre fort bien documenté de Steve Wright raconte
l'histoire de ce courant, nourri de toutes les luttes de
l'époque, et s'efforce d'apprécier son apport dans le
contexte des récentes mobilisations "contre le capital
global".

http://philippeportet.free.fr/Storming.htm
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Messagepar Paul Anton » Dimanche 20 Avr 2008 17:03

Ce livre vient de sortir récemment ...
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
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Messagepar NOSOTROS » Dimanche 20 Avr 2008 21:45

oui et alors ? qu'est ce que ça fait ??? (y a des fois je comprends pas bien tes interventions ? ou alors c'est pour faire avancer le schmilblick ?)
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Messagepar Paul Anton » Dimanche 20 Avr 2008 22:03

Peut-être pour lancer le débat ?

D'ailleurs, il y a tant à dire que je ne sais véritablement où commencer avec le mai rampant italien ...

Si on partait des conditions sociaux-historiques propres à l’Italie …
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Messagepar NOSOTROS » Dimanche 20 Avr 2008 22:13

oui, ça me semble être une meilleure accroche pour commencer un débat ...

mais si tu ne vois pas comment aborder le débat, il n'y a pas non plus obligation de faire de débat ... Le copain a demandé des infos sur le mai rampant, des références biblio ont été donnée. Charge à lui éventuellement ensuite de nous faire un compte rendu de ses éventuelles lectures, s'il le souhaite.

Sinon tu peux aussi signaler la brochure que vous avez sorti sur les autoreductions en Italie, et pourquoi pas copier coller le texte ici ?
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Messagepar Paul Anton » Dimanche 20 Avr 2008 22:41

Oui, tu as parfaitement raison.

Je n'ai pu mettre le PV d'huissier et l'article : "Il faut sauver le paritarisme", par manque d'une connaissance approfondie de l'informatique.

Le mieux est d’avoir une version papier.

........................................................................................................

AUTONOMIE POPULAIRE ET DESOBEISSANCE CIVILE :
LES AUTOREDUCTIONS EN ITALIE





Sommaire :





I.INTRODUCTION
II.LA SITUATION DE L’ITALIE DANS LES ANNEES 59-69, RAPPEL
III.LE MIRAGE DE « LA CASSA INTEGRAZIONE »
IV.LE LOGEMENT
V.LE TRANSPORT
VI.LA NOURRITURE
VII.LE TELEPHONE
VIII.RVI (RENAULT VEHICULE INDUSTRIE), GREVE DE 1979
IX.INTERVIEW DE PAUL MATTICK PAR LE QUOTIDIEN ITALIEN LOTTA CONTINUA EN OCTOBRE 1977
X.CONCLUSION



I. INTRODUCTION :

L’anarcho-syndicalisme se réfère à une approche et une analyse globale de la société. Il se base sur le fait que tous les phénomènes économiques, politiques et sociaux interagissent, s’interpénètrent dialectiquement par le jeu des contradictions qu’ils engendrent et stimulent.
L’anarcho-syndicalisme appuie et défend la constitution systématique de comités de lutte, fonctionnant sur le principe de la démocratie directe. L’anarcho-syndicalisme privilégie un comportement de l’individu qui réfute toute verticalisation du dispositif structurel des exploités, des opprimés en lutte. L’anarcho-syndicalisme avance donc le concept d’autonomie. (La CNT-AIT de Caen édite les cahiers suivants : n°8 "Anarcho-syndicalisme et autonomie populaire" et n°22 "Techniques de luttes". Ces cahiers se cantonnent surtout aux lieux de travail.)
La précarité et la flexibilité vont connaître encore de beaux jours. Ces deux phénomènes inhérents à la logique du capital empêchent la constitution d’un rapport de force favorable aux exploités et aux opprimés.
Il est important que les anarcho-syndicalistes expriment l’idée d’ouvrir une perspective de lutte sociale située hors de l’entreprise.
Je prendrai l’exemple de l’Italie des années 69-75, où se sont déroulées des luttes sociales marquées par l’empreinte de la désobéissance civile. Celle-ci s’était manifestée par le phénomène des autoréductions.

II. LA SITUATION DE L’ITALIE DANS LES ANNEES 59-69, RAPPEL:

En Italie, l’année 1959 se caractérise par un regain des luttes ouvrières. Les heures de grève rejoignent les moyennes de 1948.
Le développement du modèle fordiste se traduit par l’industrialisation massive du nord de l’Italie , nécessitant en partie une main-d’œuvre qui provient des régions les plus pauvres. Elle modifie la composition sociologique de la classe ouvrière . Malgré cela, le modèle fordiste ne parvient pas à éradiquer la conscience de classe des ouvriers. Au contraire, le poids de l’inflation, qui revient en 1964, provoque une ébullition de la lutte, dont le signe avant coureur est l’assaut de "piazza statuto " (le siége du syndicat local, équivalant de Force Ouvrière) par les ouvriers portant les revendications suivantes : une réduction significative du temps de travail, une augmentation du salaire pour tous ne s’effectuant pas sur le calcul d’une hausse de la productivité et du rythme des cadences, une remise en cause de l’échelle du salaire. Les syndicats réformistes n’auront que faire de ces revendications exprimées.
Le 30 mars 1968, les 100 000 ouvriers de la Fiat se mettent en grève et s’organisent par le biais des assemblées générales et du refus des délégués, facilitant l’apparition des comités unitaires de base , afin d’intensifier la pression sur les syndicats réformistes. Le dispositif structurel des ouvriers se met en branle et s’autonomise.
L’accord du 26 juin 1969 ne calme pas le jeu, puisque les ouvriers élèvent des barricades en affrontant la police à "Corso Traiano". Agnelli déclenche, le 3 septembre, une immense vague de mises à pied. Les syndicats réformistes entament, quant à eux, un processus de rapprochement et incorporent dans leur plate-forme la plupart des revendications ouvrières sous le regard attentif du PCI . Car le but est de peser dans le cadre des négociations contre les patrons, de façon à reconquérir une crédibilité auprès du prolétariat en lutte. Les patrons se montrent de plus en plus embarrassés par la marche de la situation. Ils décident même d’avaliser une hausse élevée des salaires pour doper à nouveau le pouvoir d’achat (en jouant sur le jeu de l’offre et de la demande). Cette concession passagère ne vise, dans un premier temps, qu’à restaurer le consensus social au niveau de chaque unité de production. Les patrons souhaitant recouvrer le taux de profit d’avant l'agitation de la lutte, pour mieux préparer la contre-offensive, qui va se concrétiser par le prélude de la restructuration.
Cependant, le scénario ne se déroule pas comme prévu. Le comportement de l’ouvrier spécialisé ou de l’ouvrier masse de l’usine Fiat de Milan se répercute, puis s’impose, en devenant une référence exemplaire. L’Etat italien, voyant que la situation ne cesse de se dégrader, réagit à son tour par la promulgation de l’épargne forcée, de la hausse du coût du crédit et de l’élévation des prix et au recours à la violence par l'utilisation de nervis fascistes, sous les bons offices des services secrets. C’est le début de l’"état massacre" et de la "stratégie de la tension" qui précipitent le pays sur l’itinéraire latent de la guerre civile . L’Italie, aux yeux du reste des gouvernants de l’Europe, apparaît très dangereuse, voire contagieuse, étant donné que la pérennité même des investissements (nationaux et internationaux) s’en trouve affectée. Le chancelier de la RFA en appelle encore à l’établissement d’un cordon sanitaire dans le but de la disjoindre du reste du continent. Mais au fond, la bourgeoisie italienne ne fait que payer les échecs répétés de ses aïeux : l’adaptation du régime politique, le décollage et l’essor industriel de la fin du XIXème siècle, la création d’un empire colonial …

III. LE MIRAGE DE LA "CASSA INTEGRAZIONE"

Les patrons, devant le fait accompli, usent d’un nouveau subterfuge par la modification du régime de la « casa integrazione » qui ressemble partiellement à notre « Assedic ». La « casa integrazione » fut mise en place au sortir de la seconde guerre mondiale. Elle ne peut être employée que lorsqu’une entreprise endure le coût de problèmes techniques n’étant pas du ressort de son patron et de ses ouvriers. « La casa integrazione » assure en principe 60% du salaire de ces derniers pendant trois mois. Le cadre d’attribution de « la casa integrazione » va s’élargir largement durant ces années par le choix des législateurs. Son recours s’applique dorénavant lors de crises économiques locales ou sectorielles de l’activité industrielle. L’allongement de la durée d’indemnisation passe à six mois. Celle-ci peut être, d'autre part, renouvelable tous les trois mois sur une simple décision du patron. L'allocation de l’ouvrier se fixe dès lors à 80% du salaire. N’oublions pas que le créancier principal de cette opération demeure l’Etat italien. Les patrons désillusionnés y jettent leurs maigres espoirs. Voici quelques chiffres : 8 739 000 heures (d’allocations) en juillet 1974 , 9 870 000 en septembre 1974. Agnelli se permet même le luxe de mettre 71 000 ouvriers en « casa integrazione » vers l’automne 74, sans en référer à l’Etat ! Néanmoins, l’effet se fait sentir dès le début du mois de janvier 1975 puisque le refus d’aller au travail ne représente plus que 10 % à la Fiat. Pourquoi s’absenter lorsqu’on est payé à ne rien faire ? Le nombre d’ouvriers en « casa integrazione » plafonne aux alentours de 800 000 tandis qu’il y a un million de chômeurs.
Certains néo-réformistes et révolutionnaires pensent que le haut niveau de protection sociale traduit un rapport de force favorable pour les exploités et opprimés, se stimulant par l’intermédiaire d’une dynamique élevée de la lutte de classes, ce qui astreint la bourgeoisie et le patronat à redistribuer une partie de la plus-value.
Si personne ne disconvient que l’amélioration des conditions matérielles d’existence est louable , nous devons dire que « la casa integrazione » a été une illusion dans le contexte de l’Italie des années 70. Cette institution a permis aux patrons de retourner la protection salariale contre le travailleur. On se rappellera que sous la présidence de Giscard d’Estaing, le gouvernement avait pu pacifier les entreprises et engranger corrélativement la restructuration par une indemnisation des licenciements économiques à hauteur de 90 % du dernier salaire lors de l’amorce de la nouvelle crise cyclique.
Les plus conscients des prolétaires italiens jetés dans la lutte s’aperçoivent des limites du combat dans l’entreprise. Ils opèrent aussitôt un déplacement vers l’espace de la cité. Les prolétaires italiens vont s’appuyer sur l’expérience antérieure de la crise du logement des années 50. La jonction « intra » et « extra » entreprise se réalisera pour s’étendre ensuite à d’autres aspects de la vie courante.

