Ultra Gauche par kobayachi

Les courants, les théoriciens, les actes...

Ultra Gauche par kobayachi

Messagepar Laguigne » Lundi 11 Juin 2007 19:36

Un texte chopé sur un autre forum (café @) qui expose des points pertinant, enfin je crois...

Manque néemoins Meetins dans ce panagérique... dommage!

Bon là, y'a pas à tortiller c'est carrément lourdo Mr. Green . Et en plus comme je réponds à des questions posées sur un autre forum, ça peut ici être parfois incompréhensible. Mais, bon, je crois que même lourdo, ça peut peut-être intéresser quelques personnes ici. Et d'ailleurs peut-être d'autres personnes peuvent partager la même opinion sur le paysage actuel de l'ultra-gauche. Pour comprendre le pouquoi d'un tel essai de paysage de l'ultra-gauche actuelle, il faut que je résumes les questions qui étaient posées sur cet autre forum : Charlotte pensait que aujourd'hui l'ultra-gauche était engagée dans un processus de fragmentation extrême. Je partage bien entendu ce point de vue, mais il me semble qu'on peut aussi essayer de le relativiser. Et personnelement je parlerais plutot de " convergence dans les très grandes différences ". J'essayais alors dans le post suivant, de mettre au clair les points de convergence dans l'ultra-gauche en en faisant un tableau comparé. Voilà, pour pas que ce post tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Discussion critique sur ce qu'est juste mon opinion perso, vivement recommandée Razz

Un bref paysage comparé de l'ultra-gauche.

Il faut replacer les choses sur le temps long. Et je ne peux replacer ce bref aperçu du paysage des ultra-gauche que dans le cadre de ce temps long. L’aimant des marxismes qui a tellement polarisé le Xxème siècle, a joué le rôle d’une puissante idéologie qui a véritablement structurée l’évolution du XIX et plus encore du Xxe s. pour le meilleur et surtout le pire. Pour voir dans l’histoire une conformation idéologique dotée d’une telle puissance qu’elle devient capable de s’incarner dans le monde et faire-monde, on ne peut remonter qu’aux épisodes de la vague des Révolutions de la fin du XVIIIe siècle (révolution américaine, révolution française, exportation de la révolution française dans les « Répubiques Sœurs », Révolution polonaise contre la Russie, révolution haïtienne de Toussaint-Louverture, etc.), et plus encore des réformations protestantes au XVIe siècle (qui bousculèrent totalement l’europe : guerre civile en France avec risque de cessession - le Midi s’était institué en « Provinces-unies du languedoc », armées protestantes, etc. – sans parler du Saint-empire romain germanique, etc). Les « révolutions atlantiques » (J. Godechot) de la seconde moitié du XVIIIe siècle, sont d’ailleurs on peut dire, le moment de l’incarnation de la métaphysique économico-progressiste dans le monde. Et depuis, son monde est désormais le notre.

Ces conformations idéologiques sont rares, et ce qui a commencé à refluer depuis 1980, s’est une de ces grandes conformations idéologiques. Avec la crise des marxismes, aujourd’hui nous sommes dans ce vaste reflux, qui à mesure qu’il se retire dans les têtes, laisse des traces, constitue des pôles nostalgiques de conservation de la matrice idéologique, organise la confusion, s’entremêle avec la conformation idéologique actuelle qui elle s’est réalisée depuis la Renaissance (cf. la texte récent d’Ellul sur ce forum et surtout la thèse de Lasch sur La révolte des élites, qui reste la grande analyse de ce vaste reflux), et surtout meurt de sa belle mort dans la longue agonie politique des héritiers-fossoyeurs de cette conformation idéologique (passage des classes populaires du PCF au FN et au sarkozisme, incapacité analytique de la gauche altermondialisme de s’opposer au monde, etc.).

Que cette matrice idéologique marxiste se meure, rien de plus réjouissant puisque les socialismes et communismes n’ont été que les « accoucheurs du progrès » (Lasch) [1], mais il nous faudrait faire en sorte qu’elle meure surtout plus rapidement. Bientôt 30 ans d’agonie, et tant que nous n’en aurons pas fini définitivement avec toutes les formes de cette matrice (la solidarité de Papa-l'Etat-providence, " l'idéologie des services publics " comme dit Maffesoli, la revendication de la " mobilité sociale " pour parler en fait d'un idéal d'opportunité économique, les RTT pour prolonger le travail dans les loisirs, ou encore l'égalité économique et la becasse communisation des moyens de production, etc), rien ne sortira de nouveau pour saper à nouveau la Méga-machinisation de nos vies.

C’est dans ce cadre de reflux de la matrice idéologique, que je replace ma vision d’une certaine convergence dans les très grandes différences, des différentes tendances actuelles les plus connues de l’ultra-gauche.

Ces convergences se font justement dans la remise en cause radicale de la matrice idéologique et, à mon sens, ceci sur 4 points essentiels qui l'ont composé :

- 1. Remise en cause du matérialisme.

- 2. Remise en cause du sens de l’histoire (remise en cause du progrès).

- 3. Vers la mort de l’économie.

- 4. Fin des luttes frontales pour le pouvoir ou la revendication, vers l’auto-organisation/secession : le deuil de la « Révolution » comme de la « réforme ».

1. Remise en cause du matérialisme.

Ici, un certain nominalisme a beaucoup fait pour mettre à mal le matérialisme, et l’ébranlement de celui-ci sera alors en grande partie responsable de la remise en cause du sens de l’histoire. Psychanalyse, sciences humaines, philosophie à travers la mise en évidence de la non naturalité du monde social et au contraire de sa construction sociale, ont renversé l’idée de la détermination des idées par la matière. Partout, la pensée du Xxe siècle a montré au contraire la détermination de la matière par les idées (psychanalyse, phénoménologie, linguistic turn, sociologie, etc.). Peu à peu la critique du monde social ne se posait plus comme dépassement de ce monde – perspective du matérialisme historique – mais carrément, de sa « déconstruction », de son « archéologie », de sa « généalogie », de sa « genèse transcendantale », de son « désagencement », etc.

Si le monde social est une construction sociale dégagé de tout détermination matérialiste (pour aller plus loin, aujourd’hui l’idéologie post-moderne de la construction sociale de la réalité est devenue dans son mensonge, la réalité. Cf. évidemment la convergence des technologies futures), et non plus la seule étape d’un mouvement historique illimité et irréversible, alors c’est toute la matrice idéologique des marxismes qui déjà était mise à mal.

- Debord n’a-t-il pas écrit : « car le sens final du spectaculaire intégré, c’est qu’il est intégré dans la réalité même à mesure qu’il en parlait ; et qu’il reconstruisait comme il en parlait […]. Le spectacle s’est mélangé à toute la réalité, en l’irradiant (Commentaires sur la S.S.). Cette « intégration », c’est-à-dire la considération que ce monde est maintenant d’un seul tenant, se retrouve évidemment dans le concept de « capitalisme mondial intégré » de Guattari, et encore dans la critique de la valeur que fait Krisis (on ne peut plus opposer le politique à l’économique, parce que justement tout est d’un seul tenant).

