La notion de classe

Les courants, les théoriciens, les actes...

Messagepar miguelito » Vendredi 20 Fév 2009 16:41

Ouais, nul ne peut nier l'extrême difficulté a prendre des initiatives qui seront reprises par de nombreuses personnes. Et il est exact que nous sommes plus souvent à la traine de mouvements décidés par d'autres, que nous tentons de "profiter" des occasions ainsi données.

Je crois qu'il faut quand même préciser une chose au sujet du militantisme. C'est pas le fait d'avoir pignon sur rue qui est en soi critiquable. Il a été dit sur ce forum à maintes reprises que souvent des orgas "officielles" dissimulent aussi des associations clandestines (la FAI et la CNT en Espagne pendant longtemps par exemple) Les unes assument un aspect légal (et là encore, force est de constater qu'il faut savoir aussi jouer avec cet aspect, et pas seulement en cas de répression) et les autres assument des actions moins légales.

Le problème reste de savoir comment articuler ces différents aspects : comment être en mesure de se faire entendre sans qu'on se fasse embarquer directos par les flics ? Comment agir visiblement sans sombrer dans le réformisme ? Et plus généralement, comment se rencontrer et comment propager nos idées ? Alors peut être que tu as en partie raison au sujet des lecteurs de bouquins largement diffusés qui ne savent pas vers qui ou quoi se tourner. Mais on ne peut pas nier non plus que des choses ont été faites, des rencontres ont eu lieu lors des différentes luttes de ces dernières années. Tiens, la lutte des chômeurs à la fin des années 90 : j'ai lu des trucs qui émanaient de Jussieu et de Barbès et ça ma permis de rencontrer tout un tas de gens.
Le CPE, la LRU, pareil. Bien que n'étant pas étudiant, j'ai pu croiser tout un tas de gens. Alors oui, j'étais au courant qu'une occupation avait lieu ici et une manif là, mais que veux-tu, j'imagine que je n'étais pas le seul. C'est toujours le problème de comment naissent les mouvements - et de la récupération que les politicards en font bien trop souvent. Et la discussion avec Nosotros dans un autre sujet montre bien comment nous sommes toujours ramenés malgré nous aux formes classiques de la politique : des gens agissent, prennent la parole, adoptent des positions communes (même s'ils ne se connaissent pas) : et voilà une nouvelle étiquette, une nouvelle idéologie, un nouveau militantisme.

Ce que je n'aime pas dans le militantisme (mais encore une fois, je sais distinguer entre les différents militants, et si je prends du temps a discuter avec toi et d'autre sur ce forum, c'est que je ne les considère pas comme des ennemis, faut-il le rappeler ?) c'est cette prétention à avoir plus de conscience que d'autres. A savoir lire ce que d'autres ne sauraient pas lire. Moi, si j'agis et si je répand des idées, c'est pour la confrontation. Celle-ci n'est pas synonyme de combat, mais aussi d'échange, de critique réciproque. Confronter ses idées, c'est les mettre à l'épreuve du débat et de la pratique, c'est pas tenter de les faire rentrer dans les têtes. C'est pourquoi mes idées ne forment pas une idéologie (mais je répète encore qu'il existe bien des sortes de crétins qui se revendiquent comme anarcho-autonomes et qui feraient bien de l'Appel une référence dogmatique. Mais contre ça, qu'est-ce que nous y pouvons ?)

Reste que nous pouvons toujours faire des associations ayant pignons sur rue (et même des syndicats, ça existe...). Ca peut servir à la rencontre. Ca peut servir pour disposer de moyens (locaux, photocopies, jardins ouvriers ou familiaux, etc.) et c'est ce que nous faisons déjà. Pour autant, nous ne sommes pas des militants. Alors peut être que tu ne mets pas exactement la même chose que moi derrière ce mot, je pense que ça ne servirait pas à grand-chose de discuter pendant des heures pour savoir pourquoi toi tu l'utilises et moi pas.
miguelito
 
Messages: 510
Inscription: Mercredi 08 Mar 2006 13:54

Messagepar zebulon » Vendredi 20 Fév 2009 18:11

miguelito a écrit:Ouais, nul ne peut nier l'extrême difficulté a prendre des initiatives qui seront reprises par de nombreuses personnes. Et il est exact que nous sommes plus souvent à la traine de mouvements décidés par d'autres, que nous tentons de "profiter" des occasions ainsi données.