IV. LE LOGEMENT :

La reconstruction entraîne un flux migratoire intense, modifiant l’urbanisme des villes du pays lorsqu’elle s’enclenche après le deuxième conflit mondial. La capitale reçoit l’arrivée en particulier d’expatriés du Latium. Mais une loi promulguée sous le régime fasciste leur interdit l’accès aux logis dans le centre historique. Le PCI, désireux de contrebalancer le pouvoir municipal détenu entre les mains de la droite, va s’employer à canaliser le mécontentement des nouveaux arrivants, qui s’entassent à la périphérie et vivent dans des conditions détestables.
En 1950-51, les premières occupations d’habitations se produisent au niveau des quartiers romains, tels que Primavalle, Laurentino et Pietralata, contre l’amplification de la spéculation immobilière. Les « consulte popolari » se mettent en place sous le contrôle tangible des conseillers municipaux, des parlementaires du PCI - PSI . Ceux-ci se contentent juste de revendiquer l’intervention de l’Etat, pour que ce dernier bloque les loyers et injecte des crédits supplémentaires en direction du secteur de la construction publique. Or, l’aide de l’Etat ne se débloque pas et la part allouée au logement passe même de 25 % à 12 %. En général, les occupations visent l’institut pour la construction économique et populaire . La corruption et le clientélisme vont de paire sous la houlette de la démocratie chrétienne et du centre. Les « consulte popolari » ne se limitent finalement qu’au rôle de pression envers les pouvoirs publics. Car le PCI ne veut en aucune manière s’écarter de la voie parlementaire. On peut, malgré ça, assister à quelques grèves de loyer en 1964 . Quant aux investissements publics des HLM, ils passent à : 16,8% en 1960, 6,5% en 1965, 7% en 1968, 5,1% en 1969, 3,7% en 1970 !
En 1969, 70 000 prolétaires s’entassent dans des taudis putrides, tandis qu’on recense 40 000 appartements vacants. Ces derniers ne trouvent pas de locataires ou d'acheteurs en raison du prix. Ce paradoxe incroyable encourage de nouvelles occupations d’habitations. Elles entendent incarner une récupération du salaire réel par la réappropriation. Les occupations d’habitations du quartier de Tufello s’étendent à d’autres : Celio, Ostie, Nuova ostia. Ce type d’action se coordonne au niveau du comité d’agitation de banlieue pour se dégager de l’emprise du PCI, qui ne tarde pas à se désolidariser.
Pendant la grève générale du 19 novembre consacrée à cette question du logement, le PCI ne peut prendre la tête du cortège, rythmé par le mot d’ordre suivant : « Ou vous nous donnez les logements ou bien nous les prenons nous-mêmes » ! L’Etat analyse la situation et craint que la croissance des occupations d’habitations renforce le CAB et amplifie l’affaiblissement du rôle attribué au PCI. L’Etat dépêche 1500 CRS, en tenue de combat, qui multiplient les évacuations afin d’enrayer ce phénomène. Simultanément, il concède aux revendications du PCI et des « consulte ». D’autres villes sont aussi affectées comme Nichelino. Voici un tract qui a été réalisé le 10 juin par les étudiants, les ouvriers et les comités de locataires en lutte sur cette question :

TRAVAILLEURS DE NICHELINO,
L'heure est venue de donner une riposte aux patrons.
S'ils nous ont entassés dans cette ville c'est pour pouvoir nous exploiter dans l'usine avec des salaires de misère et des horaires prolongés et pour pouvoir récupérer une bonne partie du salaire avec le loyer qu'ils nous font payer pour les quatre murs dans lesquels nous dormons.
Dans beaucoup d'immeubles de Nichelino, les comités de locataires ont déjà refusé tous ensemble les augmentations de loyer et les charges abusives.
Sur cette base, ces mêmes comités appellent à
- UNE GRANDE MANIFESTATION DE PROTESTATION POUR LE BLOCAGE IMMEDIAT DES LOYERS
- L'ARRET TOTAL DES EXPULSIONS.
C'est une première étape vers la REDUCTION DES LOYERS. Mais notre lutte n'est pas isolée ; unissons-la avec celle que les ouvriers de la Fiat sont en train de mener.
Il ne faut plus permettre aux patrons de récupérer, avec les augmentations de loyer, les augmentations de salaire que nous leur arrachons dans l'usine.
Voilà pourquoi la lutte des locataires de Nichelino est la même que celle des ouvriers de la Fiat, la même que celle des ouvriers de toutes les autres usines.
Rejoignons tous les comités de locataires et PARTICIPONS EN MASSE À LA MANIFESTATION pour faire connaître notre lutte et pour la faire reprendre par tous les travailleurs de Nichelino et des autres villes.
LA MANIFESTATION PARTIRA À 18 H. DU CARREFOUR VIA TORINO ET VIA XXV APRILE, VENDREDI 13 JUIN
A partir de 17 heures à la maison du Peuple, via Primo Maggio 18, fonctionnera une garde d'enfants pour que toutes les femmes puissent participer à la manifestation.

A la fin de cette manifestation aux cris : « Dans l’usine, à la maison : un même patron », « blocage des loyers », « arrêt des expulsions », les ouvriers et les étudiants décident d’occuper la mairie, afin d’accentuer le rapport de force en leur faveur. Ils occuperont ce lieu jusqu’à leur délogement par les forces répressives de l’Etat italien.

V. LE TRANSPORT :

Les exploités qui utilisent le bus pour se rendre à l’usine se retrouvent insatisfaits du coût et de la qualité du trajet. Ils ne vont pas hésiter à entamer la lutte, en ayant recours à l’autoréduction. Ce moyen de transport s’administre sur le principe de la concession : des entreprises privées peuvent gérer un service public avec l’accord de l’Etat. Celles-ci servent de pompes à finance pour alimenter le compte bancaire de la démocratie chrétienne. Exemple : Monsieur Aqui administre la concession des transports du nord de Milan et reçoit neuf milliards de subventions chaque année et n’en dépense que deux. Le résultat de cette gestion amène des conditions déplorables : l’absence de confort, la rigidité des horaires, la durée du déplacement, etc., ce d’autant plus que beaucoup d’exploités effectuent une longue distance . La région de Bergame dénombre 40 000 exploités qui se rendent tous les jours à Milan, elle seule comptant 250 000 « pendolari ». Déjà en 1953, une lutte des « pendolari » de Bergame a lieu. Ils ont obtenu gain de cause en occupant les voies ferroviaires. Togliatti, le premier secrétaire du PCI et ministre de la justice dans le gouvernement d’unité populaire, avait fait voté une loi interdisant cela en 1947 ! 1971-72, les ouvriers et les étudiants de Bergame Precia imposent : l’électrification, des allocations communales pour les abonnements, l’augmentation du nombre de trains, de wagons par la grève et l’édification de barrages, tandis qu à l’automne 1973, la région de Porto Marghera est le théâtre d’une opération du PCI et des syndicats, visant à canaliser les aspirations de la lutte en l’amenant sur l’aspect de la régionalisation. Les ouvriers et les étudiants ne sont pas dupes. Les barrages refleurissent sur les routes. Des comités de « pendolari » s’organisent dans les bus. Les lycéens et les étudiants déclenchent des grèves dans les principaux établissements de cette région, réussissant à bénéficier de la gratuité dès la fin du mois de décembre. Par la suite, les « pendolari » exigent qu’elle s’applique à tous, puisque le paiement d’un abonnement autoréduit apparaît même dérisoire. A Milan le 26 août 1974, le gouvernement régional décide d’augmenter de 60% le prix des transports Face à cela, le comité unitaire de base lance une grève sauvage à l’Aziendale di Transporti Milanisi , la principale entreprise de transports milanais. Le 20 septembre, un appel est lancé par la Federacione di Lavoratori Metalmecanicci , en dépit du désaccord exprimé dans les conseils d’usine par les délégués de la Federazione Italieni Operai Metalmecanicci , pour l’autoréduction. Le mouvement des « pendolari » ne cesse d’accroître son influence sur les ouvriers. Environ dix mille personnes voyagent les premiers jours en réglant le précédent tarif. La FLM se charge de vendre des tickets, portant son tampon, aux portes des bus, des usines et dans les conseils d’usine. A la fin du mouvement, le nombre de participant atteint 40 000. Cela aboutit à un accord annulant l’augmentation, malgré le travail de sape des syndicats représentatifs et institutionnels. Les déclarations de la FIOM et de la CGIL sont sans ambiguïté : « Le mouvement ouvrier a dépassé le stade de la lutte passive, et l’expérience montre qu’à ce type de lutte il manque deux choses pour être vraiment efficace : elle ne réalise pas l’unité des travailleurs et elle ne peut être une lutte de masse – Nous condamnons ce type d’initiative corporatiste qui ne trouve pas l’adhésion des masses et n’a aucun objectif politique ».

VI. LA NOURRITURE :

Durant l’année 1974, l’inflation plafonne à 18%. Par contre coup, les ouvriers réclament la fixation de prix « politiques », c'est-à-dire ce que doit payer l’ouvrier pour une denrée, car l’inflation (qui se répercute sur les prix à la consommation) est vécue comme le moyen d’annuler les hausses de salaires. En juin, les premiers mouvements de Boycott des magasins s’organisent à Maestre et Venise. Dans le quartier Villagio San Marco de cette dernière, les ménagères réussissent à imposer par la lutte une baisse de mille lires sur quatorze produits de première nécessité valant huit mille lires. « Un comité des prix » se constitue par les ménagères, dont l’objectif est d’examiner les variations du coût de l’alimentaire sur le budget familial. Il programme une dizaine d’interventions dans les supermarchés et coopératives. A Milan, la population ouvrière passe sans aucun état d’âme du boycottage à la réappropriation collective, violente si nécessaire, remettant en question le cadre de la propriété privée, comme l’affirme l’extrait de ce tract distribué lors d’une action : « les biens que nous avons pris sont à nous, comme est nôtre tout ce qui existe parce que nous l’avons produit ». Les jeunes exploités étendront ce type d’action aux boutiques de vêtements et de disques. Il s’agit d’aller vers le communisme immédiat.

VII. LE TELEPHONE :

La gestion du téléphone est octroyée à une société d’Etat : la SIP. Son développement revient aux grosses sociétés multinationales qui décident d’entamer une restructuration pour dégager de nouveaux investissements destinés à l’émergence du secteur « quaternaire » : péri-informatique, banque de données… jugé plus lucratif que le téléphone. La Sit-Siemens déclenche une automatisation de la production des centrales téléphoniques. Sa décision se répercute sur une bonne partie des ouvriers de ce secteur, qui se retrouvent au chômage technique, et les utilisateurs, car leurs factures subissent une majoration. La SIP se justifie au nom d’un soi-disant déficit, qui atteint les trois cent milliards. Cela ne l’empêche pas de verser quarante milliards de bénéfices à ces actionnaires, tout en s’acquittant d’un maigre paiement de l’impôt évalué à trois milliards au lieu des quarante-sept milliards prévus ! Par voie de tract, le 8 avril 1975, la FLM de Turin exhorte à l’autoréduction : « Nous devons organiser la lutte en autoréduisant les notes de téléphone, en nous bornant à payer le tarif d’abonnement. Cela afin d’obliger le gouvernement à lier le problème du téléphone et des investissements, de l’emploi et des tarifs ». L’appel de la FLM de Turin n’est pas relayé par les autres syndicats. La raison : les élections régionales et le fait que les coupures de lignes vont s’opérer depuis les centraux téléphoniques. Ils ne veulent prendre aucun risque en cas d’actions très dures. Vers la première semaine d’avril 75, un groupe d’usagers réalise un coup d’éclat à Milan en s’introduisant dans un central téléphonique pour détruire les enregistreurs d’unités avec des barres de fer, ce qui permet à tout un quartier de téléphoner gratuitement. En réponse, l’Etat italien promulgue une loi autorisant les policiers à se servir de leurs armes à feu sur quiconque « est surpris à rôder autour d’un bâtiment public ». Cependant, on ne procédera à aucune coupure durant les six premiers mois d’application de cette loi. A la fin du mois de septembre, la SIP réengage l’offensive en coupant plusieurs milliers de téléphones dans les banlieues de travailleurs de Rome. La riposte ne se fait pas attendre : une charge de plastique fait sauter le central de la Via Shakespeare, le 13 octobre : 14 000 lignes de téléphone, incluant ceux des ministères et de la présidence, sont inutilisables. L’opération se répète le lendemain dans la ville de Gênes. Il n’y a qu’une seule cible dans ces deux cas : les quartiers bourgeois ! On comptera, dans la semaine, vingt-sept attaques contre des centraux. Quatre réussiront. Au final, l’anecdote la plus intéressante : des magistrats ordonne à la SIP de rétablir les lignes d’usagers pratiquant l’autoréduction, au vu du non respect de la loi !