- Toujours dans cette contestation de la matérialité, Lasch lui aussi, ne considère-t-il pas que désormais nous avons en face nous « un monde où les mots et les images entretiennent de moins en moins de ressemblance avec les choses qu’ils semblent décrire » (La Révolte des élites, p. 50). De plus il pense aussi que ce sont les « analystes symboliques », c’est-à-dire les élites des sociétés qui vivent dans un monde de concepts, d’abstractions, d’information, etc, qui ré-agencent les sociétés par l’incarnation de leur mode de vie et l’extrême publicité qui est donnée à celui-ci (et non pas du fait de leur idéologie pour Lasch, puisqu’il pense que les élites de la classe managériale n’ont pas d’unité idéologique), suscitant une polarisation de l’imaginaire des classes moyennes. Donc Lasch reconnaît, même s’il condamne la construction sociale de la réalité comme idéologie post-moderne, qu’il y a une construction de la réalité sociale qui s’incarne dans les sociétés non pas comme idéologie mais comme pratique . Et là encore cette classe managériale vit dans son monde illimité des idées, et non plus dans les limites (de la nature, de la convenance civique, etc.). Toute matérialité échappe à la classe managériale.

La remise en question du matérialisme, passe d’abord dans la convergence de la remise en cause radicale du matérialisme économique :

- Lasch n’a-t-il pas avoué qu’il était attiré par une tradition de marxisme anglais (E.P. Thompson et R. Williams) qui « refusait le déterminisme économique et la distinction mécaniste entre ‘‘ infrastructure ’’ économique et ‘‘ superstructure ’’ culturelle » (Le Seul et Vrai Paradis, p. 32), pour laisser place à l’expérience historique.

- N’est-ce pas là aussi, le point de ralliement du post-structuralisme (Foucault, Deleuze, etc) qui contestait le structuralisme matérialiste, dans sa mise en évidence des « événements », des « plis », et qui réintroduisait alors de la liberté, c’est-à-dire de la « non-calculabilité » comme dit Derrida.

- Sans parler aujourd’hui d’une tendance post-situationniste, une branche des téléologues : les « téléologues modernes » (opposés à J.-P. Voyer), qui eux clairement sont antimatérialistes et sont accusés carrément par certains de « spiritualisme » (accusation très grossière). Les remarques liminaires ne sont-elles pas : « Partir de l’hypothèse que tout est pensée [hypothèse nominaliste rappelons-le, et qui forme la première thèse des « téléologues modernes »] est une conception encore difficilement admissible dans ce monde qui s’est laissé noyé dans un certain matérialisme, amplement fissuré depuis deux ou trois décennies [ce qui correspond en effet au reflux de la matrice marxiste]. Que tout soit pensée reste compris comme une sorte d’aberration idéaliste » (in Alliance des ultra-spectiques optimistes, Matrice téléologique, Belles Emotions, mars 2007).

- Ne revenons pas sur le nominalisme de J-P. Voyer qui est comme nous l’avons dit, une attaque frontale du matérialisme économique (et Voyer pousse la critique de cette thèse de manière radicale puisque pour lui l’existence de « l’économie » est un simple mensonge perpétré par un appareil idéologique).

- Encore un positionnement nominaliste anti-matérialiste, chez Latouche. Dépassant et critiquant Karl Polanyi, Latouche est certainement celui parmi le courant du MAUSS qui a contesté le plus efficacement la naturalité, l’évidence, et l’existence transhistorique de « l’économie ». L’économie n’a rien d’évident, et donc la « matérialité économique » est largement une construction idéalo-pratique. Latouche dans ses dernières évolutions, considère d’ailleurs maintenant clairement l’économie comme une « religion » au sens classique du terme (cf. son article « Le Veau d’or est vainqueur de Dieu : Essai sur la religion de l’économie », in Revue Du Mauss, n° 27, 2006, ce qui devrait je pense, apaiser Voyer dans sa critique de Latouche).

- L’hypothèse matérialiste est aussi totalement critiquée par Tiqqun, qui ne fait que reprendre souvent à la lettre les positions de Guattari. S’il fallait résumer leur vision des choses, il faudrait parler de leur thèse centrale du « capitalisme cybernétique » (qui correspond pour eux à la cybernétique qui a suivi celle des années 50) : Tiqqun donne en effet un rôle central non plus à la matérialité du monde, mais aux « agencements », c’est-à-dire qu’on se place dans la perspective constructive des agencements épistémiques proposée par Foucault qui lui, réagissait avec cette thèse au matérialisme de la matrice des marxismes. Tiqqun écrit ainsi : « L’information doit retourner ensuite vers le monde des étants, les reliant les uns aux autres, à la manière dont la circulation marchande garantit leur mise en équivalence. La rétroaction, clef de la régulation du système, réclame maintenant une communication au sens strict. La cybernétique est le projet d’une re-création du monde par la mise en boucle infinie de ces deux moments, la représentation séparant, la communication reliant, la première donnant la mort, la seconde mimant la vie », (« L’hypothèse cybernétique », p. 46. Leur thèse profonde dans ce texte, étant même qu’il a disparition de « l’économie » inventée au profit d’une cybernétique totale : « avec le capitalisme cybernétique, le moment politique de l’économie politique domine par conséquent son moment économique », p. 55 [3]. Pour les Tiqqunistes, la cybernétique va remplacer l’économie, à partir de 1870 : « L’information sur les flux tient dès lors une importance stratégique centrale comme condition de la valorisation », (…) « Pour advenir, tout échange requiert des ‘‘ investissements de forme ’’ – une information sur et une mise en forme de ce qui est échangé -, un formatage qui rend possible la mise en équivalence avant qu’elle n’ait effectivement lieu » [4].

Là encore de Debord à Lasch en passant par Tiqqun etc., tous ont convergé vers la remise en cause radicale du matérialisme (Debord certainement parce qu'il a pas compris Marx sur ce point, est même revenu sur Stirner, en disant que " l'homme total " de Marx était un " individu total ", ce qu'avait déjà dit Marx, mais en un tout autre sens que Stirner. cf. Michel Henry, Marx t.1, sur cette question de fond). Plus ou moins, avec des différences, mais personne ne s’est réclamé du matérialisme.

2.– Remise en cause du sens de l’histoire (critique du progrès historique comme de la " modernisation ").

La mise en cause du sens de l’histoire vers le meilleur des mondes et ses possibilités illimitées (de croissance, d’étapes quantitatives, qualitatives, etc.), découlent directement de l’effondrement de la thèse du matérialisme : L’évolution des sociétés ne pouvant plus être interprétée par un schéma « matière-détermine-la société » qui se déploie en différentes étapes de développement obligatoires et nécessaires à l’apparition de l’étape suivante (ce qui on le sait, est aussi une critique fondamentale du courant de « l’après-développement »), c’est tout le sens de l’histoire, la conception du progrès historique, et l’idée même de « progrès » (basée sur l’idée matérialiste) qui s’en trouvaient contestés.

Pour contester l’idée matérialiste de « progrès », certains comme K. Lowith (Histoire et Salut) ou Max Weber (Ethique protestante) ont montré combien cette idée de progrès était né de la théologie de l’histoire et de sa conception eschatologique, et n’avait donc rien de très matérialiste. On comprend que les matérialistes n’aient pas très apprécié. D’autres comme Lasch (Le Seul et vrai paradis) vont contester cette première thèse postulant un rapport entre religion et idéologie matérialiste du « progrès ». Pour les autres, c’est l’effondrement du matérialisme qui va surtout les pousser à mettre par dessus bord le sens de l’histoire. C’était simplement la conclusion logique.

On peut voir surtout, que cette remise en cause du sens de l’histoire et du progrès, va jusque au rejet massif dans l’ultra-gauche des Lumières.

- Pour ce qui est disons du petit courant de la critique du « développement » (La Ligne d’Horizon, le colloque de l’unesco de 2002, etc), je crois qu’il n’est point besoin de faire la démonstration de leur opposition radicale au « développement », donc à la modernisation et au progrès. Je renvois au texte du site de la LH, comme aux ouvrages de la bibliographie confectionnait par ivani ici présent, sur le site de la LH.

