Ouais, nul ne peut nier l'extrême difficulté a prendre des initiatives qui seront reprises par de nombreuses personnes. Et il est exact que nous sommes plus souvent à la traine de mouvements décidés par d'autres, que nous tentons de "profiter" des occasions ainsi données.
Je crois qu'il faut quand même préciser une chose au sujet du militantisme. C'est pas le fait d'avoir pignon sur rue qui est en soi critiquable. Il a été dit sur ce forum à maintes reprises que souvent des orgas "officielles" dissimulent aussi des associations clandestines (la FAI et la CNT en Espagne pendant longtemps par exemple) Les unes assument un aspect légal (et là encore, force est de constater qu'il faut savoir aussi jouer avec cet aspect, et pas seulement en cas de répression) et les autres assument des actions moins légales.
Le problème reste de savoir comment articuler ces différents aspects : comment être en mesure de se faire entendre sans qu'on se fasse embarquer directos par les flics ? Comment agir visiblement sans sombrer dans le réformisme ? Et plus généralement, comment se rencontrer et comment propager nos idées ? Alors peut être que tu as en partie raison au sujet des lecteurs de bouquins largement diffusés qui ne savent pas vers qui ou quoi se tourner. Mais on ne peut pas nier non plus que des choses ont été faites, des rencontres ont eu lieu lors des différentes luttes de ces dernières années. Tiens, la lutte des chômeurs à la fin des années 90 : j'ai lu des trucs qui émanaient de Jussieu et de Barbès et ça ma permis de rencontrer tout un tas de gens.
Le CPE, la LRU, pareil. Bien que n'étant pas étudiant, j'ai pu croiser tout un tas de gens. Alors oui, j'étais au courant qu'une occupation avait lieu ici et une manif là, mais que veux-tu, j'imagine que je n'étais pas le seul. C'est toujours le problème de comment naissent les mouvements - et de la récupération que les politicards en font bien trop souvent. Et la discussion avec Nosotros dans un autre sujet montre bien comment nous sommes toujours ramenés malgré nous aux formes classiques de la politique : des gens agissent, prennent la parole, adoptent des positions communes (même s'ils ne se connaissent pas) : et voilà une nouvelle étiquette, une nouvelle idéologie, un nouveau militantisme.
Ce que je n'aime pas dans le militantisme (mais encore une fois, je sais distinguer entre les différents militants, et si je prends du temps a discuter avec toi et d'autre sur ce forum, c'est que je ne les considère pas comme des ennemis, faut-il le rappeler ?) c'est cette prétention à avoir plus de conscience que d'autres. A savoir lire ce que d'autres ne sauraient pas lire. Moi, si j'agis et si je répand des idées, c'est pour la confrontation. Celle-ci n'est pas synonyme de combat, mais aussi d'échange, de critique réciproque. Confronter ses idées, c'est les mettre à l'épreuve du débat et de la pratique, c'est pas tenter de les faire rentrer dans les têtes. C'est pourquoi mes idées ne forment pas une idéologie (mais je répète encore qu'il existe bien des sortes de crétins qui se revendiquent comme anarcho-autonomes et qui feraient bien de l'Appel une référence dogmatique. Mais contre ça, qu'est-ce que nous y pouvons ?)
Reste que nous pouvons toujours faire des associations ayant pignons sur rue (et même des syndicats, ça existe...). Ca peut servir à la rencontre. Ca peut servir pour disposer de moyens (locaux, photocopies, jardins ouvriers ou familiaux, etc.) et c'est ce que nous faisons déjà. Pour autant, nous ne sommes pas des militants. Alors peut être que tu ne mets pas exactement la même chose que moi derrière ce mot, je pense que ça ne servirait pas à grand-chose de discuter pendant des heures pour savoir pourquoi toi tu l'utilises et moi pas.