VIII. RVI (RENAULT VEHICULE INDUSTRIE), GREVE DE 1979 :

J’ai été amené, au cours de mes recherches, à feuilleter le mémoire d’histoire de Cédric Leroy, consacré à la décennie des grèves ouvrières : 1968-79. Je me suis arrêté sur le passage d’une grève à RVI-Caen, menée en mai-juin 1979, durant laquelle avaient flotté des drapeaux rouges et noirs. J’ai eu la chance de croiser un ancien militant du comité des travailleurs révolutionnaires, cité dans son mémoire. Cet individu m’a accordé un entretien, en juin 2005, pour témoigner de cette persistance à l’expression de la radicalité et de l’autonomie dans le mouvement ouvrier.

Paul Anton : En quelle année as-tu intégré RVI ?

M.B : 1974, au mois de juin, en tant qu’ouvrier spécialisé .

Paul Anton : Pourquoi as-tu entrepris cette démarche ?

M.B : J’ai décidé de quitter Moulinex pour rentrer à RVI, devenue une citadelle rouge depuis les événements de Mai 68. D’importantes luttes revendicatives se développaient.

Paul Anton : Est-ce qu’il y a eu une autre raison essentielle ?

M.B : La grande majorité des jeunes salariés de cette usine de camions ont été radicalisés par les événements de Mai 1968.

Paul Anton : Tu as constaté le résultat de la mixtion de la décentralisation, du baby-boum et du modèle fordiste.

M.B : Exact !

Paul Anton : Avais-tu une expérience de lutte ouvrière ?

M.B : J’en avais une puisque j’avais déjà travaillé à Moulinex où j’ai participé à plusieurs luttes très dures. Je tenais à préciser que j’avais été, dans un premier temps, un jeune lycéen imprégné par les événements de Mai 1968 : les manifestations impressionnantes, les occupations d’usines, les affrontements violents…

Paul Anton : As-tu rejoint un syndicat pendant cette époque ?

M.B : Oui, j’ai adhéré à la CFDT peu de temps après mon entrée à RVI.

Paul Anton : Ta prise de carte à la CFDT paraîtrait étonnante aujourd’hui.

M.B : Sûrement ! Mais, la CFDT était très combative à cette période. Un courant autogestionnaire existait même en son sein !

Paul Anton : Si nous revenions à RVI, que tu m’expliques la mise en place du comité des travailleurs révolutionnaires !

M.B : Volontiers. On observait que les syndicats n’incitaient pas à la lutte et qu’ils entendaient faire exprimer le mécontentement vers un jeu de soutien au programme commun de la gauche. Leur principal objectif était de le réorienter dans le mécanisme électoral et parlementaire pour mieux limiter, annihiler complètement, le recours à l’utilisation de la grève, qui s’accompagnait parfois d’autres actions des salariés contre les patrons et les petits chefs.

Paul Anton : Et l’impact ?

M.B : Nous l’aurons dès l’enclenchement du processus de lutte, en touchant un certain nombre de camarades syndiqués CGT, CFDT et non syndiqués.

Paul Anton : A propos de l’étiquetage politique ?

M.B : Il a été hétérogène : des trotskystes, des maoïstes, des libertaires et beaucoup de camarades qui ne se reconnaissaient dans aucun parti. Ce point commun nous a conduit à éditer des tracts, réalisés sur notre appréciation de la lutte en cours. Ceux-ci ont reçu un écho favorable chez les travailleurs combatifs.

Paul Anton : Quelle méthode d’intervention utilisiez-vous ?

M.B : Défiants vis-à-vis des appareils syndicaux, les membres du comité des travailleurs révolutionnaires privilégiaient la discrétion, en diffusant les tracts subrepticement, à l’intérieur des ateliers par exemple. Nous intervenions de manière individuelle mais coordonnée lors des assemblées générales, des meetings et des débrayages d’ateliers. Nous insistions sur le fait de promouvoir un mode de fonctionnement qui privilégie la constitution d’un comité ou d’un collectif de lutte, pour stimuler une hausse des revendications. Nous exprimions aussi les idées d’autogestion, de contrôle ouvrier, du refus de produire de l'équipement militaire et le rejet de l’idéologie du travail salarié…

Paul Anton : Bref, l’idée des soviets !

M.B : Vraisemblablement !

Paul Anton : Combien étiez-vous à cet instant ?

M.B : Environ une centaine de membres actifs, mais il m’aurait été difficile d’évaluer le nombre des sympathisants. Je pense qu’il a pu se chiffrer à quelques centaines. Notre impact s’amplifiera pendant la phase dure du conflit. Le comité des travailleurs révolutionnaires, via les piquets de grève, deviendra ouvertement la structure organisatrice et référenciée parmi les travailleurs combatifs. Aucune décision ne pouvait se prendre en dehors du cadre des assemblées générales. Le comité des travailleurs révolutionnaires a été, à ce moment, en adéquation totale avec la lutte. La propagande anarchiste s’est manifestée. Certains grévistes ont découvert qu’ils partageaient une large sympathie pour cette idéologie. C’est pour cela qu’apparaît le drapeau noir à coté du drapeau rouge pendant toute la durée des piquets de grève ! Ils seront hissés en haut du mât tandis que plusieurs milliers de grévistes entonneront l’Internationale ! La CGT, outrée, a tenté d’imposer la présence du drapeau tricolore. Les grévistes l’ont brûlé car ils n’admettaient que ces deux couleurs : le rouge (le mouvement ouvrier) et le noir (l’anarchisme) !

Paul Anton : les syndicats ont-ils eu une posture unanime ?

M.B : La CGT et FO ont été très embarrassées et la CFDT a soutenu le conflit tout en étant divisée. Le vrai problème était que celui-ci concernait les OS. Ce conflit n’arrivait pas à s’étendre aux autres salariés, dont une majorité inactive avait tergiversé sur le fait de soutenir ou de s’opposer au conflit, le bénéfice profitant à chacun en cas de victoire. Soucieux des élections syndicales, les syndicats se sont retrouvé écartelés entre une majorité inactive et une minorité offensive qui maintenait la tradition historique de lutte ouvrière à RVI. Les syndicats n’ont pas souhaité courir le risque de se mettre à dos l’une ou l’autre. Leur existence s’en trouvait liée.

Paul Anton : Le comité des travailleurs révolutionnaires dominait, si j’ai bien compris !

M.B : Oui, l’AG des piquets de grève menait la lutte et les syndicats se voyaient obligés de négocier indirectement avec le comité des travailleurs révolutionnaires. Je rajouterai que la démarche visant à la création du comité des travailleurs révolutionnaires ne s’est pas arrêtée qu’à RVI. Elle s’est mise en marche sur d’autres lieux : SMN, PTT, CHU, Moulinex. Une réelle dynamique d’auto-organisation s’est ébauchée vis-à-vis des syndicats et des partis politiques de gauche, qui posaient, à terme, leur légitimité à encadrer et représenter les exploités.

Paul Anton : Quelle a été l’analyse des grévistes ?

M.B : Ces derniers se sont posé le dilemme suivant : arrêter ou continuer ! Nous n’entraînions pas la totalité des salariés de notre côté. La direction avait joué sur le pourrissement et les syndicats s’étaient trouvés dans l’expectative. Les grévistes ont décidé de monter l’action d’un cran en proposant l’occupation de l’usine et ont envisagé d’étendre le conflit au niveau de l’agglomération. C’est à partir de ce moment là que la situation a changé très rapidement. La direction a essayé de mobiliser les non grévistes avec l’appui des cadres et de certains petits chefs. Lors d’une marche vers l’entrée principale de l’usine, ils ont tenté d’enfoncer le piquet de grève, qui tenait bon malgré les heurts violents.

Paul Anton : Que s’est-il passé ensuite ?

M.B : Les forces de l’ordre ont accompli leur besogne quelques temps plus tard, pour rétablir le libre accès à l’entreprise, en dégageant les camions qui obstruaient les entrées.

Paul Anton : Cédric Leroy a mentionné, dans son mémoire, l’intervention les forces de l’ordre à la demande effective des syndicats.

M.B : Il était tout à fait possible que les syndicats souhaitaient, d’une façon active ou passive, le concours de la police pour liquider ce conflit qu’ils ne maîtrisaient pas. Les relations entretenues par les deux camps ont d’ailleurs été de plus en plus inquiétantes, risquant d’instituer un climat très nuisible dans les conditions de travail. Il ne faut pas oublier que RVI était l’entreprise phare de la région. Je n’ai pas su si la CGT et FO sont intervenues directement. Mais si c’était la réalité : rien n’a filtré ! Au sujet de la CFDT, la polémique entre Guy Robert et Norbert A était connue. Guy Robert indiquait que Norbert A avait agi afin de favoriser l’intervention des forces de l’ordre.

Paul Anton : Qu’est-ce que vous avez décidé ?

M.B : Le comité des travailleurs révolutionnaires s’est fondu dans une structure dénommée « Débordement », en utilisant le même mode d’intervention. Son audience s’avérera importante pour continuer d’inquiéter les syndicats et la direction.

Paul Anton : Et la gauche est arrivée au bord du pouvoir ? Alors ? J’imagine que tu n’as pas fait la fête le 10 mai 1981 !

M.B : Avant cet événement, les syndicats, les partis de gauche, en y incluant l’extrême gauche trotskyste, ont placé leurs espoirs dans la réalisation du programme commun, contribuant largement à la démobilisation des travailleurs. Nous assistions à une décrue des luttes dures (ou directes). Cela a été le point mort ! « Débordement » a tenté de briser le mirage social-démocrate. Nous devions atteindre quelques années pour que celui-ci cesse.

Paul Anton : La réaction des patrons ne s’est pas fait attendre !

M.B : Ils ont profité de la nouvelle période, avec l’appui tacite de la gauche politico-syndicale, afin de nettoyer les entreprises des éléments radicalisés et révolutionnaires, qui étaient mutés continuellement d’un poste à l’autre à RVI. La hiérarchie appliquait une logique de plus en plus disciplinaire, usant de techniques connues d’isolement, pour affaiblir psychologiquement les travailleurs combatifs. L’amoindrissement du rapport de force a permis à la direction de liquider le noyau révolutionnaire. Personnellement, comme d’autres, soumis à ce genre de traitement, j’ai choisi de quitter RVI en empochant l’indemnité de licenciement plutôt que d’attendre la faute grave.

Paul Anton : Ce qui explique en partie la faiblesse des luttes actuelles.

M.B : En effet, la réaction patronale s’est exercée minutieusement envers les éléments radicaux sur l’ensemble du territoire, surtout dans les établissements dits sensibles : les entreprises, les administrations, la fonction publique, etc. Tout cela a montré nettement qu’en dernier recours, la social-démocratie était l’allié du capital, n’hésitant pas à anéantir les forces révolutionnaires, pour que ce dernier continue de renforcer l’extraction de la plus-value garante du taux de profit.





