- Notons un point de convergence de nombreux courants aujourd’hui : beaucoup de ces courants rejettent totalement les mouvements ouvriers depuis le XIX s. et plus encore l’altermondialisme actuel. Ils sont alors dans le cadre d’une critique de l’histoire progressiste de la matrice marxiste, à la recherche de luttes sociales qui dans l’histoire illustrent leur nouvelle convergence analytique. Les luddistes, et désormais qu’importe les éléments que les marxistes qualifiaient de « réactionnaires » dans ce mouvement, illustrent parfaitement cette convergence, puisque plusieurs de ces courants en font maintenant LE mouvement qui aurait pu s’opposer frontalement à l’économie. Que ce soit on le sait le courant anti-industriel-Encyclopédie des nuisances ; que ce soit Anselm Jappe de Krisis (cf. Les aventures de la marchandise), Kurz qui lui-aussi se réclame de la mise en évidence par Thompson de « l’économie morale de la foule » [5] , et même Tiqqun (« L’hypothèse cybernétique », p. 77 [6]) ou Voyer ont dit tout leur bien des luddistes que tout le monde considère comme « le » type de lutte consistante. Même la « Commune », Cronstadt, la république anarchiste ukrainienne après la Première guerre mondiale, etc., semblent aujourd’hui faire pâle figure par rapport aux luddistes (c’est que même l’auto-gestion, le conseillisme, ne semblent plus être LA solution, bien au contraire…).

- L’exemple des luddistes est typique d’une certaine relecture de l’histoire des mouvements de luttes. Maintenant que le sens de l’histoire ne fait plus sens pour ces courants, l’histoire des saintes luttes de la classe ouvrière est déconstruite, et les courants ultra-gauche se reconnaissent alors de nouvelles origines dans l’histoire des luttes, et souvent des luttes, comme les luddistes, que la matrice idéologique marxiste avait condamnée comme « réactionnaire », « passéiste » et « antiprogressiste », etc.


- Cette relecture de l’histoire détachée de tout le matérialisme et du sens de l’histoire, a été commencé d’abord par l’historien anglais E. P. Thompson, qui le premier aura dégagée « l’économie morale de la foule » des XVIIe et XVIIIe siècles, et les luttes luddistes du début du XIXe siècle, comme d’authentiques résistances à l’économie qui s’inventait alors. Thompson a rebours des historiens marxistes, relisait l’histoire selon d’autres critères que le matérialisme et l’eschatologie développementiste. (sur la thèse de " l'économie morale de la foule " de Thompson, beaucoup moins connue que celle sur les luddistes, j'ai fait un rapide condensé là dessus d'articles et d'ouvrages souvent peu accessible : http://www.decroissance.info/L-historie ... e-Edward-P )

- Lasch (très influencé par Thompson comme il le dira), sera le deuxième historien à relire l’histoire d’un tout autre point de vue que ne l’ont fait les historiens attachés à la matrice marxiste. Pour lui, en effet, les socialistes et les communistes n’ont été que les « accoucheurs du progrès », c’est-à-dire de l’économie. Et il s’est attaché à montrer, à contre-pied de l’histoire hagiograhique des luttes sociales marxistes, qu’il existait un populisme américain qui avait finalement beaucoup plus résisté au monde qui venait, que les luttes de représentations professionnels de la classe ouvrière. Ce point de vue de Lasch n’est encore pas isolé aujourd’hui, parmi les autres courants ultra. Si la contestation de la vision hagiographique de la matrice marxiste est un sport national depuis longtemps pour l’ultra-gauche et que celle-ci produisait elle-même une contre-histoire apologétique dont elle se réclamait (apologie de la commune, cronstadt, etc), Lasch est allé en effet beaucoup plus loin que cette contre-apologie-anti-stalinienne (qui aujourd’hui même dans l’ultra-gauche ne fait plus l’unanimité et est contestée), pour décomplexer totalement le rapport à l’histoire. Et sur ce plan là, l’ultra-gauche a évolué ces 15 dernières années avec l’intérêt grandissant pour les luddistes, qui dégage de nouveaux repères historiques dont la composante n’est désormais plus forcément toujours progressiste (comme l’étaient les épisodes de la Commune, Cronstadt, etc, à part peut-être l’épisode Makhnoviste très marqué par les valeurs paysannes). Cependant il faut aussi relativiser le progressisme passé de l’ultra-gauche : si l’anarchisme ou l’ultra-gauche ont toujours prétendu être étranger aux catégories de « droite » et de « gauche », certaines composantes ultra ou anars ont parfois carrément défendu par volonté de saper tout ce qui conforterait le monde existant, la critique de l’antifascisme (classique à l'ultra-gauche), l’antisémitisme voire carrément le négationnisme (l’antisémitisme et le négationnisme est le cas très très particulier pour le groupe « La vieille taupe » par exemple), on connaît aussi, parce que le situationnisme réclamait le mélange de l’avant-garde artistique postdada et du mouvement révolutionnaire, comment la « psychogéographie » lettriste, et notamment Debord, réintroduisait une critique esthétique de la modernité, thème généralement depuis le XIXe siècle adopté par des auteurs de droite : ce qui permettra à EdN de se réclamer bien légitimement aux yeux de l’histoire et de l’éthos situationniste, de la critique souvent esthétique et qualitative de W. Morris. Mais Lasch illustre à mon sens, cette histoire totalement décomplexée vis-à-vis des catégories progressistes : peu importe les étiquettes, il recherche toutes les tendances qui se sont opposées de façon conséquentes au monde en marche. Il connaît et reconnaît les éléments réactionnaires et antisémites de certains mouvements populistes américains, mais, lui, il veut remettre en image l’histoire des luttes contre le monde, à partir de cette focale d’opposition au monde qui se mettait en place. Une histoire totalement détachée de la vulgate historique marxiste. C’est donc forcément une histoire « incorrectement progressiste ». Peut-être que Lasch voyait l’histoire du populisme américain qu’au travers de la focale « opposition au monde », du moins c’était là son axiologie consciente et délibérée.

- Après Thompson ou Lasch, ou peut voir aussi le livre de Patrick Ourednik chez Allia, qui lui aussi s’est amusé à relire l’histoire du Xxe siècle, du point de vue de cette ultra-gauche réfractaire au matérialisme de la matrice marxiste : Europeana, une brève histoire du Xxe siècle, 2004. Cette relecture de l’histoire officielle qu’avait constitué la matrice, est donc quelque chose d’aujourd’hui classique.