Je crois qu'il faut quand même préciser une chose au sujet du militantisme. C'est pas le fait d'avoir pignon sur rue qui est en soi critiquable. Il a été dit sur ce forum à maintes reprises que souvent des orgas "officielles" dissimulent aussi des associations clandestines (la FAI et la CNT en Espagne pendant longtemps par exemple) Les unes assument un aspect légal (et là encore, force est de constater qu'il faut savoir aussi jouer avec cet aspect, et pas seulement en cas de répression) et les autres assument des actions moins légales.

Le problème reste de savoir comment articuler ces différents aspects : comment être en mesure de se faire entendre sans qu'on se fasse embarquer directos par les flics ? Comment agir visiblement sans sombrer dans le réformisme ? Et plus généralement, comment se rencontrer et comment propager nos idées ? Alors peut être que tu as en partie raison au sujet des lecteurs de bouquins largement diffusés qui ne savent pas vers qui ou quoi se tourner. Mais on ne peut pas nier non plus que des choses ont été faites, des rencontres ont eu lieu lors des différentes luttes de ces dernières années. Tiens, la lutte des chômeurs à la fin des années 90 : j'ai lu des trucs qui émanaient de Jussieu et de Barbès et ça ma permis de rencontrer tout un tas de gens.
Le CPE, la LRU, pareil. Bien que n'étant pas étudiant, j'ai pu croiser tout un tas de gens. Alors oui, j'étais au courant qu'une occupation avait lieu ici et une manif là, mais que veux-tu, j'imagine que je n'étais pas le seul. C'est toujours le problème de comment naissent les mouvements - et de la récupération que les politicards en font bien trop souvent. Et la discussion avec Nosotros dans un autre sujet montre bien comment nous sommes toujours ramenés malgré nous aux formes classiques de la politique : des gens agissent, prennent la parole, adoptent des positions communes (même s'ils ne se connaissent pas) : et voilà une nouvelle étiquette, une nouvelle idéologie, un nouveau militantisme.

Ce que je n'aime pas dans le militantisme (mais encore une fois, je sais distinguer entre les différents militants, et si je prends du temps a discuter avec toi et d'autre sur ce forum, c'est que je ne les considère pas comme des ennemis, faut-il le rappeler ?) c'est cette prétention à avoir plus de conscience que d'autres. A savoir lire ce que d'autres ne sauraient pas lire. Moi, si j'agis et si je répand des idées, c'est pour la confrontation. Celle-ci n'est pas synonyme de combat, mais aussi d'échange, de critique réciproque. Confronter ses idées, c'est les mettre à l'épreuve du débat et de la pratique, c'est pas tenter de les faire rentrer dans les têtes. C'est pourquoi mes idées ne forment pas une idéologie (mais je répète encore qu'il existe bien des sortes de crétins qui se revendiquent comme anarcho-autonomes et qui feraient bien de l'Appel une référence dogmatique. Mais contre ça, qu'est-ce que nous y pouvons ?)

Reste que nous pouvons toujours faire des associations ayant pignons sur rue (et même des syndicats, ça existe...). Ca peut servir à la rencontre. Ca peut servir pour disposer de moyens (locaux, photocopies, jardins ouvriers ou familiaux, etc.) et c'est ce que nous faisons déjà. Pour autant, nous ne sommes pas des militants. Alors peut être que tu ne mets pas exactement la même chose que moi derrière ce mot, je pense que ça ne servirait pas à grand-chose de discuter pendant des heures pour savoir pourquoi toi tu l'utilises et moi pas.