IX. INTERVIEW DE PAUL MATTICK PAR LE QUOTIDIEN ITALIEN LOTTA CONTINUA EN OCTOBRE 1977 :

Cette interview permet de saisir la situation de l’époque, caractérisée, dans une moindre mesure, par l’évolution des appareils de la gauche politico-syndicale, qui promulgue une logique d’intégration (au jeu) collaborationniste. Nous sommes en 2005 et constatons que ces appareils de la gauche politico-syndicale sont des appareils idéologiques bourgeois au service du capital. Il est aujourd'hui impossible de renforcer et de développer une perspective révolutionnaire en escamotant le rapport soumission/rupture entretenu par le prolétariat avec la social-démocratie et le néo-léninisme. Les exploités et les opprimés ne pourront combattre leur aliénation qu’en provoquant un conflit ouvert avec ces appareils de la gauche politico-syndicale. Cela induit, de fait, une pratique autonome du dispositif structurel des exploités et des opprimés, d’où l’objet de ce cahier.

L.C : Tout semble indiquer que nous sommes entrés dans une nouvelle période de grave crise économique et sociale. Quels en sont les traits par comparaison avec la crise des années 1930 ?

P.M : Les raisons fondamentales de la crise actuelle sont identiques à celles de toutes les crises du système capitaliste. Mais toutes les crises présentent aussi des caractéristiques spécifiques en ce qui concerne leur apparition, les réactions qu’elles provoquent et leurs conséquences.
A l’origine de ces traits distinctifs se trouvent les transformations structurelles du capital. Une crise survient en général à la suite d’une période d’accumulation convenable, au cours de laquelle les profits produits et réalisés ont suffi à assurer le maintien d’un rythme d’expansion donné.
Cet état de prospérité capitaliste exige des gains de productivité constants et assez élevés pour contrebalancer le déclin relatif de rentabilité qu’entraînent les transformations structurelles du capital. La recherche du profit, que les capitaux individuels effectuent sous le fouet de la concurrence, donc à l’aveuglette, ne peut que se poursuivre sans tenir compte des transformations intervenues dans le rapport capital/travail inhérent à la composition sociale du capital.
La crise fait irruption quand la disproportionnalité entre la fraction du profit destiné au capital social et le taux d’accumulation voulu interdit toute nouvelle expansion. Cette disparité de base, mais indéterminable par voie empirique, se fait sentir au niveau du marché sous forme d’un défaut de demande effective, lequel n’est qu’une autre expression pour désigner le défaut d’accumulation, de cette accumulation dont dépend la demande effective.
Avant 1930, on remédiait aux dépressions économiques par des procédés déflationnistes, autrement dit en laissant libre cours aux lois du marché dans l’espoir que la baisse d’activité aurait tôt ou tard pour effet de restaurer l’équilibre de l’offre et de la demande, et partant de rétablir la rentabilité du capital.
La crise de 1930 fut cependant trop profonde et trop dispensieuse pour qu’on pût s’en tenir au laisser faire traditionnel. On y fit face par des procédés inflationnistes, autrement dit par des interventions de l’état, appelées à déboucher sur la guerre, pour restaurer l’économie mondiale au moyen d’une centralisation à outrance, accomplie au détriment des capitaux nationaux les plus faibles, autant que d’une destruction systématique du capital sous ses formes à la fois monétaires et physiques. Financées comme elles l’étaient par le déficit budgétaire, c'est-à-dire par des techniques inflationnistes, ces interventions avaient des résultats encore et toujours déflationnistes, mais d’une tout autre ampleur qu’autrefois, quand on s’en remettait passivement aux lois du marché. La longue crise puis la deuxième guerre mondiale, et les destructions massives de capital qui les accompagnèrent, créèrent les conditions d’une période extraordinairement longue d’expansion dans les grandes puissances industrielles d’occident.
Déflation et inflation aboutirent l’une et l’autre au même résultat, un nouvel essor du capital, et servirent de la sorte et tour à tour à sauvegarder la stabilité économique et sociale ainsi acquise. Le financement par le déficit budgétaire, par le crédit en d’autres termes, permet certes de stimuler une économie en stagnation. Mais il est impossible de maintenir le taux de profit de cette façon là et de perpétuer ce faisant les conditions de la prospérité. Ceci étant, le mécanisme déclencheur de crise inhérent à la production du capital était appelé à se remettre en place de lui-même : simple question de temps.
A l’heure actuelle, il est manifeste que l’octroi de crédits destinés à relancer la production constitue non pas une solution définitive à la crise, mais une politique au coup par coup dont les effets positifs ne peuvent être que temporaires. Faute d’aboutir à un véritable, un évident essor fondé sur des profits accrus, cette politique est voué à un échec dont elle contient en elle-même le germe.
La médicalisation keynésienne a tout bonnement engendré une nouvelle situation de crise, assortie d’inflation et de chômage également croissants, et l’un comme l’autre tout aussi préjudiciables au système capitaliste. La crise en cours n’a pas atteint jusqu’à présent l’ampleur dévastatrice de la précédente qui, pendant les années 30, devait conduire de la dépression à la guerre.
Tout en étant incapables de mettre fin au marasme actuel, les mesures anticrises pallient jusqu’à un certain point la misère causée par la baisse d’activité. Mais, dans le cadre d’une économie en stagnation, ces mesures deviennent elles-mêmes autant d’éléments contribuant à détériorer celle-ci par la suite. Ne rendent-elles pas plus ardue la reconstitution d’une base de départ pour un nouvel essor ? De même, la dépression qui va croissant à pour conséquence de restreindre à proportion la part d’intégration internationale que l’économie capitaliste doit à des arrangements monétaires et à des politiques commerciales d’inspiration libérale. Et les tendances au protectionnisme aggravent encore l’état du marché mondial.
Etant donné que la crise ne peut être que jugulée qu’aux dépens de la population laborieuse, la bourgeoisie se voit contrainte de mobiliser tous les moyens dont elle dispose, économiques aussi bien que politiques, pour réduire le niveau de vie des travailleurs. La montée du chômage, tout en pesant sur la situation, ne suffit pas à faire baisser les salaires autant que l’exige le rétablissement de la rentabilité du capital. Pour arriver à ce rétablissement, préalable obligé à la reprise de l’expansion, il faut comprimer les revenus des couches non capitalistes, diminuer le budget dit social, etc. Bien qu’une inflation accélérée ait cet effet là, pareille politique trouve aussi ses limites dans « l’anarchie » croissante de la production capitaliste et de la société en général. Bref, l’inflation comme politique permanente menace l’existence même du système.

Gauche et eurocommunisme

L.C : A ce propos, comment vois tu le rôle de la gauche, et plus particulièrement du parti communiste ? Quelle est selon toi la signification de l’eurocommunisme ?

P.M : Il faut distinguer entre la gauche objective, c'est-à-dire le prolétariat comme tel, et la gauche organisée, qui n’est pas de nature strictement prolétarienne. Au sein de cette dernière, le parti communiste, tout du moins en Italie, détient une position dominante. En ce moment ci, toujours en Italie, c’est lui qui le plus probablement détermine la politique de la gauche, malgré l’opposition des formations situées à sa gauche ou à sa droite. Mais le P.C. n’est pas une organisation communiste au sens traditionnel : depuis longtemps transformé en mouvement social-démocrate, en parti réformiste, il vit en symbiose avec le capitalisme et donc s’offre à le servir.
Son objet pratique est de satisfaire les aspirations bourgeoises de son corps dirigeant, les besoins de sa bureaucratie, tout en faisant office de médiateur entre le travail et le capital en vue de maintenir le statu quo social. Le fait qu’il rencontre une adhésion massive en milieu ouvrier indique que les travailleurs ne sont pas prêts à renverser le système, ou n’y tiennent pas, et désirent à la place arriver à un accommodement avec lui. Illusion, assurément, mais qui va dans le sens de la politique opportuniste du P.C. Une dépression prolongée risquant de détruire le système, il est essentiel pour le parti communiste, autant que pour les autres organisations réformistes, d’aider la bourgeoisie à en finir avec la crise. C’est pourquoi il s’efforce de couper court à des actions ouvrières susceptibles de freiner, voir d’empêcher, le redressement du capitalisme. Dès que ce dernier se trouve mis en danger par des mouvements de la classe ouvrière, que le système en proie à la crise ne saurait contenter, la politique réformiste et opportuniste du P.C. revêt un caractère ouvertement contre-révolutionnaire.
L’eurocommunisme cher au P.C. est dépourvu de toute signification parce que le communisme est une catégorie non pas géographique mais sociale. Ce terme vide recouvre une tentative, de la part des P.C. européens, de différencier leurs attitudes actuelles d’avec leurs politiques passées. C’est une manière de proclamer que le vieux but capitaliste d’Etat depuis longtemps enterré en pratique a été abandonné au profit de l’économie mixte propre au capitalisme d’aujourd’hui. Eurocommunisme, cela signifie la recherche d’une reconnaissance officielle et d’une intégration totale au système en place, lesquelles impliquent naturellement une intégration aux divers Etats nationaux que compte le territoire européen. Une manière aussi de faire acte de candidature à des responsabilités accrues dans le cadre du système capitaliste et de son gouvernement, de s’engager en outre à respecter le degré limité de coopération atteint dans le contexte européen par les nations capitalistes et à s’abstenir de toute initiative risquant de compromettre le consensus apparent entre l’Est et l’Ouest.
Il s’agit en l’occurrence non pas d’une rupture catégorique avec la partie capitaliste d’Etat du monde, mais de consécration du fait que ce camp là, vise à s’intégrer plus complètement au marché mondial, malgré les différences qui subsistent entres systèmes de capitalisme privé et de capitalisme d’Etat.

L’efficacité révolutionnaire

L.C. : Quelles possibilités d’action révolutionnaire, ou d’action visant à préparer une révolution, existe-t-il ? Quelles possibilités vois tu pour les travailleurs, les chômeurs, les étudiants, les formations gauchistes ?