Cependant, on peut voir une certaine convergence vers la critique radicale du sens de l’histoire, autrement qu’au travers d’une relecture critique et non progressiste de l’histoire, détachée de toute les conceptions de la matrice des marxistes. Et notamment au travers du débat au sein de l’ultra-gauche, sur les Lumières, la raison ou encore la notion progressiste d’ « infini » :

- On sait l’apport essentiel du livre de Michéa, Impasse Adam Smith : la gauche si elle veut s’opposer au capitalisme, elle doit rompre avec les Lumières. Or que dit Krisis ? Rien de plus et même en des termes beaucoup plus tranchés que ceux de Michéa. En effet pour eux, les Lumières ne sont pas une idéologie parmi d’autres, elles sont l’idéologie même du capitalisme, elles sont le capitalisme en pensée (et réciproquement le capitalisme constitue la vérité des Lumières). C’est pourquoi, lorsque celui-ci atteint sa limite historique absolue et devient capitalisme de crise, les Lumières perdent tout aspect programmatique émancipateur. Elles se réduisent alors au capitalisme réellement existant. Et ainsi Krisis résume : « A la fin de l’histoire de la modernisation, progrès et réaction, Lumières et contre-Lumières coïncident directement dans la forme commune brisante qu’est la socialisation de la valeur ». Galtier et Mercier résument : « seule une critique anticapitaliste non tronquée, c’est-à-dire intégrant la critique des Lumières, de la valeur et de la scission sexuelle, rendra possible une réelle émancipation du capitalisme ». Kurz aussi considère que Kant (une figure emblématique des Lumières) est à la source de la même conception abstractive et désincarné qu’a le capitalisme : les formes pures d’appréhensions que sont pour Kant l’espace et le temps, sont conçus de manière a-sensible et simplement mathématique. Michel Henry dirait en effet qu’elle répondent de la science galiléenne et de son évidage de la subjectivité du monde. Or pour Kurz, ce même principe d’évidage de la subjectivité radicale que l’on reconnaît chez Kant, est la base du capitalisme. Le groupe Krisis est donc lui aussi sur une critique totale de la « modernisation ». Kurz écrit ainsi qu’il « est nécessaire une antimodernité émancipatrice qui se révolte radicalement » (Critique de la démocratie balistique, p. 42). Il appelle « à attaquer consciemment sous une forme transnationale, la souveraineté et le ‘‘ développement ’’ national ». Si bien qu’à mon sens, dans ce qu’à pu écrire Krisis, je ne vois pas de différence entre eux et par exemple le courant critique du « développement ». Bounan partage aussi cette critique radicale des Lumières.

- Souvent circule une image trompeuse de l’EdN, qualifié d’anti-progressiste et d’ultra-conservatrice. Il faut à mon sens, relativiser la critique qu’a fait Bounan à l’EdN. Car la critique de Bounan n’est pas une critique frontale de la conception de l’EdN, elle est surtout une critique qui dit à l’EdN, quand s’arrêtant à la défense de la « raison », de la « nature » (je passe sur la « démocratie » car là, sur ce point, je trouve que Bounan exagère), elle reste au milieu de la rivière et ne la traverse pas, c’est-à-dire que EdN ne cesse de critiquer la modernisation, l’artificialisation, etc, mais elle reste « à un stade déjà bien avancé du procès de dépossession moderne que ces anciens ‘‘ progressistes ’’ déçus souhaiteraient revenir » (p. 71, Sans valeur marchande). Cependant Bounan oublie que quand même Jean-Marc Mandosio qui publie aussi à l’EdN, a traduit chez Allia, La Mesure de la réalité, un texte de l’historien Crosby, qui fait impeccablement remonté le départ de la modernité au XIV-Xvème siècle. Notons que Mandosio a justement fait des remarques à B. Louart pour son Quelques éléments de réappropriation, justement parce que Bertrand comme disait Bounan à EdN, restait un peu au milieu de la rivière. Mais Michéa, lui, pourtant lecteur de l’EdN, dans Impasse Adam Smith ne se rattache pas aux Lumières, auxquelles reste attaché quelque part EdN. Comme on le voit par rapport aux positions de Michéa ou Mandosio, proche toute de même d’EdN, la question soulevée par Bounan a fait mouche, et a été certainement débattue par Semprun et ses amis (au vu des 3 dernières publications d’EdN qui ont rompu avec le cycle de publications très « critique des sociétés industrielles »). De plus ce que reproche, dans le fond, Bounan, à EdN, c’est « le sens et la valeur de ces mots sont suffisamment ambigüs, pour tromper le lecteur » (Sans valeur marchande, p. 6Cool, c’est là le reproche de fond, et il est vrai que si Semprun dans ses Dialogues sur l’achèvement des temps modernes (1993) fait remonter notre monde au « processus historique commencé à la Renaissance », certains textes qui suivront (notamment de Baudouin de bodinat), entretiendront le flou, puisque à plusieurs reprises sera quand même fait l’apologie de la cvilisation paysanne du XVIIIe siècle. Ce flou, a entraîné un malaise dont ils ont été la victime (on les a accusé de « technophobie », etc. cf. le site des Amis de Némésis). EdN à mon sens, a compris quelque part la polémique dû plus à un certain flou artistique à un moment chez eux, qu’a certainement un véritable différent de fond. Mais même si cette polémique s’est faite dans la violence de pamphlets, de prise à partie, etc., encore une fois, Bounan disait juste à l’EdN qu’il était d’accord avec eux, mais qu’ils ne pouvaient pas rester au milieu de la rivière dans la bonne voie qu’ils avaient emprunté. Il fallait passé de l’autre côté. La publication de Mandosio chez Allia (éditeur de Bounan, et qui entend faire apparaître un autre son de cloche situationniste que celui de l’EdN) illustre qu’il n’y a pas d’opposition frontale de Bounan à l’EdN, mais seulement qu’EdN n’a pas fini de dérouler les bobines analytiques et qu’il faut remonter encore en amont au XVIIIe siècle. La polémique, si violente qu’elle soit, d’une point de vu « contenu analytique », n’est pas si opposée que la violence de l’échange pourrait le faire croire. Pas du tout. (je passe sur le petit pamphlet que l’on retrouve sur internet « Contre l’EdN »). L’accusation portée par certains à l’EdN, d’être « ultra-conservateur » (mais les téléologues modernes n’ont peut-être pas saisi le propos de Bounan), au vu de la critique beaucoup plus poussée faite par Bounan, perd alors beaucoup de sa consistance, et devient même à relativiser.

- Cependant dans cette remise en cause du sens eschatologique de l’histoire et de son idéologie du progrès, aucun groupe à mon sens, n’a autant porté la critique que ne l’ont fait les téléologues modernes. Certains n’ont pas envie de les prendre au sérieux, ou alors considère que l’objet de leur critique est seulement « secondaire ». Or, à mon sens, et quelque soit les thèses que vont postuler les téléologues pour réfléchir à leur objet, ce débat sur cet objet, devrait retenir l’attention de tous (et d’ailleurs des « décroissants », même si la grande majorité d’entre eux est évidemment au dessous de toute critique). Car quel est l’objet de leur critique ? « Une critique radicale de la notion d’infini », de l’illimité… Voilà qui curieusement rejoint certains objets de réflexion de la décroissance. A travers cette critique de l’infini, c’est bien entendu l’idée de progrès, de sens de l’histoire, qui est mis en cause. Cependant la différence majeure entre les téléologues et la manière dont certains décroissants répondent à la question de l’illimité en voulant simplement poser des « limites » et des « auto-limites », c’est-à-dire en restant dans une vision moralisante de toujours la même vision de l’infini, les téléologues eux veulent réfuter radicalement la vision de l’infini, par justement leur propisition téléologique : « tout à une fin ». On est donc loin du « tout à une limite ou doit en avoir » des décroissants (de leur vision entropique débile, etc.). Les téléologues se mettent carrément hors du champs de l’infini, alors que les décroissants veulent simplement moraliser et limiter ce champ afin de le gérer en bon père de famille. La force des téléologues, c’est qu’il ne font pas seulement une critique de l’infini, ils avancent carrément une matrice pouvant s’opposer et remplacer la matrice progressiste de l’illimité. Et c’est cela par rapport aux décroissants, qui est très intéressant comme démarche. Je n’engage pas plus loin ce débat, et si cela intéresse des « décroissants », il suffit d’aller lire les propositions tâtonnantes des télélogues dans Alliance des ultra-spectiques optimistes, Matrice téléologique et De l’hypothèse à l’hypostase, Belles Emotions, 2007.

