PMO ou la police dans la pensée

Les courants, les théoriciens, les actes...

PMO ou la police dans la pensée

Messagepar Dan » Vendredi 22 Fév 2008 17:36

PMO ou la police dans la pensée

Depuis quelques semaines, la presse s’est lancée dans une nouvelle chasse aux sorcières contre les « anarcho-autonomes ». Mais qui sont-ils ? Personne ne se dit « anarcho-autonome », aucun groupe ne se réclame d’un tel courant, alors on cherche à nous faire croire que d’obscurs réseaux inspirés par les mouvements autonomes de la fin des années 1970 ressurgiraient sous une telle étiquette, reproduisant le vieux schéma de l’escalade de la violence, et le stade atteint aujourd’hui serait donc le prétendu (mais très attendu ?) passage à la lutte armée... Basé sur trois arrestations qui ont eu lieu entre novembre et janvier, le scénario journalistico-policier veut nous faire croire que des « anarcho-autonomes » apprentis terroristes se lancent dans la fabrication de bombes artisanales. Dans au moins deux cas sur les trois cités, il semble que seul du chlorate de soude n’ait été trouvé (produit assez souvent utilisé pour la confection artisanale de... fumigènes !) - et pour un cas en particulier, il s’agissait délibérément de matériel d’agitation (fumigènes et clous « tordus » pour crever des pneus). Enfin vous pourrez avoir plus d’infos là-dessus en lisant un communiqué paru récemment sur Indymedia-Grenoble : http://grenoble.indymedia.org/index.php ?page=article&id=6221

Pour ce qui est du discours journalistico-policier, il est répertorié, pour ces histoires, au milieu d’autres textes parus sur des sites moins dégueulasses (genre Indymedia, justement) : http://cettesemaine.free.fr/spip

Mais ce n’est pas pour ça que je prends la peine d’écrire des mots pour Indymedia-Grenoble. Je voulais vous parler du rapprochement étonnant des discours actuels de trois « mondes » : celui du Ministère de l’Intérieur, celui des journalistes (jusqu’ici, rien de bien étonnant) et celui de Pièces et Main d’Oeuvre, oui oui, vous avez bien lu, je parle bien de PMO, fameux « simples citoyens » dont le site Internet a pour objectif la « construction d’un esprit critique grenoblois » : http://www.piecesetmaindoeuvre.com/ Vous pensez que je délire ? J’ai cru, moi aussi, au début. Et puis...

Maintenant, essayons-nous au jeu du « qui a dit quoi » ?

Trois réponses possibles : 1- Michèle Alliot-Marie

2- Un journaflic quelconque (du Monde ou de RTL)

3- Pièces et Main-d’œuvre

Les phrases à attribuer : a- "Depuis plusieurs mois, les actions violentes attribuées au "mouvement anarcho-autonome" se multiplient. Cette épidémie de violences "politiques" inquiète les services de renseignements qui refont de la surveillance des groupes violents d’extrême gauche une priorité opérationnelle."

b- "En quelques mois, depuis l’élection présidentielle, on est passé des slogans radicaux aux cocktails Molotov et aujourd’hui à la volonté de fabriquer de véritables engins explosifs."

c- "on assiste, en France, à la résurgence d’une mouvance, qualifiée pour l’heure d’"anarcho-autonome", violente, qui prospère sur le terreau des conflits sociaux"

d- "Et les enquêteurs de souligner "l’apparition d’une génération de militants déterminés à passer à l’action violente"."

e- "Ils chuchotent sur le net et de capuche à capuche qu’ils passent dans la clandestinité, organisent des stages de karaté et publient leur manifeste, « Vers la guerre civile », chez l’éditeur officiel de la marge radicale."

f- "une importante documentation "anarchiste", avec des noms évocateurs : L’Insurrection qui vient, ou Organe de liaison au sein du parti imaginaire. Sur le disque dur de leur ordinateur, quelques phrases comme : " C’est ici qu’on se rassemble pour tout faire partir en cendres."