P.M : Les actions révolutionnaires sont dirigées contre le système comme un tout pour le renverser. Ce qui présuppose une dislocation du corps social, hors de tout contrôle politique. Jusqu’ici, pareilles actions ne sont produites qu’en liaison avec des catastrophes sociales, telles celles qu’engendrent des guerres perdues et l’état de désagrégation économique qui va de pair avec elles. Cela ne veut pas dire que ce genre de situation constitue un préalable absolu à la révolution, mais revient à constater l’ampleur de la désintégration sociale qui précède les soulèvements révolutionnaires. La révolution doit forcément impliquer la majorité de la population. Et c’est la nécessité, non l’idéologie, qui met les masses en mouvement. L’activité qui s’ensuit produit son idéologie révolutionnaire propre, en vue de discerner ce qu’il y a lieu de faire pour sortir victorieusement de la lutte contre les défenseurs du système. A l’heure actuelle, les possibilités d’action révolutionnaire sont extrêmement faibles, parce que les chances de succès sont nulles.
Instruites par l’expérience, les classes dirigeantes s’attendent à des éruptions révolutionnaires et se sont armées en conséquence. Leur puissance militaire n’est jusqu’à présent nullement menacée de dissensions intestines ; politiquement, ces classes jouissent du soutien des grandes organisations ouvrières et de la majorité de la population. Elles n’ont pas encore épuisé les possibilités de manipuler l’économie qui s’offrent à elles ; malgré une concurrence internationale toujours plus âpre pour des profits en voie de contraction à l’échelle internationale, elles demeurent unies dans le monde entier contre les soulèvements prolétariens partout où ils pourraient surgir. Les régimes soi disant socialistes participent eux aussi à ce front commun : pour sauvegarder les rapports de classe, les rapports d’exploitation qui leurs servent de base. Au stade de développement où nous sommes, une révolution socialiste semble plus que douteuse. Il n’en reste pas moins que toute activité des travailleurs visant à défendre leurs intérêts propres possède un caractère potentiellement révolutionnaire, étant donné que le capitalisme se trouve dans un état de délabrement susceptible de durer longtemps. Vu le manque de données utiles, personne ne saurait prévoir quelles dimensions la dépression est appelée à prendre. Mais chacun est confronté à la crise et doit y réagir : la bourgeoisie à sa manière, la classe ouvrière de façon opposée.
En période de relative stabilité économique, la lutte ouvrière elle-même à pour effet d’accélérer l’accumulation du capital, en forçant la bourgeoisie à adopter des méthodes plus efficaces pour accroître la productivité du travail et conserver de la sorte le taux de profit voulu. Les salaires et les profits peuvent s’élever de conserve sans que cela nuise à l’expansion du capital. Mais une dépression met fin cependant à cette hausse simultanée (quoique inégale). Pour que le processus d’accumulation puisse redémarrer, il faut d’abord que la rentabilité du capital soit rétablie. Désormais, la lutte entre le travail et le capital met en cause l’existence du système, liée qu’elle est à l’expansion continue de ce dernier.
Objectivement, les luttes économiques ordinaires revêtent des implications et donc des formes politiques, parce qu’une classe ne peut l’emporter qu’au détriment de l’autre. La classe ouvrière n’a nul besoin de concevoir sa lutte comme la voie de la révolution ; dans le cadre d’un capitalisme en déclin persistant, ses luttes prennent des connotations révolutionnaires, et cela complètement en dehors de toute prise de conscience. Bien sûr, il se peut que les travailleurs acceptent de se contenter d’une part diminuée, dans certaines limites, du produit social, serait ce uniquement pour éviter les misères d’une lutte prolongée contre la bourgeoisie et son Etat. Mais voilà qui risque fort de ne pas être suffisant pour nourrir un nouvel essor économique et mettre un terme du même coup à la croissance du chômage. Tout en étant inhérente au système, la division entre travailleurs en activité et en sans travail se transforme en source de difficultés pour le capitalisme, dès lors qu’il y a montée du chômage dans un contexte de stagnation et de déclin économiques. Quant aux moyens de réagir à la crise, tout ce qu’on suggère aux travailleurs, c’est de s’unir tous tant qu’ils sont, avec ou sans travail, dans des organisations placées sous le contrôle direct, et de se battre pour leurs besoins immédiats, sans tenir compte de l’état de l’économie ni de la collaboration de classe du mouvement ouvrier officiel. En d’autres termes : de mener leur lutte de classe avec autant d’acharnement que la bourgeoisie mène la sienne. Au grand moyen de l’action de celle-ci, son appareil d’Etat, il faut opposer une puissance plus considérable encore, ce qui ne peut se faire au début que par une dislocation continue du processus base même de la puissance capitaliste et par une poussée implacable des sans travail visant à extorquer à la bourgeoisie leurs moyens d’existence.
Quant aux étudiants d’extrême gauche et aux groupes révolutionnaires, s’ils veulent avoir une efficacité quelconque, il faut s’immerger dans le mouvement des travailleurs et des chômeurs : non pour réaliser un programme à eux, mais pour mieux cerner le sens de la lutte des classe qui se profile à l’horizon et les directions qu’elle est appelée à prendre en raison des lois immanentes de la production du capital.

Violence et action de classe

L.C : D’après toi, quel est le rôle de la violence, de la lutte armée en particulier, dans l’action militante ?

P.M : Ce n’est pas une question à laquelle on peut répondre en attribuant à la violence un rôle ou positif ou négatif. La violence est immanente au système et donc une nécessité pour le travail autant que pour le capital. De même que la bourgeoisie ne subsiste qu’en vertu de sa mainmise sur les moyens de production, de même il lui faut la défendre par des procédés extra économiques, grâce à son monopole des moyens de répression. Un refus de travail suffit à priver de sens les moyens de production, car le profit capitaliste n’a pas d’autre origine que le processus du travail. Entre le travail et le capital, il n’est donc pas question de lutte purement économique : la bourgeoisie ne manquera pas de recourir à la violence chaque fois que cette lutte menacera son existence en risquant de compromettre sérieusement la rentabilité du capital.
Voilà qui interdit aux travailleurs toute espèce de choix entre la violence et la non violence dans la lutte des classes. C’est la bourgeoisie, en possession de l’appareil d’état, qui en décide ainsi. A la violence il n’est possible de répondre que par la violence, même s’il faut se battre avec des armes inégales à l’extrême. Il s’agit en l’occurrence non d’une question de principe, mais bien de la réalité, de la structure propre à la société de classes. Cependant, la question posée est de savoir si les éléments radicaux doivent ou non prendre l’initiative de la violence au cours des luttes anticapitalistes, au lieu de laisser à la bourgeoisie et à ses mercenaires le soin d’en décider.
Certes, il peut y avoir des situations auxquelles la bourgeoisie n’est pas prête à faire face et où un heurt violent avec ses forces armées se termine à l’avantage des révolutionnaires. Mais toute l’histoire des mouvements d’inspiration radicale montre avec la dernière netteté que des victoires aussi fortuites restent sans lendemain. La bourgeoisie finira toujours par avoir le dessus sur le plan militaire, sauf si le mouvement révolutionnaire prend une ampleur telle que l’appareil d’état lui-même en est affecté, ses forces armées se divisant ou se dissolvant. C’est seulement en conjonction avec de grands moyens de masse, qui font littéralement voler en éclats l’édifice social, qu’il devient possible d’arracher au classes dirigeantes les moyens de répression et du même coup les moyens de production. La futilité évidente de confrontations armées par trop inégales n’a pas empêché qu’il s’en produise. Qui plus est, dans certaines situations, pareilles confrontations peuvent déclencher des réactions en chaîne et déboucher sur des mouvements de masse du genre qui sert en général de préalable à la violence révolutionnaire. Voilà pourquoi il est si dangereux d’insister sur la non violence et de faire de la violence l’apanage de la classe dominante. Mais cela concerne des situations véritablement cruciales (non pas celles que les pays capitalistes connaissent actuellement) et aussi des forces suffisamment armées pour pouvoir tenir le coup pendant très longtemps. Dans le cas contraire, de telles actions reviennent à un suicide collectif pur et simple, chose dont la bourgeoisie s’accommode volontiers.
On peut les louer d’un point de vue moral, ou même esthétique, mais elles ne servent nullement la cause de la révolution prolétarienne ; tout où plus entrent elles un jour dans le folklore révolutionnaire. Psychologiquement, il est difficile sinon impossible pour des révolutionnaires de s’élever contre la futile mise en œuvre de la justice de classe par des groupes ou des individus terroristes. Marx lui-même, pourtant contempteur déclaré du nihilisme sous toutes ses formes, ne cachait pas son admiration pour les exploits terroristes du groupe russe de la Volonté du Peuple. De fait, que le contre terrorisme de certains groupes révolutionnaires soit voué à la futilité est une chose, qu’il disparaisse pour autant en est une autre. Ses adeptes ne sont pas animés de la conviction que leurs actions déboucheront directement sur la transformation de la société ; ils ne se résignent pas à laisser sans réplique le perpétuel terrorisme de la bourgeoisie, voilà tout. Et une fois lancés dans le terrorisme illégal, le terrorisme légal les contraint à la fuite en avant jusqu’au dénouement tragique. Cette famille d’esprits est elle-même un produit de la société en crise et une réponse à sa férocité toujours accrue. Se joindre au chœur des voix bourgeoises pour condamner également le terrorisme d’un point de vue prolétarien, ne rime à rien. Il vaut mieux constater sa futilité, et rechercher des moyens plus efficaces d’en finir avec la permanente terreur capitaliste par des actions de classe du prolétariat.

X. CONCLUSION :

Les questions d’ordre tactique et théorique posées aux salariés à notre époque sont de savoir : Pourquoi ? Comment ? Sur quoi ? Contre qui lutter ?
Ce cahier a tenté de montrer que les luttes dans l’entreprise et la cité sont de même nature, car les rapports de production et de consommation s’édifient sur des contradictions identiques, dont la contradiction basée sur le rapport capital/travail, induisant la relation exploités/exploiteurs. Les conditions de travail se juxtaposent aux conditions d’habitat et les réalités de salaires sont identiques à celles du pouvoir d’achat : inégalitaires. La propriété privée des moyens de production légitime aussi la propriété des moyens de consommation. C’est dire si la lutte doit embraser l’ensemble des rapports de la sphère sociétale. Cela conforte le concept globaliste avancé par la CNT-AIT.
Les luttes salariales dans leurs manifestations radicales, tant en Italie qu’à RVI, révèlent l’opposition inconciliable des intérêts du prolétariat et de la bourgeoisie, ainsi qu’une divergence entre le prolétariat radical et les appareils de la gauche politico-syndicale. Ce cahier rappelle les traits saillants de cette problématique relative à notre époque.
De nos jours, certains tentent d’opposer l’autonomie populaire et l’anarcho-syndicalisme. Ceci constitue plusieurs inepties dans le raisonnement. La CNT-AIT se réfère aux principes suivants : « la résistance populaire autonome », « le rejet des institutions étatiques et bourgeoises », « la lutte des classes », « l’action et la démocratie directe ». On en déduit que l’autonomie populaire et l’anarcho-syndicalisme sont de même essence.
Au sujet de la violence et de la radicalité, nous renverrons le lecteur à l’interview de Paul Mattick pour nous démarquer d’un folklore entretenu par ceux qui confondent la radicalité des masses et des groupuscules autoproclamés, d’autant plus que leur radicalité se limite au verbiage gauchisant et à des quolibets anti-policiers.
A ceux qui rejettent l’intérêt des revendications immédiates, en se déclarant anti-syndicalistes et, par contre coup, idéalisant les luttes italiennes des années 70, nous leurs rappellerons que si l’anarcho-syndicalisme n’a pas encore vaincu le capitalisme : ce constat historique s’applique aussi à l’autonomie. Bien des adeptes de cette époque là, qui s’en revendiquent aujourd’hui, procèdent par méconnaissance. Ces luttes étaient agencées justement sur le versant des revendications immédiates, dans le cadre de la restructuration. De fait, le caractère révolutionnaire ou non des revendications immédiates est à analyser entièrement dans le contexte produit par la situation économique : les revendications immédiates sont acceptables dans la phase de croissance fordiste pour les tenants du capital et les mêmes, lors d’une crise cyclique conjoncturelle et/ou structurelle, peuvent entraîner une accélération des antagonismes de classes, puis déboucher sur un conflit majeur. Ce processus observé dans l’Italie des années 70 aurait pu aboutir à l’enclenchement d’une transformation révolutionnaire comparable à l’Espagne de 1936.
Il faut se méfier d’une rhétorique à la mode qui se glose de « la société du spectacle » et d’un néo-situationnisme, car tous les faits sociaux et historiques doivent être contextualisés et mis en situation. Il est nécessaire de rompre avec un pseudo gauchisme qui n’établit aucun lien dialectique entre les faits, pour leur adjoindre l’éclectisme. Ce pseudo gauchisme préfère le fétichisme de la nostalgie, le placage de principes et de mots d’ordre en dehors du mouvement du réel, les grandes messes spectaculaires à la multiplication d’actions concrètes dans le champ social.