Ainsi je vois donc dans le refus d’une conception fléchée et eschatologique de l’histoire, le refus de concevoir l’histoire sous la forme d’étapes nécessaires (critique du « développement »), et plus encore donc de l’idéologie du progrès qui a structuré cette vision commune au capitalisme comme à la matrice idéologie des marxismes, et donc la critique/réfutation des Lumières voire la critique de la notion d’infini, une certaine convergence des ultras-gauches.

3. Vers la mort de l’économie.

Il me semble voir que maintenant, nombreux courants se dirigent (plus ou moins péniblement) vers une réfutation frontale de l’économie.

- Il est certain que Lasch n’est pas au clair du tout sur cette question, puisqu’il défend les thèses de Michael Walzer et qui sont globalement celles des néo-capitalistes altermondialistes européens. Pour lui en effet il ne faut pas « sortir de l’économie », la mettre à mort, mais seulement lui donner des « frontières » (donc opposer encore le politique à l’économique ou le politique à la technique) : c’est-à-dire il faut que certaines dimensions de la vie échappe à l’argent. Il parle de l’amitié, de l’amour, des charges politiques, etc. Les altermondialistes parlent de la nature, de l’air, de l’eau, de l’éducation, etc. Donc pour eux, l’économie doit avoir des frontières, « le monde n’est pas une marchandise » comme ils disent. Seulement pour eux, il ne conteste pas l’échange marchand, ils contestent seulement la place totalisante qu’il a pris dans nos vies. S. Latouche est aussi sur cette position proche de Lasch et des altermondialistes bien que Latouche critique la tendance des altermondialistes à vouloir faire un capitalisme éthique (cf. Justice sans limites. Il faut remarquer que la signification du terme « relocalisation de l’économie » chez Latouche, est d’ailleurs très éloignée de son acception écologiste qui tient seulement à réduire les transports. Alors que la relocalisation de l’économie chez Latouche implique l’abolition du Marché et donc une « sortie de l’économie », chez les écologistes la relocalisation de l’économie n’est comprise que comme un moyen de limiter les intermédiaires et les transports, l’argent dominant n’est jamais mis en cause par les écologistes). Pour Latouche, s’il est radicalement contre le « Marché » avec un grand « M », il est pour les « petits marchés locaux » avec des monnaies locales permettant des échanges marchands localisés (cf. Son article dans Réfractions : « Se réapproprier le marché »). Michéa est d’ailleurs sur la même position (cf. son texte dans L’enseignement de l’ignorance « L’ambiguité de l’échange marchand »). Pour tout cet ensemble idéologique, sur cette question très particulière, allant de Lasch aux altermondialistes de « l’économie solidaire » : à côté de la sphère marchande, il faut des sphères protégées échappant à l’argent. Ils veulent comme disaient Walzer, idée à laquelle souscrit Lasch, une « pluralité des sphères » (cf. La Révolte des élites, p.33-34). Cette tendance « équilibro-sphériste » (appelons là comme cela), est certainement très en retrait par rapport à d’autres tendances critiques, parce qu’elle est encore très ambigüe. Latouche n’a entamé sa critique de l’économie, qu’après avoir passé la plupart de sa vie a critiquer les sciences économies et le développement. Ce n’est qu’avec La déraison de la raison économique, et plus encore avec L’invention de l’éocnomie, qu’il a opérer un grand saut dans son œuvre. Gilbert Rist me disait que la critique du développement, était partie d’une critique de ce qu’il se passait au Sud. Et qu’elle avait été assez étrangère à la « critique de la société de consommation » des années 50’s, 60’s. Ce n’est qu’aujourd’hui, me dit-il, notamment avec la décroissance, qu’il voit qu’il faut maintenant en passer par une critique de ce qu’il se passe au Nord. Personnellement, je considère que Latouche a le premier tenté ce moment historique pour le courant de la critique du « développement ». Mais hélas, G. Rist ne semble pas être d’accord avec les dernières thèses de Latouche sur la sortie de l’économie. Ce qui montre, qu’au moins dans ce petit courant, la réfutation de l’économie, n’est pas encore partagée, et que l’on reste surtout sur une critique des sciences économiques (position de Rist par exemple).

- Car les tendances de l’ultra-gauche, malgré des bisbilles pour savoir qui aura le plus rapidement dégagé leur projet de l’économisme, tout le monde met maintenant en cause l’existence même de l’économie. De Voyer aux téléologues modernes, en passant par Jappe (chapitre « Critique de l’économie tout court », in Les A. de la M.), Tiqqun, Latouche, Bounan, Kurz, EdN, tout le monde a pour ennemi commun, « l’économie ». C’est même plus le capitalisme qui est l’ennemi, mais bien plus.

- C’est donc à qui se dégagera de l’économisme le plus vite. Et là on retrouve dans un même paradigme anti-économiciste radical, la foire des accusations d’économisme, car ce qui reste discuté, c’est de quelle manière on pose une critique de l’économie conséquente ? Chaque groupe s’accuse de conserver des bribes d’économisme. C’est ainsi Jappe qui critique férocement le don du MAUSS et particulièrement sur plusieurs pages, S. Latouche dans Les Aventures de la marchandise, chapitre 7, « De quelques faux amis ». C’est encore la polémique prolongée de Voyer contre le « Dr. Latouche » sur son site, mais c’est aussi Tiqqun quand ils écrivent : « Qu’elle rompe seulement avec les postulats individualistes de l’économie ou qu’elle considère l’économie marchande comme volet régional d’une économie plus générale – ce qu’impliquent toutes les discussions sur la notion de valeur , comme celle du groupe allemand Krisis, toutes les défenses du don contre l’échange inspirées par Mauss, y compris l’énergétique anti-cybernétique d’un Bataille, ainsi que toutes les considérations sur le symbolique, que ce soit chez Bourdieu ou Baudrillard – la critique de l’économie politique reste in fine tributaire de l’économisme. » (L’hypo. Cyber., p. 67). Pourquoi ? Parce que Tiqqun reprend les thèses de Guattari, qui lui-même les prenait de Foucault qui lui même les a pris de Clastres. Pour eux en effet (tout est disons résumé dans le texte de Guattari, « Le Capital comme intégrale des formations de pouvoir », dans La Révolution moléculaire) : « Le capital économique, exprimé en langage monétaire (…) repose toujours, en dernière analyse, sur des mécanismes d’évaluation différentielle et dynamique de pouvoirs » (p. 6Cool. C’est-à-dire que le pouvoir précède l’invention de l’économie. Clastres dans La Société contre l’Etat, écrivait en effet : « La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d’exploitation. Avant d’être économique, l’aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l’économique est une dérive du politique, l’émergence de l’Etat détermine l’apparition des classes ». Pour Guattari et ses épigones (et contre Marx, contre lequel Guattari engage toute sa polémique), tout critique radicale de l’économie, qui ne prendra pas en cause cela, restera une critique économiciste de l’économie. Guattari ne cessera de dénoncer comme étant abstrait la catégorie du « travailleur collectif » chez Marx. Cependant je pense que Guattari dans ce texte fait des mésinterprétations majeures de Marx, justement parce qu’il ne critique pas là Marx mais les marxismes qui en sont l’éternel contre-sens. Mais je vais pas là, m’engager dans la critique de ce texte, et donc des positions de Tiqqun sur cela (mais je tiens à dire qu’à part la dissolution du sujet telle qu’ils la conçoivent – et sur laquelle les téléologues modernes semblent d’accord -, et leur reprise de thèses de Guattari sur Marx, je suis sur le reste bien d’accord ave Tiqqun)

4. Fin des luttes frontales pour le pouvoir ou la revendication et fin de l’autogestion : vers la sécession, l’autonomie, l’auto-organisation et l’opacité : le deuil combiné de la " Révolution " et de la " réforme ".