g- "Ce sont quelques dizaines d’individus rassemblés dans des petits groupes informels à l’idéologie assez sommaire. Ils se caractérisent par leur rejet de toute espèce d’expression politique démocratique et leur discours extrêmement violent."

h- "un comité imaginaire, mélange de têtes chaudes et d’idéologues pervers, recuit en vase clos, échauffé par quelques soubresauts (émeutes de quartier, manifestations lycéennes), se dispose à la lutte armée."

i- "j’ai souligné les risques d’une résurgence violente de l’extrême gauche radicale. Le passé nous a montré que la faiblesse des partis politiques extrêmes ouvre souvent la voie aux groupuscules terroristes comme Action directe, les Brigades rouges ou la Fraction armée rouge. L’anticipation est essentielle dans la lutte contre le crime en général et le terrorisme en particulier."

j- "les services stigmatisent "la montée en puissance d’une nouvelle génération d’agitateurs, en phase de radicalisation"."

k- "combien de temps faudrait-il (...) à la Direction du Renseignement Intérieur, au Raid et au GIGN, pour traiter, compte tenu de l’avancée des connaissances, les 50 illuminés du Sentier Invisible ?"

Alors, alors, alors ?

Combien de 1 ? Combien de 2 ? Combien de 3 ? Vous ne voyez aucun 3 ? Vous voyiez en PMO des camarades de confiance ? Hmmm... Allez, jetez donc un œil aux réponses et admirez comme le discours policier peut s’infiltrer parmi des prétendus nôtres :

Les réponses au jeu : a = RTL, site Internet, 29 janvier 2008

b = Michèle Alliot-Marie, Le Figaro, 1er février 2008

c = Le Monde, 1er février 2008

d = Le Monde, 1er février 2008

e = PMO, « Le Comitatus ou l’invention de la terreur », 12 janvier 2008, p.32

f = Le Monde, 1er février 2008

g = Michèle Alliot-Marie, Le Figaro, 1er février 2008

h = PMO, « Le Comitatus ou l’invention de la terreur », 12 janvier 2008, p.32

i = Michèle Alliot-Marie, Le Figaro, 1er février 2008

j = Le Monde, 1er février 2008

k = PMO, « Le Comitatus ou l’invention de la terreur », 12 janvier 2008, p.33

Qui pourra dire que PMO [note A] ne tient pas à ce moment un discours complémentaire de celui des journalistes d’Etat et du Ministère de l’Intérieur ?

Le n°1 joue son rôle de chef de la police, normal.

Le n°2 joue son rôle de média à la botte du pouvoir, normal.

Le n°3 joue son rôle de vieux gauchiste dissocié, presque balance, normal ?

Après tout, peut-être qu’on a les vieux cons et les gros nazes qu’on mérite.

Et pour en rajouter une bonne couche de dissociation bien comme il faut, PMO a rédigé le 9 février 2008 un texte touchant avec ses camarades de l’Etabli Noir (parodie du quotidien Libération). Intitulé « Malaise dans la cuvette », en voici le meilleur moment, dégoulinant de moralisme et de naïveté :

"Nous ? Des Grenoblois ayant reconnu dans les technologies l’actuelle ligne directrice de la guerre entre dominants et dominés. Le front qui commande les autres et transforme les conditions de cette guerre. Pour notre instruction, et un peu pour celle de nos concitoyens, nous enquêtons sur ces transformations et nous produisons nos trouvailles, lors de réunions publiques, par nous organisées ou non, par voie de tracts, d’affiches, de journaux, de livres, de radios, de sites Internet, de manifestations, comme celle du 1er juin 2006 [note B], contre l’inauguration de Minatec. Nous n’avons pas découvert à ce jour de meilleur moyen de convertir nos idées en force matérielle que d’en convaincre le plus grand nombre. Sauf bien sûr à détruire ce qui nous détruit comme le font les faucheurs d’OGM, les démolisseurs de caméras, de bornes biométriques, et tous les saboteurs des laboratoires mortifères. À trois conditions irréductibles : que nul ne soit blessé ; que ces destructions soient toujours expliquées ; qu’elles soient aussitôt admissibles par les plus vulnérables à la lecture du Daubé. Faute de quoi, les briseurs de machines ne sont que les sergents recruteurs de la police.