Paul Anton, Caen 2005.
Merci aux compagnons pour leur aide.

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Messagepar NOSOTROS » Dimanche 20 Avr 2008 23:36

As tu un lien pour télécharger la brochure ?

SInon j'ai retrouvé dans mes archives deux textes sur le sujet (attention je ne les ai pas lu depuis longtemps je ne me souviens plus leur qualité intrinsèque. Je les donne pour info seulement) :

Operaïsme
par François Matheron


Article paru d'abord dans Georges Labica et Gérard Bensussan, ed. Dictionnaire critique du marxisme, pp. 49-56. Paris : Presses Universitaires de France, 1982.

Voyez la trad. espagnole

Mouvement théorique et politique italien, l'operaismo est essentiellement actif dans les années 60 et au début des années 7o. A une époque où le mouvement ouvrier, en crise, est pris dans des débats extrêmement « idéologiques », l'opéraïsme se caractérise essentiellement par un « retour à la classe ouvrière ». On en retiendra :



1/ Une méthode.



« Nous avons considéré, nous aussi, le développement capitaliste tout d'abord, et après seulement les luttes ouvrières. C'est une erreur. Il faut renverser le problème, en changer le signe, et repartir du commencement : et le commencement, c'est la lutte de la classe ouvrière » (M. Tronti, p. 105). Non seulement, donc, la lutte de classes est le moteur de l'histoire, mais surtout le rapport est asymétrique. Ce sont les mouvements, pas toujours visibles, de la classe ouvrière qui expliquent ceux du Capital et de la société capitaliste, et non l'inverse.

Cette idée abstraite prend son sens avec l'introduction du concept de composition de classe. La classe ouvrière n'est pas une notion mythologique, mais un ensemble historiquement composé. Composition technique : analyse du procès de travail, de la technologie, non pas en termes sociologiques, mais comme sanction d'un rapport de force entre les classes. Exemple : fordisme et taylorisme ont d'abord pour but de briser la résistance des ouvriers de métier et de leurs syndicats en imposant un nouveau type de procès de travail. Il convient donc d'analyser en détail les procès de travail, leurs changements, pour comprendre ce que signifie « lutte de classes » : « évidence » marxiste qui ne l'était plus. Composition politique : au sein de la classe ouvrière, certaines fractions jouent un rôle politique moteur. La classe ouvrière ne se contente pas de réagir à la domination du Capital, elle est en perpétuelle recomposition politique, et le Capital est contraint de réagir par une restructuration continuelle du procès de travail. Il convient donc d'analyser cette recomposition politique, la circulation des luttes.



2/ Un point de vue global.



Dès les premiers textes de Raniero Panzieri, l'attention est portée sur la planification. Le Capital n'est plus essentiellement propriété privée ; c'est d'abord un pouvoir social visant à contrôler les mouvements de classe. D'où une vision nouvelle de l'État : non plus simple garant, mais organisateur de l'exploitation, agissant directement dans la production. La forme de l'État est une conséquence de la composition de classe. Antonio Negri peut ainsi montrer que l'État « keynésien » et, plus généralement, ce qu'il nomme « État-plan » n'est autre chose que l'inscription, au cœur du développement capitaliste, de la Révolution d'Octobre : le pouvoir ouvrier est reconnu comme variable indépendante.



3/ Un mouvement politique.




Si la classe ouvrière est le moteur du développement capitaliste, elle peut également être, et elle est, une force de rupture. Dans une période de reflux apparent, où l'on parle volontiers d'intégration de la classe ouvrière, les opéraïstes prédisent, et cherchent à organiser l'émergence de nouvelles luttes impulsées par une figure nouvelle : l'« ouvrier masse », ouvrier non qualifié des grandes usines. Luttes salariales égalitaristes, non comme revendications corporatistes, mais comme force de rupture politique susceptible de bloquer le système et d'accroître le pouvoir ouvrier. Le mouvement de 68 sera perçu comme une confirmation de ces thèses. Il y a possibilité de rupture, et donc de construction du communisme (contre le socialisme, forme nouvelle de développement) ; mais l'État peut également imposer sa restructuration, les luttes ouvrières devenant une fois de plus simple moteur du développement.



4/ Un mouvement dans l'Histoire.



La volonté d'organiser des mouvements souvent en conflit ouvert avec le mouvement ouvrier traditionnel provoque une rupture au sein de la revue originaire, Quaderni Rossi, dirigée par Panzieri : en 1964, naît le journal Classe operaia, animé entre autres par Mario Tronti, Romano Alquati et Antonio Negri, qui éclatera en 1966, une partie du groupe, Tronti en tête, finissant un peu plus tard par adhérer au PCI. Après 1968, le groupe Potere Operaio sera en quelque sorte l'héritier de l'autre tendance ; son autodissolution en 1973 sonnera l'heure de l' « autonomie ouvrière ». Negri élaborera en particulier la théorie de l' « ouvrier social » comme figure nouvelle de la classe ouvrière, non plus cantonnée dans les grandes usines, mais diffuse sur l'ensemble du territoire, le concept de travail productif prenant une extension beaucoup plus grande, l'État devenant toujours davantage l'ennemi direct. Mais il s'agit déjà d'une autre histoire.



• BIBLIOGRAPHIE.



Revues :

Quaderni Rossi, 1961-1965, rééd., Rome, Nuove edizioni operaie, 1976-1978 ; Classe operaia, 1964-1967, rééd., Milan, Machina Libri, 1979 ; Contro-piano, Florence, La Nuova Italia.

Livres (en général recueils d'articles, réunis parfois beaucoup plus tard) :

Romano Alquati, Sulla Fiat, Milan, Feltrinelli, 1975 ; Antonio Negri, La Forma-Stato, Milan, Feltrinelli, 1977 ; Id., Crisi della Stato-piano, Milan, Feltrinelli, 1974 ; Id., Proletari e Stato, Milan, Feltrinelli, 1976 ; Raniero Panzieri, La crisi del movimento operaio, Milan, Lampugnani Nigri, I973 ; Id., La ripresa del marxismo-leninismo in Iialia, Milan, Sapere Edizioni, 1973 ; Alberto Asor Rosa, Intellettuali e classe operaia, Florence, La Nuova Italia, 1973 ; Mario Tronti, Operai e Capitale, Turin, Einaudi, 1966.


Recueils collectifs :

Operai e Stato, Milan, Feltrinelli, 1972 ; Crisi e organizzazione operaia, Milan, Feltrinelli, 1974 ; L'operaio multinationale in Europa, Milan, Feltrinelli, 1974 ; Imperialismo e classe operaia multinationale, Milan, Feltrinelli, I976.

Disponibles en français :

A. Negri, La classe ouvrière contre l'État, Paris, Galilée, 1978 ; R. Panzieri, Plus-value et planification, in Luttes ouvrières et capitalisme aujourd'hui, Paris, Maspero, 1968 ; M. Tronti, Ouvriers et Capital, Paris, C. Bourgois, 1977.

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Que signifie l'autonomie aujourd'hui ?
Le capital recombinant et le cognitariat.
par Bifo (Franco Berardi)
Texte initialement en ligne à l'adresse suivante : http://www.republicart.net/disc/realpub ... i01_fr.htm

Merci à republicart.net d'en avoir autorisé la reprise sur le site de Multitudes



Non pas sujet, mais subjectivation



Je n'entends pas esquisser ici l'historique du mouvement que l'on nomme "autonomie" mais voudrais expliquer sa spécificité historique par l'étude de quelques concepts tels que le "refus du travail" et la "composition de classes". Les journalistes emploient souvent le mot "operaismo" ("opéraïsme") pour décrire un mouvement politique et philosophique qui fit son apparition en Italie dans les années '60. Je n'aime pas du tout ce concept, parce qu'il réduit la complexité de la réalité sociale au simple fait de la position centrale des ouvriers de l'industrie dans la dynamique sociale de l'époque moderne tardive.

L'origine de ce mouvement philosophique et politique peut être située dans les ouvrages de Mario Tronti, Romano Alquati, Raniero Panzieri et Toni Negri, et son thème central est l'émancipation de la conception du sujet de Hegel. Au lieu du sujet historique, hérité de Hegel, nous devrions parler du processus de subjectivation. La subjectivation assume le lieu conceptuel du sujet. Cette transformation du concept est intimement liée à la transformation contemporaine du paysage philosophique, promue par le post-structuralisme français. La subjectivation au lieu du sujet ; cela signifie que nous ne nous concentrons pas sur l'identité mais sur le processus du devenir. Cela signifie également que le concept de classe sociale n'est pas un concept ontologique mais qu'il doit être compris comme un concept vectoriel. Dans la pensée autonome, le concept de classe sociale est redéfini comme un investissement de désirs sociaux, c'est-à-dire la culture, la sexualité, le refus du travail. Dans les années '60 et '70, les philosophes qui écrivaient pour des magazines comme Classe operaia et Potere operaio ne parlaient pas d'investissements sociaux de désir : ils s'exprimaient d'une manière beaucoup plus léniniste. Mais leur geste philosophique amena une transformation importante dans le paysage philosophique, avec le passage de la centralité de l'identité ouvrière à la décentralisation du processus de subjectivation. Félix Guattari, qui découvrit l'"opéraïsme" après 1977 et que les penseurs autonomes ne découvrirent qu'après 1977, a toujours insisté sur le fait que nous ne devrions pas parler de sujet mais d'un "processus de subjectivation". Sur cette base, nous pouvons également mieux comprendre la signification du concept du refus du travail. Il ne signifie pas tant le fait évident que les ouvriers n'aiment pas se faire exploiter, mais plus que cela. Il signifie que la restructuration capitaliste, les changements technologiques et la transformation générale des institutions sociales sont précisément produits par l'activité quotidienne du se-soustraire-à-l'exploitation, ainsi que par le refus de la contrainte de produire de la plus-value, d'augmenter la valeur du capital et de diminuer ainsi la valeur de la vie.

Je n'aime pas le concept d'"opéraïsme" en raison de la restriction implicite à une référence sociale étroite (les ouvriers, "operai" en italien), et je préférerais utiliser le concept de "compositionnisme". Le concept de composition sociale ou de la composition de classes, qui a été largement utilisée par les penseurs "opéraïstes", a davantage à voir avec la chimie qu'avec l'histoire de la société.

J'aime l'idée selon laquelle le lieu où se produit le social n'est pas le solide et pierreux territoire historique d'origine hégélienne, mais un environnement chimique dans lequel la culture, la sexualité, la maladie et le désir se battent et se rencontrent et modifient continuellement le panorama. En utilisant le concept de composition, nous pouvons mieux comprendre ce qui s'est passé en Italie dans les années '70, et nous pouvons mieux comprendre ce que signifie l'autonomie : non pas la constitution d'un sujet, non pas la forte identification des êtres humains à un destin social, mais le changement continuel des rapports sociaux, des identifications et désidentifications sexuelles, et le refus du travail. Le refus du travail est précisément généré par la complexité des investissements sociaux du désir. En conséquence, l'autonomie désigne le fait que la vie sociale ne dépend pas seulement des régulations disciplinaires décrétées par le pouvoir économique, mais qu'elle dépend aussi des délocalisations, déplacements, replacements et dissolutions internes qui forment le processus d'auto-composition d'une société vivante. La lutte, la privation, l'aliénation, le sabotage - des lignes de fuite du système de domination capitaliste. L'autonomie, c'est l'indépendance du temps social par rapport à la temporalité du capitalisme. Le refus du travail signifie tout simplement : "Je ne veux pas aller travailler parce que je préfère dormir". Mais une telle paresse est aussi la source de l'intelligence, de la technologie et du progrès. L'autonomie est l'autorégulation du corps social, dans son indépendance et dans ses interactions avec la norme disciplinaire



Autonomie et dérégulation



Il existe un autre aspect de l'autonomie qui a peu été étudiée jusqu'à présent. Le processus d'autonomisation des ouvriers par rapport à leur rôle dans la disciplination a produit un séisme social qui, de son côté, a produit le dérégulation capitaliste. La dérégulation, apparue sur la scène internationale pendant l'ère Thatcher/Reagan, peut donc être considérée comme la réponse capitaliste à l'autonomisation des ouvriers par rapport à l'ordre disciplinaire du travail. Les ouvriers exigeaient leur libération de la régulation capitaliste, et le capital fit de même, mais inversement. La libération de la régulation par l'Etat devint le despotisme économique sur tout le champ social. Les ouvriers exigeaient leur libération de la détention à vie dans la prison de l'usine. La dérégulation y répondit par la flexibilisation et la fractalisation du travail.