Ce point de relative convergence, porte sur le sentiment commun de l’échec de la stratégie globale de l’action qu’avait postulé la matrice des marxismes : que ce soit le Parti-Etat, la lutte insurrectionnelle, l’autogestion, le conseillisme (partout par exemple on rediscute de façon critique, le livre de Pannekoek, Les Conseils ouvriers), mais aussi pour certains, carrément le spontanéisme des autonomes (notamment pour Guattari-Tiqqun). C’est là encore la matrice idéologique marxiste qui dans son reflux est critiquée et mis en question. Quels peuvent être alors les points de convergence ?

- On peut noter qu’il y a quelque part, possibilité de convergence, même entre les laschiens et Tiqqun, puisque ce dernier groupe a rejetter totalement la stratégie avant-gardiste (Texte « Le problème de la tête » et a même pris ses distances avec la lutte armée). Lasch, apologue des « hommes ordinaires », était évidemment contre tout avant-gardisme dont il a suffisamment expliqué le narcissisme et la relation évidente de cette militance avec la psychologie de l’homme capitaliste (La culture du narcissisme). Il n’y a pas accord, mais possibilité de convergence. Tiqqun et les laschiens sont opposés à toute perspective avant-gardiste.

- De plus il faut noter qu’il y a aussi, non pas un fossé mais des possibilités de convergences, entre la pensée de la communauté de Lasch (pour lui pas de démocratie sans communautés autonomes – pareil pour Ellul) et l’apologie de l’Eros groupusculaire par Guattari : « nous sommes tous des groupuscules ! », est aussi un appel à la resingularisation et à une qualité du partage concret de la vie. Bien sûr que le groupuscule guattarien, n’est pas la communauté laschienne, cependant le fossé entre les deux, n’est pas aussi grand qu’on le dit tout de même.

- On pourrait aussi noter comme convergence un traditionnel rejet massif de Mai 68 dans les courants ultra-gauche. Michéa, Lasch (qui particulièrement va s’opposer à nombreux éléments du gauchisme) ou Ellul (« Je, tu, ils, nous parlons… soixantehuitard ! », article de 1978 in revue Autrement), ne sont pas les seuls à dénoncer le tournant libéralo-libertaire. De plus en 1972, Debord dissout l’IS, justement parce qu’il estime que le situationnisme est maintenant récupéré par le Spectacle, et il préfère alors se lancer dans la machine de guerre éditoriale des éditions Champ Libre. Tiqqun aussi dénonce en Mai 68, les « libéralo-libertaires » - terme donc très consensuel -, cf. l’apologie de Tiqqun des insurrections autonomes en 77, contre le « Mai d’Etat » de 68 (et la polémique qu’ils engagent sur cette question avec Debord). Tiqqun aussi a fait une relecture totale de la stratégie révolutionnaire des 70’s pour en montrer l’échec mais plus encore le rôle qu’elle joue dans la machinerie. Les ultra-gauche considèrent aujourd’hui que 68 n’a été qu’un épisode de la modernisation du capitalisme. Il suffit de lire cette phrase de Michéa : « L’idée que le capitalisme moderne représente non pas la trahison, mais au contraire, l’accomplissement des idéaux de Mai 68, soulève la plupart du temps une indignation bien compréhensible en raison de l’ampleur du travail intellectuel et psychologique qu’elle suppose pour être seulement envisagée » (L’E. de L’Ignorance, p. 115). Seul un historien de l’ultra-gauche comme Bourseiller, peut écrire encore : « Il est de bon ton aujourd’hui de critiquer Mai 68 et d’en instruire le procès. Je refuse d’arpenter ces terres. Mai 68 me semble un événement important sur le plan culturel. Le séisme momentané qu’il a produit a permis de moderniser la société française » (Extrêmes-gauches : la tentation de la réforme, Textuel, 2006, p. 20). « Moderniser la société française »… la simple modernisation du capitalisme : exactement ce que dénonce l’ultra-gauche en Mai 68. Mais bon c'est du bourseiller...

- La grande thèse de Tiqqun sur la stratégie révolutionnaire : « L’échec [des luttes de la matrice idéologique marxiste qui est morte] ne fut pas celui de telle ou telle organisation combattante, de tel ou tel sujet révolutionnaire, mais l’échec d’une conception de la guerre » (« Ceci n’est pas un programme », p. 251). Il faut donc voir comme est remis en cause le « guerrier civilisé », le militant, mais aussi la virilité classique (texte « Le malheur du guerrier civilisé », p. 254-255). Ils réévaluent totalement l’efficacité (nulle et contrproductive) de la lute armée dans les mouvements Autonomes italiens dans les 70’s. Ils font là une très bonne analyse, à mon sens, de l’échec de l’autonomie dans ces années là. Il faut là citer alors un passage pour bien comprendre cette réévalutation guattarienne des luttes : « C’est sur ce terrain total, le terrain éthique des formes-de-vie [notion qui vient de la critique du militantisme comme remise à plus tard de l’existence, et que l’on retrouve bien évidemment dans le refus de la philosophie anarchiste de la séparation des « moyens » et des « fins »), ce que le situationnisme exrpimera dans sa brochure : « Le militantisme, stade suprême de l’aliénation »], que se joue actuellement la guerre contre l’Empire. (…) Ici la conception classique, abstraite d’une guerre qui culminerait dans l’affrontement total, où elle rejoindrait finalement son essence, est caduque. La guerre ne se laisse plus ranger comme un moment isolable de notre existence, celui de la confrontation décisive ; désormais, c’est notre existence même, dans tous ses aspects, qui est la guerre. Cela veut dire que le premier mouvement de cette est réappropriation. Réappropriation des moyens de vivre-et-lutter. Réappropriation, donc, des lieux, squatt, occupation ou mise en commun de lieux privés. Réappropriation du commun : constitution de langages, de syntaxes, de moyens de communication, d’une culture autonomes – arracher la transmission de l’expérience des mains de l’Etat. Réappropriation de la violence : communisation des moyens de combat, formation de forces d’auto-défense, armement. Enfin, réappropriation de la survie élémentaire : diffusion de savoirs-pouvoirs médicaux, des techniques de vol et d’expropriation, organisation progressive d’un réseau de ravitaillement autonome. » (p. 252).

- Sans parler de la revendication de Tiqqun à la mouvance Autonome : « ce que les différents devenirs de l’Autonomie ont en commun, c’est de revendiquer un mouvement de séparation par rapport à la société, par rapport à la totalité. Cette sécession n’est pas affirmation d’une différence statique, d’une altérité essentielle, nouvelle case dans la grille des identités dont l’Empire assure la gestion, mais fuite, ligne de fuite. Séparation s’écrivait alors Separlazione » (« Ceci n’est pas un programme ! », p. 249).

- Remarquons sur quels plans, le groupe Krisis positionne la stratégie : notre « lutte n’est pas politique, elle est antipolitique. Puisque à l’époque moderne, l’Etat et la politique se confondent avec le système coercitif du travail, ils doivent disparaître avec lui. Tout le verbiage à propos d’une renaissance de la politique [7] n’est que la tentative désespérée de ramener la critique de l’horreur économique à une action étatique positive. Mais l’auto-organisation et l’auto-détermination sont le contraire même de l’Etat et de la politique » (Krisis, Manifeste contre le travail, p. 107). Et ainsi Krisis se réclame d’une perspective stratégique clairement « post-politique ». Donc les mêmes positions que Guattari, le Comité invisible, Tiqqun, etc.