Aujourd’hui nous publions L’Etabli Noir n°3. D’autres éditions suivront si le besoin s’en fait sentir et que nous avons quelque chose à dire. Nous n’appelons pas à nous rejoindre, mais à nous imiter."

Et là, on se souvient des mauvaises heures récentes de la dissociation [note C], lorsque les gauchistes bien pensants tenaient des discours de type "chasse aux sorcières" en disant, comme par exemple les pourritures d’Attac, que les participants aux black blocs à Gênes (lors du sommet du G8, en juillet 2001), s’ils n’étaient pas eux-mêmes des policiers, étaient de toute façon manipulés par la police. Comme si les révoltés ne pouvaient prendre l’initiative d’eux-mêmes de casser des vitrines de banques ou d’agences immobilières, comme s’ils avaient besoin d’être guidés par la police pour s’attaquer à une prison... Le discours de la bande à PMO est cette fois plus "subtil", puisqu’à défaut d’être de la police ou d’être manipulés par la police, c’est désormais le simple fait de pratiquer l’action directe anonyme qui fait des révoltés des "sergents recruteurs de la police".

Alors il ne s’agit bien évidemment pas ici de dire qu’il ne faut pas expliquer le sens de telle action directe ou de tel acte de sabotage, mais quelques questions se posent :

les anonymes faucheurs d’OGM qui ne revendiquent pas leurs actions sont-ils des "sergents recruteurs de la police" ? Faut-il nécessairement être accompagné de José Bové pour s’attaquer aux OGM ?

y’a-t-il des démolisseurs de caméras qui expliquent leurs actions ? Des "démolisseurs de caméras volontaires" ? D’expérience, pour éviter les tribunaux et la prison, nous pensons qu’il est préférable de les démolir anonymement, sans nécessairement laisser d’explications (est-ce un pari tellement fou qu’il en serait "policier" que de penser que certaines actions puissent être parlantes d’elles-mêmes ?).

idem pour les destructions de bornes biométriques et pour les sabotages de laboratoires mortifères... Faut-il être accompagné par M. & Mme PMO pour pouvoir agir ? Faut-il distribuer telle brochure ou tel tract estampillé PMO pour pouvoir agir sans se sentir "sergent recruteur de la police" ?

Quant aux deux autres conditions (que nul ne soit blessé et que les destructions soient aussitôt admissibles par les plus vulnérables à la lecture du Daubé), leur franche naïveté pourrait attendrir un agent de police... En général, dans les luttes que nous menons, qui est blessé ? Qui meurt dans les prisons et les commissariats ? Les matons, les flics ? Qui a la joue arrachée le 1er juin 2006 lors de la manifestation contre Minatec ? Un brave CRS, un flic en civil pas assez discret ?

[note D] Franchement, quand fin novembre 2007 des jeunes s’organisent à Villiers-le-Bel pour accueillir la police en tentant de prendre le dessus (au lendemain de la mort de deux jeunes renversés par une voiture de police), je me serais mal vu arriver et clâmer tel un Jésus du 21ème siècle : « En vérité, en vérité je vous le dis : que nul ne soit blessé parmi les policiers ». Y’en a qui rigolent bien quand ils écrivent des textes, quand même. Que nul ne soit blessé... Hahaha.