Le mouvement autonome des années '70 mis en route un processus dangereux mais inéluctable : un processus qui évolua du refus social face à la domination disciplinaire capitaliste aux représailles capitalistes, qui prirent la forme de la dérégulation, de la liberté des entreprises par rapport à l'Etat, de la destruction des protections sociales, des licenciements et de l'externalisation de la production, de la diminution des dépenses sociales, de l'exonération fiscale et, enfin, de la flexibilisation. Ce mouvement d'autonomisation déclencha la déstabilisation du contexte social qui avait vu le jour grâce à la pression, pendant un siècle, des syndicats et de la régulation par l'Etat. Devons-nous alors regretter les actes de sabotage et de désobéissance, d'autonomie, de refus du travail, étant donné qu'ils semblent avoir provoqué la dérégulation capitaliste ? Absolument pas. Le mouvement d'autonomie a devancé le mouvement capitaliste, mais le processus de dérégulation était inscrit dans les lignes de développement du capitalisme postindustriel et était une implication naturelle de la restructuration technologique et de la globalisation de la production. Il existe un rapport étroit entre le refus du travail, l'informatisation des usines, les licenciements, l'externalisation des emplois et la flexibilisation du travail. Mais cette relation est beaucoup plus complexe qu'un enchaînement logique de causes et d'effets. Le processus de dérégulation était inscrit dans le développement de nouvelles technologies, qui a permis aux entreprises capitalistes de déclencher un processus de globalisation. Un processus similaire s'est produit pendant la même période dans le domaine des médias. Pensons simplement aux stations de radio libres des années '70. Dans l'Italie de l'époque, il y avait un monopole public, et les émissions radio libres étaient interdites. En 1975/76, un groupe de média-activistes commença à créer de petites stations de radio libres, comme Radio Alice à Bologne. La gauche traditionnelle (le Parti communiste italien, etc.) dénonça ces média-activistes et mit en garde contre le risque d'affaiblir le système médiatique public et d'aplanir le chemin aux médias privés.

Devrions-nous penser aujourd'hui que les membres de la gauche étatique traditionnelle avaient raison ? Je ne crois pas, je crois qu'ils avaient tort à l'époque, étant donné que la fin des monopoles publics était inéluctable et que la liberté de parole vaut mieux que des médias centralisés. La gauche étatique traditionnelle était une force conservatrice condamnée à disparaître et qui essayait désespérément de conserver un ancien cadre qui ne pouvait plus avoir d'avenir dans la nouvelle situation technologique et culturelle de la transition postindustrielle. On peut dire les mêmes choses de la fin de l'empire soviétique et de ce qu'on appelle le "socialisme réaliste". Chacun sait que les habitants de la Russie vivaient probablement mieux il y a 20 ans qu'aujourd'hui et que la prétendue démocratisation de la société russe a principalement consisté, jusqu'à présent, en la destruction des mécanismes de sécurité sociale, ainsi qu'en le déclenchement d'un cauchemar social de concurrence agressive, de violence et de corruption économique. Mais la dissolution du régime socialiste était inévitable, parce que cet ordre bloquait la dynamique de l'investissement social de désir et parce que le régime totalitaire empêchait l'innovation culturelle. La dissolution du régime communiste était inscrite dans la composition sociale de l'intelligence collective, dans l'imagination créée par les nouveaux médias globaux et dans l'investissement collectif de désir. C'est la raison pour laquelle l'intelligence démocratique et des forces culturelles dissidentes participèrent au combat contre les régimes socialistes, tout en sachant que le capitalisme n'était pas le paradis. A présent, la loi de la jungle s'est imposée dans l'ancienne société soviétique avec la dérégulation, et la population fait l'expérience de l'exploitation, de la misère et de l'humiliation à un degré inconnu jusque là ; mais cette transition était inévitable et, dans ce sens, elle doit être vue comme un changement progressiste.

La dérégulation ne signifie pas uniquement l'émancipation de l'entreprise privée par rapport à la régulation par l'Etat et la réduction des dépenses publiques et des mécanismes de sécurité sociale. Elle signifie également la flexibilisation croissante du travail. La réalité de la flexibilisation du travail est l'autre face de cette forme d'émancipation de la régulation capitaliste. Il ne faudrait pas sous-estimer le lien entre le refus du travail et la flexibilisation qui la suivit. Je me souviens qu'une des idées fortes des prolétaires autonomes, pendant les années '70, était que la "précarisation est une bonne chose". La précarisation du travail est une forme d'autonomie par rapport au travail régulier continuel, qui dure toute une vie. Dans les années '70, les gens travaillaient quelques mois, démissionnaient ensuite pour faire un voyage et revenaient travailler quelque temps. C'était possible à une époque de quasi plein-emploi et d'une culture égalitaire au-delà de la concurrence et du consumérisme. Cette situation permettait aux gens de travailler dans leur propre intérêt et non pas dans l'intérêt capitaliste, mais cela ne pouvait manifestement pas durer éternellement. L'offensive néolibérale des années '80 visait à renverser les rapports de force. La dérégulation et la flexibilisation du travail furent l'effet et le renversement de l'autonomie des ouvriers. Il ne faut pas seulement le reconnaître pour des raisons historiques. Si nous voulons comprendre ce qui doit être fait aujourd'hui, à l'époque du travail totalement flexibilisé, nous devons comprendre comment le capitalisme a pu prendre le contrôle des désirs sociaux.



Essor et chute de l'alliance du travail cognitif et du capital recombinant



Pendant ces dernières décennies, l'informatisation des machines a joué un rôle important dans la flexibilisation du travail, tout comme l'intellectualisation et l'immatérialisation dans les cycles de production les plus importants. L'introduction de nouvelles technologies électroniques et l'informatisation des cycles de production a ouvert la voie à la création d'un réseau global de la production d'information, déterritorialisé, délocalisé et dépersonnalisé. Le sujet du travail a pu être de plus en plus identifié au réseau global de la production d'information. Les travailleurs de l'industrie refusèrent leur rôle au sein de l'usine et obtinrent leur libération de la domination capitaliste. Mais cette situation amena les capitalistes à investir dans des technologies à faible intensité de travail et à modifier la composition technique du processus de travail pour mettre à la porte les ouvriers bien organisés et pour mettre en place une nouvelle organisation du travail qui pouvait être davantage flexible. L'intellectualisation et l'immatérialisation du travail sont un aspect des changements sociaux des modes de production. La globalisation planétaire est l'autre aspect. L'immatérialisation et la globalisation sont subsidiaires et complémentaires. La globalisation a en effet un côté très matériel parce que le travail industriel, à l'ère postindustrielle, ne disparaît pas simplement mais migre vers les zones géographiques où il est possible de payer des salaires peu élevés et où les régulations sont insuffisamment appliquées.

Dans le dernier numéro du magazine Classe operaia de 1967, Mario Tronti écrivait que le phénomène le plus important des prochaines décennies serait l'évolution de la classe ouvrière au niveau global et planétaire. Cette intuition ne se fondait pas sur une analyse du processus de production capitaliste, mais sur la compréhension de la transformation de la composition sociale du travail. La globalisation et l'informatisation pouvaient être prévues comme un effet du refus du travail dans les pays occidentaux capitalistes. Pendant les deux dernières décennies du vingtième siècle, nous avons été témoins d'une sorte d'alliance entre le capital recombinant et le travail cognitif. J'appelle "recombinants" les secteurs du capitalisme qui ne sont pas étroitement liés à une application industrielle précise mais qui peuvent être rapidement transférés d'un endroit à l'autre, d'une application industrielle à l'autre, d'un secteur de l'activité économique à l'autre, etc. Le capital financier, par exemple, qui joue le rôle principal dans la politique et la culture des années '90, peut être qualifié de recombinant. L'alliance du travail cognitif et du capital financier a eu des effets culturels importants tels que l'identification idéologique du travail et de l'entreprise. On a appris aux travailleurs à se considérer comme des chefs d'entreprise, et ce n'était pas tout à fait faux, dans la période des dotcoms, lorsque le travailleur cognitif pouvait fonder sa propre entreprise, puisqu'il lui suffisait d'investir sa force de travail intellectuelle (une idée, un projet, une formule). Pendant cette période, Geert Lovink définit la dotcom-mania dans son livre remarquable Dark Fiber. Qu'était la dotcom-mania ? En raison de la participation massive au cycle des investissements financiers dans les années '90, un large processus d'auto-organisation des travailleurs cognitifs se mis en route. Les travailleurs cognitifs investirent leur expertise, leurs connaissances et leur créativité et trouvèrent sur le marché des actions les moyens de fonder leur entreprise. Pendant quelques années, la forme de l'entreprise fut le point de rencontre du capital financier et du travail créatif hautement productif. L'idéologie libertaire et libérale qui dominait la cyberculture (américaine) des années '90 idéalisait le marché en le représentant comme un simple environnement. Dans cet environnement, aussi naturel que la lutte pour la survie des plus forts qui permet l'évolution, le travail trouverait les moyens nécessaires pour gagner de la valeur et devenir une entreprise. Une fois abandonné à sa propre dynamique, ce système économique en forme de réseau était destiné à optimiser les profits économiques pour tous, tant pour les propriétaires que pour les travailleurs ; ce également parce que la différence entre les propriétaires et les travailleurs devient de plus en plus difficile à percevoir quand quelqu'un entre dans le circuit de production virtuel. Ce modèle, qui a été théorisé par des auteurs comme Kevin Kelly et transformé par le magazine Wired en une sorte d'idéologie numérico-libérale, arrogante et triomphaliste, fit faillite dans les premières années du nouveau millénaire, en même temps que la Nouvelle Economie et une grande partie de l'armée des chefs d'entreprise cognitifs indépendants qui peuplaient le monde des dotcoms. Il fit faillite parce que le modèle d'un libre marché parfait est un mensonge pratique et théorique. Ce qui favorisait le néolibéralisme à terme, ce n'était pas le libre marché mais le monopole. Alors que le marché était idéalisé comme un espace de liberté, dans lequel la connaissance, l'expertise et la créativité se rencontrent, la réalité a montré que les grands groupes dominants travaillent d'une manière qui est très loin d'être libertaire, qui introduit des automatismes technologiques, s'impose par le pouvoir de l'argent et des médias et dépossède finalement de façon éhontée la masse des actionnaires et des travailleurs cognitifs.