- Ce projet de secession, d’auto-organisation, d’auto-détermination, de « contre société », d’ « opacité offensive » et donc bel est bien un point de convergence. Il s’oppose clairement dans ces milieux contre toute tentative de « renaissance démocratique » (c’est-à-dire de citoyennisme – comme le bête décroissant Jacques Testart croit encore que l’on peut démocratiser les débats sur la science, en y mettant de la politique, le pauvre… il a jamais lu L’illusion politique d’Ellul. Mais comme il ne sait pas lire, ni réfléchir d’ailleurs, on ne serait le lui reprocher) comme au luttes frontales et armées (de type urbain ou pas) – et ceci est très clair chez Tiqqun qui prône l’armement mais pas la lutte armée (cf. « Ceci n’est pas un programme »).

- Comment ne pas voir, que F. Partant dans l’utopie fouriériste publiée dans La Ligne d’Horizon, n’exprimait justement pas cette nouvelle stratégie : « une société qui s’institue ex-nihilo ». bien sûr Partant a toujours dit beaucoup de conneries, et sa vision de l’ « Association pour une alternative socio-économique mondiale » sent bon le grand n’importe quoi, la planification et même le travaillisme et l’économisme. Cependant hormis, les explications qu’il nous donne sur le fonctionnement d’une telle association qui promeut l’autonomie collective (et qui sont totalement dépassés, ce qui montre bien comme me disait Latouche, qu’il faut se garder de toute adoration hagiographique de Partant, comme tend à le faire selon lui la LH...), la stratégie de secession et d’auto-organisation de ceux qui veulent s’associer pour vivre une autonomie collective est bien celle vers laquelle converge maintenant les courants de l’ultra-gauche. Dans cette « micro-société », c’est bien le projet de Tiqqun d’une constitution « d’un terrain éthique des formes de vies, que se joue actuellement la guerre contre l’Empire ». Ce terrain est bien celui, de « changer le monde sans prendre le pouvoir » comme disait John Holloway, et si on ne veut plus du pouvoir (ni des urnes, ni des associations gestionnaires, etc), alors s’est bien le projet d’une vaste auto-organisation collective qui sera le chemin.

----------------------

Ces points de convergence que je crois identifier, si ils sont à replacer dans le vaste reflux sur plus de 30 ans (et on n’en a pas fini) de la vieille matrice idéologique des marxismes qui se meurt aujourd’hui plus ou moins brusquement dans l’agonie de ceux qui se réclament encore de la « gauche », ne doit évidemment pas masquer les débats d’idées violents au sein de l’ultra-gauche. Cependant il faut aussi prendre du recul, et voir que dans la Très grande et éternelle bataille des ultra-gauche, nous convergeons aujourd’hui quand même sur bien des choses et sur bien des points. Le grand capharnaüm pourrait faire croire que le mouvement des ultra-gauche va vers une fragmentation extrême et irréconciliable (et il est vrai que Tiqqun ne pourrait pas concevoir la position de Lasch sur la famille et les valeurs de la classe moyenne), mais ce que je veux dire seulement ici, c’est que même dans les très grandes différences, on peut converger ensemble sur certains points. Et cette convergence se fait toujours commune de la critique totale de la vieille matrice idéologique marxiste, ce qui montre bien encore, qu’il y a là le point commun de ces groupes variés et leur plus petit dénominateur commun : qui est aussi le plus grand et le plus grand espoir pour renverser l’Empire économico-techno-politique qui nous traverse tous le corps de part en part.

-----------------------------------------------------------------------------

[1] Cf. le chapitre « L’obsolescence du clivage entre la gauche et la droite », in Lasch, Le Seul et Vrai Paradis : « Mais le programme historique de la gauche est devenu pareillement autodestructeur. L’espoir d’étendre le mode de vie occidental au reste du monde conduira encore plus rapidement à l’épuisement des ressources non renouvelables, à la pollution irréversible de l’atmosphère terrestre, et sous peu à la destruction du système écologique dont dépend la vie humaine », p. 27.

[2] Ce qui d’ailleurs du point de vue des thèses de Krisis sur le « sujet automate » est une conception pour eux plus intéressante, que l’approche idéologique défendue par Debord – qui parlera bientôt carrément d’un complot -, ou par les téléologues toutes tendances confondues. Cependant Lasch à la différence de Krisis, continue quand même à rendre responsable le groupe des élites managériales, de l’écoulement du monde. Ce que Krisis, à partir de sa thèse du « sujet automate » de la valeur, refuse quand il dit que « voir dans les élites actuellement actuellement aux commande de l’économie et de la politique, les responsables de la crise constitue l’un des écueils inévitables d’une telle illusion » (Kurz, Critique de la démocratie balistique, préface de Galtier et Mercier.)

[3] Remarquons que Tiqqun est opposé à toute perspective écologiste ou thermodynamique : « l’entrée de la cybernétique dans le fonctionnement du capitalisme vise à minimiser les incertitudes, les incommensurabilités, les problèmes d’anticipation qui pourraient s’immiscer dans toute transaction marchande. Elle contribue à consolider la base sur laquelle les mécanismes du capitalisme peuvent avoir lieu, à huiler la machine abstraite du capital », p. 54. voir p. 62, surtout p. 59 qui critique impeccablement le club de Rome et son rapport Halte à la croissance. Voir plus encore Comité invisible, L’insurrection qui vient, chapitre 5 sur la décroissance et chapitre 6 sur « l’environnement ».

[4] On peut noter d’ailleurs dans l’appréhension du phénomène technique par ce groupe, des perspectives assez similaires, chez Amiech et Mattern par exemple, cf. p. 53-54 de ce même long texte, qui sont pourtant plutôt du courant anti-indus-EdN. Le rapprochement est ici évident quand Tiqqun fait référence aux travaux de l’historien James Beniger sur le train. Cf. le texte de mathieu dans NetMC n° 7, « Les Etats-Unis avant la modernisation ». Et Tiqqun se réclame aussi de Alfred Chandler. C’est dire encore certaines convergences possibles. C’est véritablement le processus de modernisation qui est partout en cause.

[5] Kurz en effet reconnaît « deux paradigmes au sein de la critique du capitalisme ». Le premier : « Du XVIe siècle au début du XIXè siècle, de la guerre des paysans aux actions des luddites, les mouvements sociaux ont lutté en s’appuyant sur les conceptions traditionnelles, propres aux sociétés agraires, d’une ‘‘ économie morale ’’ (E P thompson) et souvent sous des oripeaux religieux, contre ce qui les faisait entre en de force dans les nouveaux rapports liés aux exigences coercitives du ‘‘ travail abstrait ’’ (Marx). Mais on n’avait aucune idée du capitalisme, qui n’était donc encore qu’embryonnaire, et donc pas non plus de perspective d’émancipation de la modernité productrice de marchandises ». Le second paradigme débute pour Kurz au milieu du XIXe siècle et sera le mouvement ouvrier. Et pour lui, le principe même de ce paradigme qu’il rejette totalement, est celui-ci (je l’explicite pas il suffit de lire Kurz) : « la gauche et les mouvements sociaux agirent à l’intérieur de la ‘‘ cage de fer ’’ des catégories capitalistes » (…), donc désormais dans ce second paradigme, « la critique ne porte plus que sur les modalités de la forme capitaliste ». Comme dit Jappe, la lutte des classes sera la forme immanente au déploiement de la société de la valeur. Kurz (et cela montre très bien la convergence de ses thèses avec celles de Michéa dans Impasse Adam Smith) écrit alors comme Lasch d’ailleurs : « la gauche devient le moteur du ‘‘ progrès ’’ capitaliste contre les forces de l’immobilisme ».