Et pour le coup des « plus vulnérables à la lecture du Daubé », encore une fois c’est d’un drôle... On ne va plus détruire grand-chose avec une pareille charte du sabotage ! Et sûrement pas ce qui nous détruit, en tout cas. Vous savez que pour avoir l’aval du plus « vulnérable » lecteur du Daubé, il est sacrément contre-productif de perturber les colloques scientifiques ou les congrès politiques de Destot et sa clique. Alors mes petits PMO et consorts, il va falloir remballer vos tracts et vos grandes gueules et vous contenter d’organiser des débats citoyens à la Maison du Tourisme, mais attention, il faudra laisser la parole à tout le monde, y compris aux pires des scientistes ainsi qu’à tous les lèche-bottes de Michel Destot, sinon en lisant le Daubé, le lecteur le « plus vulnérable » ne vous comprendra pas... et vous ne serez plus alors que les « sergents recruteurs de la police ». Hé oui.

Au final, c’est quand PMO traite les partisans anonymes de l’action clandestine de "sergents recruteurs de la police" que PMO fait réellement le jeu de la police, en méprisant et en tentant d’isoler ceux qui luttent, avec leurs moyens, contre le monde de la sécurité, du contrôle et de la terreur.

Alors, comme ils le disent à la fin de « Malaise dans la cuvette », ne rejoignez pas la police PMO, mais imitez-la : dénoncez votre voisin briseur de caméras de vidéosurveillance - surtout s’il ne prend même pas la peine d’expliquer son geste.

Le pire dans tout ça, c’est qu’il n’y a pas d’âge pour être un vieux con - je crois que je connais des jeunes qui imitent PMO.

Winston (Grenoble, 16 février 2008)

***********

Notes : A - Après avoir commencé à réagir en écrivant quelques remarques critiques, j’ai décidé de ne pas m’attarder ici sur le contenu du texte de PMO « Le Comitatus ou l’invention de la terreur ». Je l’ai lu et il y aurait beaucoup à en redire mais ce qui m’a fait le plus réagir se trouve dans sa conclusion, et c’est probablement le plus important car c’est le moment où PMO parle du présent et projette une vision de l’avenir proche avec un regard tellement imprégné de celui de la police qu’il en devient quasiment policier lui-même - à l’image de bien des journalistes... Ce texte, « Le Comitatus ou l’invention de la terreur », parle beaucoup du passé, d’un passé lointain temporellement et géographiquement. Le texte, bien que documenté, saute du coq à l’âne, d’une période à une autre, parfois sans transitions, la lecture en est parfois confuse et c’est dommage car le sujet est intriguant, important. La vision qu’a PMO de l’Histoire se veut lucide mais penche vite dans la caricature, prônant avec force le défaitisme et la résignation, niant toute possibilité de résistance effective au pouvoir de la police (comprise au sens large comme contrôle sur la population).

B - Déjà, lors de la manif contre Minatec, de vilains casseurs s’en étaient pris à une banque, en l’occurrence la BNP, qui n’avait pourtant rien fait de mal alors personne n’avait compris - mais pourquoi diantre ces gens-là s’attaquent-ils à une banque ? Sur la casse pendant la manif Minatec, on relira « Quelques vitres ébréchées et tout s’écroule ? », par Michèle et Jean : http://grenoble.indymedia.org/index.php ?page=article&id=3466 C - La dissociation est au minimum une rupture de la solidarité, quand elle n’est pas carrément un acte de dénonciation auprès de la police de compagnons de lutte plus ou moins anciens. On lira aussi avec intérêt la brochure « Negrisme & Tute Bianche : une contre-révolution de gauche », sur le parcours de Toni Negri (le précurseur de la « dissociation » en politique) et les dissociés des années 2000... http://infokiosques.net/spip.php ?article193

D - Ce jour là, une manifestante a eu un morceau de joue arraché par l’éclat d’une grenade à fragmentations lancée par la police, place Saint-Bruno, à Grenoble.
Dan
 

Messagepar NOSOTROS » Vendredi 22 Fév 2008 17:45

bel exemple de jeu contre subversif ... Ils sont très forts !
Capitalismo delenda est
NOSOTROS
 
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Messagepar karim » Lundi 25 Fév 2008 16:59

Décidément, la mouvance "anarchoautonome" (qui n'existe pas) fait beaucoup parler d'elle, et parler d'elle en termes choisis.
Bel exemple, comme le dit nosotros.
karim
 
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