Miguelito, tu deviens fréquentable.
Avatar de l’utilisateur
zebulon
 
Messages: 798
Inscription: Mardi 17 Oct 2006 22:19

Messagepar wiecha » Vendredi 20 Fév 2009 18:18

Bof, en fait je l'utilise surtout quand , dans le débat quelqu'un critique les "militants" comme je le fais avec "syndicaliste", ou "classiste ".

En fait, ça permet de ramener le débat au réel des pratiques et des pensées à un moment donné: dans le mouvement, je trouve que beaucoup de textes jouent avec l'hypercritique, et les étiquettes disqualifiantes et globalisantes. De manière générale, on utilise tous beaucoup de concepts repoussoir, on ne fait pas autre chose que "classer " justement, on se réfère à des critiques déjà faites dans le passé, sans les remettre en question et en perspective.

Donc, si quelqu'un me dit " tu es une militante ", je vais pas me mettre sur le mode défensif "Ah non, moi jamais ", je vais dire oui, et ensuite, au moins on peut discuter de ce qu'il y a derrière le mot.

Au delà de ça, je pense qu'il y a une vraie dérive du "radicalisme", une peur perpétuelle de ne pas être à la pointe de la critique, d'être un gros ringard, un certain esthétisme des discours très en vogue.

Tiens, la lutte des chômeurs à la fin des années 90 : j'ai lu des trucs qui émanaient de Jussieu et de Barbès et ça ma permis de rencontrer tout un tas de gens.


Oui mais Jussieu existe après les actions officielles déclenchées par la CGt à Marseilles et par les assos sur Paris. Et justement, malgré toutes les proclamations, et peut-être même en partie à cause d'elles, L'AG de Jussieu restera dépendante de la volonté des bureaucraties classiques de continuer ou pas le mouvement.

L'AG de Jussieu proclame une égalité de ses participants qui n'est que formelle. Car il y a en son sein des groupes affinitaires déjà constitués qui ont une capacité autonome, et des précaires isolés qui viennent s'y adjoindre. Mais alors que les groupes affinitaires pensent possible immédiatement un grand bon en avant, en jugeant sur leurs propres forces, les précaires isolés, eux sont toujours pris dans la réalité brute de l'exploitation: ils n'ont pas de base arrière et le mouvement dans lequel ils s'engagent à fond n'est pas assez fort pour remettre en cause, ces conditions d'exploitation. Et au moment ou la répression frappe les autoréductions, et les actions intéressantres de manière visible, le contrôle social reprend ses droits en coulisses: les coupures EDF reprennent, les convocations s'intensifient, les expulsions aussi.

Et pendant que les restes de Jussieu s'enferment dans des proclamations de plus en plus radicales , rejettent la notion de classe et décrètent son dépassement, les organisations comme AC!, tout en calmant la rue, mettent en place des permanences, des petites actions sur des cas concrets ou leur efficacité est d'autant plus grande qu'en face on sait l'intérêt qu'il y a à les crédibiliser.

C'est peut-être l'erreur à ne pas répéter aujourd'hui : les insurrections viennent, mais la plupart du temps elles passent et ne se suffisent pas à elles même. Et pendant qu'on pleure sur leurs cendres, qu'on recense les pompiers, eux s'activent déjà pour neutraliser la prochaine.
wiecha
 
Messages: 623
Inscription: Lundi 03 Déc 2007 23:56

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 20 Fév 2009 18:36

Reste que nous pouvons toujours faire des associations ayant pignons sur rue (et même des syndicats, ça existe...). Ca peut servir à la rencontre. Ca peut servir pour disposer de moyens (locaux, photocopies, jardins ouvriers ou familiaux, etc.) et c'est ce que nous faisons déjà.