[6] « Le sabotage luddiste ne doit pas être interprété dans une perspective marxiste traditionnelle comme une simple rébellion primitive par rapport au prolétariat organisé, comme une protestation de l’artisanat réactionnaire contre l’expropriation progressive des moyens de production que provoque l’industrialisation. C’est un acte délibéré de ralentissement des flux de marchandises et de personnes, qui anticipe sur la caractéristique centrale du capitalisme cybernétique en tant qu’il est mouvement vers le mouvement, volonté de puissance, accélération généralisée », p. 77. Quand on sait l’influence de Thompson sur Lasch et disons le courant anti-indus-EdN, l’apologie tiqquniste des luddistes qui carrément considère les luddistes comme des précurseurs (même si Tiqqun interprète l’action des luddistes par rapport à leur thèse de la primauté actuelle de la circulation sur la production, ce qui serait à mon sens une interprétation très contestable des luddistes), cela relativise tout de même certaines opinions qualifiant J. Semprun, d’ « ultra-conservateur », étiquette parfois aussi attachée à Michéa, Ellul ou Lasch.

[7] Et là malgré que Kurz – à la différence de Jappe – défends encore parfois l’autogestion et les conseils –, perspective que refuse Tiqqun, on voit bien que la « démocratie directe » honnie par Tiqqun, la « démocratie » refusée par Bounan, rejoignent les positions de Krisis sur toute opposition d’un revival politique démocratique à l’économie. Ce que Bounan par contre, reproche à EdN, c’est justement de défendre encore la « démocratie », mais à mon sens, si on peut demander à EdN des explications sur certains sens des mots utilisés, parfois en effet flou, ce reproche est infondé.
_________________
Comme disait Durruti, faut pas ce laisser abattre...
Avatar de l’utilisateur
Laguigne
 
Messages: 287
Inscription: Mardi 20 Sep 2005 12:56
Localisation: Le Bec Helloïn

Messagepar reno » Lundi 11 Juin 2007 21:25

Tout ça est effectivement vachement interessant. Il a y plein de choses a discuter.
Bon, sur la critique du matérialisme historique marxiste, je pense qu'on ne peut qu'être d'accord; comme le souligne le texte, de nombreux élements démontant indiscutablement le marxisme sur ce point existe, notament en sociologie-anthropologie (voir Weber, Clastres, ou même Castoriasis, qui n'est pas évoqué ici, ...)
Sur la critique du progré: en faire découler une critique systématique de la Raison (des Lumières), en la liant directement à l'idéologie economiste capitaliste mérite plus ample discussion; ce n'est pas que cela soit complètement faux, mais peut-être plus complexe. Il me semble qu'il y a matière sur ce sujet dans les travaux de l'Ecole de Francfort (notament La dialectique de la raison, de Adorno et Horkeimer, que j'ai prévu de lire...quand j'aurais le temps, et le courage).
Pareil pour la question du politique et de la démocratie. On a déjà eu des discussions entre nous sur notre réference ou non à la démocratie. La définition qu'en donne Castoriadis me semble interessante: elle correspond au projet d'autonomie (auto: soi-même, nomos: règles, normes). L'autonomie, donc la démocratie, est l'idée de définir soi-même ses propres règles, normes, ..., de pouvoir les redéfinir, les rediscuter en permanence. Pour continuer avec Castoriadis, il considère que ce projet d'autonomie est incompatible avec le capitalisme, qui est l'hétéronomie instituée ( car les règles sont effectivement celles de l'économie). Dans une telle perspective, ce qui peut s'opposer à l'économie, c'est justement le politique ( on ne palre bien sur ni de l'Etat ni d'aucune autre forme d'institution existante qui lui serait affilié de pres ou de loin). D'ailleurs, ces gens qui critiquent radicalement (à sa racine) l'économie proposent l'auto-organisation comme forme de vivre ensemble. Pour moi, le politique et la démocratie ne sont rien d'autre que l'auto-organisation. En fait, j'ai l'impression que l'acception des termes politique et démocratie qu'ils adoptent sont justement les acceptations spectaculaires, détournées de manières mensongères par le système.
J'ai également parfois l'impression que certaines choses sont moins novatrices que l'air qu'elles se donnent. Ce qui n'enlève pas la pertinence de ces analyses.
Enfin bon, peut que je me trompe, que je n'ai pas tout compris. En tout cas, tout cela mérite d'être discuté, approfondie.
reno
 
Messages: 142
Inscription: Mercredi 08 Déc 2004 15:21

Messagepar Federica_M » Mardi 12 Juin 2007 12:05

Sur la question de démocratie, un apport au débat peut être le bouquin d'Abensour (?) "la démocratie contre l'Etat". Electron libre a publié le chapitre qq part sur le forum, à la suite du texte de Janover.
Federica_M
 
Messages: 1146
Inscription: Dimanche 02 Oct 2005 12:19
Localisation: Paris (France)

Messagepar Federica_M » Mardi 12 Juin 2007 12:09

> Remarquons que Tiqqun est opposé à toute perspective écologiste ou thermodynamique

???

Au contraire, j'avais cru comprendre que Tiqqun était pour l'application - bruyante si possible - du second principe de la thermodynamique ???
Federica_M
 
Messages: 1146
Inscription: Dimanche 02 Oct 2005 12:19
Localisation: Paris (France)

Messagepar Federica_M » Mardi 12 Juin 2007 12:11

> lutte n’est pas politique, elle est antipolitique. Puisque à l’époque moderne, l’Etat et la politique se confondent avec le système coercitif du travail, ils doivent disparaître avec lui.

C'est bien.

Ils retrouvent les "Principes du syndicalisme révolutionnaire", préambules des statuts de l'AIT, établis à Berlin en décembre 1922 ...
Federica_M
 
Messages: 1146
Inscription: Dimanche 02 Oct 2005 12:19
Localisation: Paris (France)

Messagepar Federica_M » Mardi 12 Juin 2007 12:20

Désolé je lis par bribe (c'est dense ...) mais il ya des choses qui me paraissent un peu enfoncer des portes ouvertes (ce quin e veut pas dre que ce soit inintéressant mais bon ...)

Par exemple :

"Pour les Tiqqunistes, la cybernétique va remplacer l’économie, à partir de 1870 : L’information sur les flux tient dès lors une importance stratégique centrale comme condition de la valorisation "

Mais ca c'est vrai déjà AVANT 1870 ! Par exemple, Grouchy arrivant à la bourre à Waterloo, voila une info sur le flux qui tenait une importance stratégique centrale comme condition de la valorisation de la bataille ! Et (l'information de la défaite de waterloo qu'il avait eu de manière anticipée par rapport à ses concurents a permis à je ne sais plus quel boursicoteur de l'époque de faire un profit faramineux. Engels en parle très bien dansun bouquin dont je vous retrouverai la référence !

Peut être que je ne saisis pas tout ce qui se dit pour n'avoir pas été en cursus universitaire de lettres, mais j'ai commel'impression qu'on cherche parfois à justifier notre attitude (misère ?) actuelle à la lumière d'évènements apssés qui sont en fait réinterprétés. (cf le paragraphe sur les luddites).
Federica_M
 
Messages: 1146
Inscription: Dimanche 02 Oct 2005 12:19
Localisation: Paris (France)


Retourner vers Sur la pensée révolutionnaire

cron