Dans la seconde moitié des années '90, une véritable lutte des classes a eu lieu au sein du circuit de production de la haute technologie. L'apparition d'Internet a été marquée par cette lutte. L'issue de la lutte est encore incertaine pour le moment. L'idéologie d'un marché libre et naturel s'est certainement révélée être une grossière erreur. L'idée selon laquelle le marché fonctionne comme un simple environnement permettant une confrontation, au même niveau, des idées, des projets, de la qualité productive et de l'utilité des services, a été balayée par la cruelle vérité de la guerre menée par les monopoles contre la masse des travailleurs cognitifs indépendants et contre la masse quelque peu ridicule des "micro-traders". La lutte pour la survie n'a pas été gagnée par les meilleurs et ceux qui avaient eu le plus de succès, mais par ceux qui avaient pris les armes ; l'arme de la violence, du pillage, du vol systématique et du non-respect des normes légales et éthiques. L'alliance entre Bush et Gates a sanctionné la liquidation du marché, et c'est là que s'est terminée la phase de la lutte interne de la classe virtuelle. Une partie de la classe virtuelle est entrée dans le complexe technologico-militaire, une autre partie (la grande majorité) a été mise à la porte des entreprises et repoussée à la limite de la prolétarisation manifeste. Sur le plan culturel surgissent les conditions d'apparition d'une conscience sociale du cognitariat, et cela pourrait être le phénomène le plus important des prochaines années, la seule clé pour une solution au désastre. Les "dotcoms" étaient le laboratoire d'entraînement d'un modèle de production et d'un marché. Finalement, le marché fut toutefois vaincu et étouffé par les grandes entreprises, et l'armée des chefs d'entreprises indépendants et des microcapitalistes fut dévalisée et dissoute. Ainsi commença une nouvelle phase : les groupes qui avaient obtenu la suprématie dans le cycle de la netéconomie s'allient aux groupes dominants de l'Ancienne Economie (le clan Bush, un représentant de l'industrie du pétrole et de l'armement), et cette phase indique un blocage du projet de globalisation. Le néolibéralisme produisit sa propre négation et ceux qui étaient ses partisans les plus enthousiastes en devinrent les victimes marginalisées. Avec le crash des dotcoms, le travail cognitif s'est éloigné du capital. Les artisans numériques, qui se sentaient dans les années '90 comme les chefs de leur propre travail, reconnaissent maintenant peu à peu qu'ils ont été déçus et dépossédés, et c'est ce qui formera les conditions d'une nouvelle conscience des travailleurs cognitifs. Ces derniers reconnaîtront que, bien qu'ils disposent de l'ensemble de la force de production, ils ont été escroqués des fruits de celle-ci par une minorité de spéculateurs ignorants qui ne sont bons qu'à s'occuper des aspects légaux et financiers du processus de production. Le secteur improductif de la classe virtuelle, les avocats et les comptables s'approprient la plus-value cognitive des physiciens et des ingénieurs, des chimistes, des scripteurs et des opérateurs des médias. Ceux-ci peuvent toutefois se séparer du cadre juridique et financier du sémio-capitalisme et construire une relation directe avec la société, avec les utilisateurs : alors commencera peut-être le processus d'auto-organisation autonome du travail cognitif. Ce processus est d'ailleurs déjà en route, comme le montrent les expériences du média-activisme et la création de réseaux de solidarité pour le travail migrant. Nous avons dû passer par le purgatoire des dotcoms, par l'illusion d'une fusion du travail et de l'entreprise capitaliste et ensuite par l'enfer de la récession et de la guerre sans fin pour voir clairement le problème : d'une part, le système inutile et obsessif de l'accumulation financière et de la privatisation du savoir public - l'héritage de l'ancienne société industrielle. D'autre part, le travail productif, qui s'inscrit de plus en plus dans les fonctions cognitives de la société : le travail cognitif commence à se considérer comme un cognitariat et à fonder des institutions du savoir, de la créativité, de l'attention, de l'invention et de l'éducation indépendantes du capital.



Fractalisation, désespoir et suicide



Dans la netéconomie, la flexibilisation s'est transformée en une forme de fractalisation du travail. La fractalisation signifie la fragmentation des activités temporelles. Le travailleur n'existe plus en tant que personne. Il n'est plus que le producteur remplaçable de microfragments de signes recombinants, entré dans le flux continu du réseau. Le capital ne paie plus la disponibilité du travailleur pour l'exploiter pendant une certaine période, il ne paie plus de salaire qui couvre tout l'éventail des besoins économiques d'une personne qui travaille. Le travailleur (une simple machine possédant un cerveau qui peut être utilisé pendant un fragment de temps) est payé pour son travail ponctuel, occasionnel, limité dans le temps. Le temps de travail est fractalisé et divisé en cellules, cellularisé. Les cellules de temps peuvent être achetées sur Internet et une grande entreprise peut en acquérir autant qu'elle le souhaite. Le téléphone mobile (ou cellulaire) est l'outil qui caractérise au mieux la relation entre le travailleur fractal et le capital recombinant. Le travail cognitif est un océan de fragments de temps microscopiques, et la division en cellules est la capacité de recombiner des fragments de temps dans le cadre d'un seul sémio-produit. Le téléphone mobile peut être considéré comme la chaîne de montage du travail cognitif. Voilà l'effet de la flexibilisation et de la fractalisation du travail : ce qui était auparavant l'autonomie et le pouvoir politique des travailleurs est devenu la dépendance totale du travail cognitif par rapport à l'organisation capitaliste du réseau global. C'est là le noyau de la création du sémio-capitalisme. Ce qui était auparavant un refus du travail est aujourd'hui une dépendance totale des émotions et de la pensée par rapport au flux de l'information. Et l'effet est une sorte de crise de nerfs qui touche l'"esprit" global (mente globale) et qui a également provoqué ce que nous appelons couramment le crash des dotcoms. Le crash des dotcoms et la crise du capitalisme financier de masses peuvent être compris comme un effet de l'effondrement de l'investissement économique de désir social. J'utilise le mot "effondrement" dans un sens non métaphorique, comme description clinique de ce qui se passe dans l'"esprit" des sociétés occidentales. J'utilise le mot "effondrement" pour exprimer un effondrement pathologique réel de l'organisme psychosocial. Ce que nous avons vu dans la période qui suivit les signes avant-coureurs du crash économique pendant les premiers mois du nouveau siècle est un phénomène psychopathique, l'effondrement de l'"esprit" global. L'investissement intensif et prolongé du désir et des énergies mentales et libidineuses dans le travail a créé l'environnement psychique idéal pour l'effondrement qui se manifeste à présent dans le domaine de l'économie par la récession, dans le domaine de la politique par l'agression militaire et dans le domaine de la culture sous la forme d'une tendance au suicide de masse.

L'économie de l'attention est devenue un thème important pendant les premières années du nouveau siècle. Les travailleurs virtuels disposent de toujours moins de temps d'attention, ils sont intégrés dans un nombre croissant de tâches intellectuelles et ils n'ont plus de temps à consacrer à leur propre vie, à l'amour, à la tendresse et à l'affection. Ils prennent du Viagra parce qu'ils n'ont plus de temps pour les préliminaires. La cellularisation a provoqué une sorte d'occupation de la durée de vie. Ses symptômes sont assez évidents : des millions de boîtes de Prozac vendues tous les mois, l'épidémie de troubles de l'attention chez les jeunes, l'utilisation de drogues comme la Ritaline par les écoliers et une épidémie de panique qui s'étend.

Le scénario des premières années du nouveau millénaire semble être marqué par une véritable vague de phénomènes psychopathiques. Le phénomène du suicide s'est étendu bien au-delà des frontières du martyre islamique fanatique. Depuis le 11 septembre, le suicide est devenu un acte politique important sur la scène politique globale. Le suicide agressif ne doit pas être compris comme un simple phénomène de désespoir et d'agression, mais doit être considéré comme une déclaration de fin. La vague de suicides semble suggérer que l'humanité n'a plus de temps et que le désespoir est la manière la plus répandue de réfléchir à l'avenir.

Et maintenant ? Je n'ai pas de réponses. Ce que nous pouvons faire, ce n'est que ce que nous faisons déjà : l'auto-organisation du travail cognitif est le seul moyen de dépasser un présent psychopathique. Je ne crois pas que le monde puisse être dominé par la raison. L'utopie des Lumières n'a pas fonctionné. Mais je pense que la diffusion du savoir auto-organisé peut créer un cadre social qui contienne un nombre infini de mondes autonomes. Le processus de création du réseau est si complexe qu'il ne peut être dirigé par la raison humaine. L'"esprit" global est trop complexe pour être reconnu et dominé par des "esprits" subordonnés et limités à un lieu. Nous ne pouvons ni reconnaître, ni contrôler, ni dominer toute la force de l'"esprit" global. Mais nous pouvons diriger le processus singulier de la production d'un monde singulier du social. C'est cela l'autonomie aujourd'hui.

Traduit par Julie Bingen
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Messagepar Souvafix » Lundi 21 Avr 2008 0:00

cimer pour tout ça !
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Messagepar NOSOTROS » Lundi 21 Avr 2008 11:11

"tapluka" nous faire une nouvelle brochure avec tout ça ;-) !
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Messagepar Souvafix » Lundi 21 Avr 2008 11:21

Sans doute, mais tout cela n'est t il pas déjà édité en brochure ? Me demandais je
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Messagepar NOSOTROS » Lundi 21 Avr 2008 11:32

caramba, encore raté ! :-)
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Messagepar Souvafix » Lundi 21 Avr 2008 12:12

Fin j'ai édité pas mal de trucs trouvable sur le net, mais quasi jamais déjà dispo en brochure.
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Messagepar Paul Anton » Lundi 21 Avr 2008 12:23

A Nosotros,

Non ... :oops: De plus, je n'ai qu'une version word pour le moment ... :D Mais ça ne vevrait pas tarder à changer. :wink:
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
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Messagepar Paul Anton » Lundi 21 Avr 2008 12:29

A Souvafix,

Si tu veux ... :idea:

Tu peux te procurer sur Amazon.fr cet brochure suivante :

L'expérience des comités de base en Italie : Pirelli 1968 - Fiat 1969.

Je t'indique le lien :

http://www.amazon.fr/Lexp%C3%A9rience-c ... B0000DY0NO

Je suis en train de la lire ... C'est très instructif.
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Messagepar Souvafix » Lundi 21 Avr 2008 12:32

Euh merci mais :


1 neufs et d'occasion disponibles à partir de EUR 24,00


:shock: glups
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Messagepar Paul Anton » Lundi 21 Avr 2008 12:39

Eh oui ... Hélas ! Les ouvrages sur le mai rampant italien se font rares ... Certains sont même devenus introuvables ... Je l'ai appris à mon insu. D'ailleurs, je suis à la recherche des écrits des cahiers rouges.

Une autre référence :



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Toujours sur le site précédemment cité.

Tu peux aussi aller fouiner dans la bibliothèque de ton coin.
"Salut Carmela, je suis chez FIAT ! Je vais bien... Si, si, nous pouvons parler tranquillement, c'est Agnelli qui paye !"
Paul Anton
 
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Messagepar NOSOTROS » Lundi 21 Avr 2008 14:43

paul anton, à propos de la brochure sur pirelli, tu peux faire une photocop (je me chargerai de scanner) ?
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
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Messagepar Paul Anton » Lundi 21 Avr 2008 21:39

C'est jouable ... :wink:
Dernière édition par Paul Anton le Lundi 21 Avr 2008 21:40, édité 1 fois.
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