Oui enfin il ne faut pas être dupe non plus (car c’est les mêmes qui disent « Cette lutte de pouvoir pour le pouvoir, par le pouvoir, nous la haïssons. Nous l'avons utilisée »)

S’il s’agit de participer à des structures non pas sincèrement, mais uniquement pour les utiliser à des fins de prédation, pour en tirer tout ce qu’on peut en tirer et basta, c’est une démarche profondément malhonnête vis à vis des autres participants. C’est de la manipulation.

Le mouvement est plein de gens qui vomissent sur les syndicats … et qui sont tous à SUD (parce que tu comprends si t’es bien avec le permanent – voir si tu es toi même le permanent ou le délégué … - ça permet de tirer gratos des tracts …)


C'est peut-être l'erreur à ne pas répéter aujourd'hui : les insurrections viennent, mais la plupart du temps elles passent et ne se suffisent pas à elles même.


il y a très longtemps de cela, j'avais fait remarquer qu'il manquait le second tome "Ce qui vient après l'insurrection" ...
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
Messages: 3774
Inscription: Jeudi 18 Oct 2007 1:15

Re: La notion de classe

Messagepar miguelito » Lundi 23 Fév 2009 10:32

La lutte du pouvoir pour le pouvoir et par le pouvoir nous l'avons utilisée. En somme, c'est comme de profiter des mouvements pour retirer des miettes ou plus, pour obtenir quelques satisfactions partielles. Qui pour son augmentation de salaire, qui pour choper un peu de thunes, qui pour ne pas aller en taule ou en sortir plus vite, qui pour faire capoter un projet de loi, etc.
Il y a un pouvoir en face, des règles qu'il édicte, des forces de répression qu'il déploie, des normes qu'il façonne et répand. Et il y a des gens comme nous, qui luttent, avec leurs moyens et qui, parfois, parviennent à arracher quelque chose, ce n'est jamais suffisant pour certains (tu peux me ranger soigneusement dans cette catégorie d'ultra, archi, extrême machin truc autonomes, j'assume cette insatisfaction) et pour d'autres ça devient un business ou une identité. Mais les choses ne sont pas toujours aussi tranchées, on peut être content d'avoir remporter une petite bataille sans pour autant nier que la guerre ne s'arrête pas là.

Donc, le moule du pouvoir, nous y évoluons tous, qu'on le veuille ou non. La petite phrase tirée d'un tract rédigé par des étudiants de Rouen au moment de la lutte anti-LRU s'adressait à tous ces salopards qui font du business de la lutte, tous ceux qui se posent en propriétaires légitimes de ces luttes. Il y envoyaient bouler ces étudiants moutons qui venaient au AG, votaient le blocage et l'occupation, applaudissaient tout et n'importe quoi mais étaient absent aux opérations de blocage et à l'occupation. La lutte du pouvoir pour le pouvoir par le pouvoir, c'était à ce moment là le dispositif classique de la démocratie : faire élire des délégués, faire voter à main levée ou à bulletin secret, faire élire une tribune, etc. Et oui, à ce moment là certains ont décidés de dire OK : vous voulez jouer à ça ? Alors on va jouer. Mais là où Nosotros trouve dix mille excuses au quidam anonyme ou au bandit Ferrara (t'as pas une petite pensée pour tous ces travailleurs honnêtes qu'il a pu braquer ?) qui usent de ce jeu de pouvoir pour tirer leur épingle du jeu, il ne la pose pas pour les camarades de Rouen. Or, cet usage de ce jeu merdique (et personnellement, je pense que c'était une erreur que d'avoir voulu tenter cette expérience, mais je n'étais pas investi dans cette lutte vu que je bosse) n'avait pour but que de le ruiner et de propager la révolte au-delà des slogans bateaux et des mesquines revendications étudiantes.
miguelito
 
Messages: 510
Inscription: Mercredi 08 Mar 2006 13:54

Précédente

Retourner vers Sur la pensée révolutionnaire